Témoignage

Sélection en master : "J'ai perdu un an..."

Droit à la poursuite d'études master
Plus de 700 candidats au droit à la poursuite d'études sont encore en attente d'une place en master. © Denis ALLARD/REA
Par Laura Taillandier, publié le 19 février 2018
6 min

Plus de 3.000 étudiants ont choisi de saisir le recteur pour faire valoir leur droit à la poursuite d'études en master à la rentrée 2017. Certains ont trouvé une université, mais entre 700 et 1.000 candidats sont toujours en attente d'une place. L'Etudiant est allé à la rencontre de ces étudiants restés sur la touche.

"C'est totalement injuste : pourquoi certains peuvent poursuivre en master et d'autres non ?", interroge Delphine*, 22 ans, étudiante dans l'académie de Versailles. Elle fait partie des plus de 3.000 diplômés de licence qui ont choisi de saisir le recteur pour faire valoir leur droit à la poursuite d'études, prévu dans la loi, sur la sélection en master.

"En octobre, l'angoisse a commencé à monter"

Sa licence AES (administration économique et sociale) en poche, et après quatre refus de candidature en master de management et marketing, Delphine s'est emparée de la procédure à la mi-septembre. "Mon dossier a été accepté, puis j'ai reçu des appels me disant que les universités ne donnaient pas de réponse ou qu'il n'y avait plus de place. Depuis, je n'ai aucune nouvelle. J'ai perdu un an...", lâche amèrement la jeune femme.

Même déception pour Rachid, 24 ans, diplômé d'une licence de chimie, à Paris. Sa stratégie de cibler les trois masters de l'académie qui l’intéressait n'a pas été payante. "Je me disais qu'au pire le rectorat me proposerait une alternative." Son dossier pris en charge par l'académie en septembre, l'étudiant a ensuite passé ses journées "à guetter" ses mails. "En octobre, l'angoisse a commencé à monter. Arriver à l'université avec plusieurs semaines de retard après la rentrée, c'est énorme !", témoigne Rachid. "En novembre, on m'a fait comprendre que je n'avais plus rien à espérer de la procédure." Son dossier aura pourtant été envoyé à une trentaine d'universités : 10 ont refusé et les autres "sont restées muettes".

Dans l'académie de Grenoble, Lola*, elle, n'a pas passé l'étape de la sélection par le rectorat. Après trois candidatures, elle s'est retrouvée sur liste complémentaire pour un master psychologie du travail. "On m'a dit que mon dossier n'était pas accepté car j'étais sur cette liste. J'ai dû batailler pendant plusieurs mois pour obtenir un justificatif de refus de l'université. Quand je l'ai eu, c'était trop tard..."

735 candidats ont trouvé une place en master

Au cours de cette première année de mise en œuvre de la sélection à l'entrée en master, seuls 3.300 étudiants sur les 173.000 inscrits en L3 se sont emparés de leur droit à la poursuite d'études en saisissant le recteur. Et ce, principalement dans certains champs disciplinaires comme l'économie-gestion, la biologie, la psychologie et les langues vivantes. Près de 2.000 dossiers ont été retenus par les rectorats, car jugés complets. En tout, la procédure aura permis à 735 étudiants de trouver une place dans un master.

Reste que, comme Delphine ou Rachid, ils sont entre 700 et 1.000 étudiants à être toujours sans réponse sur la plate-forme "trouvermonmaster", malgré un dossier complet. "Ces cas particuliers sont gravissimes. Ces étudiants n'ont pas eu de réponse malgré la loi", déplore le président du mouvement étudiant Promotion et défense des étudiants (PDE), Quentin Panissod.

La procédure modifiée pour la rentrée 2018

Pour éviter que d'autres ne se retrouvent dans cette situation l'an prochain, le ministère de l'Enseignement supérieur étudie plusieurs modifications pour améliorer la procédure. Afin de fluidifier le calendrier, les universités devraient avancer leur jury de L3 avant l'été et ainsi répondre aux demandes d'inscription dans les masters à la mi-juillet au plus tard.

De nouvelles informations devraient également être demandées aux étudiants l'an prochain comme leurs notes en dernière année de licence. Objectif : donner plus d'éléments aux universités pour répondre favorablement ou non aux candidats. Les étudiants pourraient aussi être incités à élargir leur champ de recherche de masters, en émettant davantage de vœux qu'ils ne le font actuellement. Pour saisir le recteur, il faudra vraisemblablement justifier de plus de deux refus de candidatures, comme c'est le cas aujourd'hui.

Autres changements à l'étude : un délai de réponse de quinze jours pourrait être imposé aux établissements. De même que la possibilité de leur demander une contre-proposition, en cas de refus.

Mettre toutes les chances de son côté

Changements ou non, Rachid, Lola et Delphine comptent bien retenter leur chance l'année prochaine. "Je vais devoir recommencer tout à zéro lors de l'ouverture des sessions en avril. Mais il est hors de question que je reste encore sur le carreau. J'ai le droit de poursuivre mes études !", affirme l'étudiant parisien en chimie. En attendant il a trouvé du travail dans son domaine de formation, en tant que technicien. "J'ai sauvé mon année", résume-t-il, pragmatique.

Delphine, elle, cherche toujours un job. "Ce n'est pas du tout ce que je voulais faire mais je n'ai pas eu le choix. Je veux qu'on me garantisse une place pour la prochaine rentrée. Je ne peux pas attendre un an de plus", insiste la jeune femme.

Lola enchaîne les projets pendant cette "année manquante", espérant que ça "valorisera" son dossier pour l'année prochaine : un stage de psychiatrie d'un mois conventionné par la mission locale, un service volontaire en Italie auprès de personnes en situation de handicap... L'étudiante entend tirer profit de son expérience malheureuse pour mettre "toutes les chances" de son côté à la rentrée : "Je vais postuler partout !"

* Les prénoms ont été changés à la demande des étudiantes.

Une action collective en justice

L'association PDE a décidé de former une action de groupe en justice pour obtenir une solution pour les plus de 700 étudiants "lésés" dans le cadre du droit à la poursuite d'études. Le ministère a quatre mois pour répondre à cette mise en demeure. Si ce n'est pas le cas, elle saisira le Conseil d'État.

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