Manque de places en master : doit-on en ouvrir davantage ?

Si la création en 2024 d'une phase complémentaire sur la plateforme Mon Master a permis une augmentation du nombre d’étudiants ayant décroché une place en M1, les acteurs de l'Enseignement supérieur réclament de nouvelles mesures pour garantir le droit à la poursuite d'études.
Plus de 85%. C'est le taux de candidats éligibles qui ont reçu une proposition d'admission en M1 pour la rentrée 2024. Une augmentation de 6% par rapport à l'année dernière que le ministère de l'Enseignement supérieur attribue à "la mise en œuvre d’une phase complémentaire sur la plateforme Mon Master (...) qui a permis une attribution plus efficace des places restées disponibles à l’issue de la phase principale". Une phase complémentaire saluée par l'ensemble des acteurs de l'enseignement supérieur mais qui, sur le long terme, ne sera pas suffisante pour pallier le manque de places dans certains masters.
Des filières sélectives face au grand nombre de demandes d'inscriptions
"Actuellement, on ouvre des places en master en fonction des moyens. Nous aimerions que l'on ouvre des places en fonction des demandes", explique Elisa Mangeolle, porte-parole de la Fage. Elle fait notamment référence aux filières les plus sous tension, à savoir le droit et la psychologie, toujours très prisées des étudiants et qui deviennent, de fait, sélectives face au grand nombre de demandes.
"La solution reste l'ouverture de places, parce que là on fait face à des réorientations forcées pour beaucoup d'étudiants", abonde Livia, membre de l'équipe nationale de l'Union étudiante. Un phénomène qui s'accompagne d'une forme de "sélection sociale" : pour de nombreux jeunes, l'impossibilité de poursuivre des études rime aussi avec précarité. Perte du statut et du logement étudiant, de certaines aides sociales, obligation de quitter le territoire pour les étudiants étrangers... Le manque de places plonge les étudiants dans une grande incertitude.
"Qu'il n'y ait que 16% d'étudiants sans place - alors qu’à la lecture des dossiers, beaucoup plus d’étudiants ne paraissent pas avoir les aptitudes - c'est un chiffre assez faible", tempère de son côté Laurent Gamet, doyen de la faculté de droit à l’université Paris 12. "Des étudiants qui candidatent, nous en avons, mais de bons étudiants, pas tant que ça ! Alors que les besoins en droit pour les années à venir sont colossaux", poursuit-il.
Pour lui, c'est à la prise en compte des situations particulières qu'il faudrait davantage travailler. "Je suis stupéfait par le nombre d'étudiants qui doivent aider des parents, pour des raisons financières ou de santé". Des circonstances qui ne favorisent pas la réussite académique et que Laurent Gamet s'applique à prendre en compte lors de la sélection des dossiers.
Davantage accompagner en licence
D'après le professeur, l'enjeu n'est pas dans l'ouverture de places en master, mais "dans la réussite en première année". Rien ne sert d'accueillir davantage d'étudiants s'ils n'ont pas le niveau et ont de grandes chances d'échouer. "Il faut inverser la dynamique : faire en sorte qu'on amène plus d'étudiants jusqu'à la L3, et ensuite ouvrir des places". Pour cela, le travail doit se faire très en amont, jusqu'au bac -3, notamment en "retravaillant les fondamentaux" et en accompagnant, au lycée et en licence, au mieux les élèves dans leur parcours et leur orientation.
A la Fage aussi, on milite pour un meilleur accompagnement des étudiants tout au long de leurs études pour leur permettre de s'y épanouir. "Cela passe aussi par une valorisation des compétences", affirme Elisa Mangeolle. Tutorat entre pairs, approche personnalisée et individualisée... La fédération plaide pour un encadrement au plus près des étudiants. Si la phase complémentaire était réclamée par le syndicat, la responsable regrette cependant qu'on ne puisse pas repostuler dans ses premiers voeux. "Certains étudiants sont allés dans des filières par défaut, parce qu'il restait des places", regrette-t-elle. "Mais cela permet une poursuite d'études, ce qui est toujours mieux que rien".
Dans un contexte budgétaire tendu, aucun financement n’est prévu pour ouvrir de nouvelles places en master, prévient de son côté la Direction générale de l'enseignement supérieur et de l'insertion professionnelle (DGESIP).