Reportage

Une année à l'école des profs : "Je ne m'attendais pas à ce qu'enseigner me plaise autant"

Maëli, enseignante-stagiaire, lors de son cours à ses élèves de seconde.
Maëli, enseignante-stagiaire, lors de son cours à ses élèves de seconde. © erwin canard
Par Erwin Canard, publié le 14 mars 2018
7 min

IMMERSION À L'ESPÉ. Épisode 5. Le cours qu'a donné Maëli, enseignante-stagiaire de français au lycée, était un peu spécial : il s'agissait d'une "visite conseil". Sa tutrice à l'Espé y a assisté afin d'observer sa progression et de lui indiquer comment améliorer sa pratique.

À l'observer debout devant ses élèves du lycée Jean-Baptiste-Corot de Savigny-sur-Orge (91), l'entendre les interpeller, la voir déambuler entre les tables, d'aucuns auraient bien du mal à percevoir que Maëli n'est "que" stagiaire et n'a pas plusieurs années d'expérience. Or, en ce mois de mars 2018, cela ne fait que sept mois que Maëli est enseignante.
Cette année, elle n'enseigne qu'à mi-temps (soit 9 heures par semaine devant élèves), comme tous ses collègues enseignants-stagiaires de M2 MEEF lettres modernes de l'Espé de Paris. Pour son dernier cours de la semaine, vendredi, entre 15 h et 16 h, elle a dans sa classe deux personnes de plus que les 35 élèves de seconde F habituels : Blandine Longhi et Claire Gonin. Ces deux enseignantes sont respectivement, pour Maëli, sa tutrice au sein de l'Espé et sa tutrice du lycée.

Mieux percevoir l'évolution

Si Claire Gonin vient régulièrement observer Maëli dans sa classe, ce n'est que la deuxième "visite conseil" de Blandine Longhi. "J'apporte mon regard sur la pratique, qui est complémentaire de celui de la tutrice terrain, explique-t-elle. La tutrice de l'Espé fait, tout au long de l'année, deux "visites conseil" pour chacun des huit stagiaires dont elle s'occupe. "Le fait que je vienne à des intervalles espacés me permet peut-être de mieux percevoir leur évolution."
Cette visite ne donne pas lieu à une évaluation. L'objectif est de faire le point à un temps donné sur la progression de l'enseignante-stagiaire dans sa pratique professionnelle et de prodiguer des conseils. "Je regarde un tout : le déroulé du cours, la préparation de la séquence, la gestion du temps, de la classe… Je suis logiquement plus exigeante lors de la deuxième visite qu'à la première", indique la formatrice. Maëli a préalablement dû lui fournir le plan de la séquence en cours et la fiche de préparation de la séance du jour. "Afin de voir si ce que j'observe correspond bien à ce que Maëli avait prévu", souligne Blandine Longhi.

"C'est toujours stressant d'avoir quelqu'un dans sa classe"

Peu avant 15 h, les deux tutrices s'installent au fond de la salle, où Maëli s'apprête à donner son cours autour de la critique sociale. L'enseignante-stagiaire leur présente rapidement ce qu'elle compte faire : un travail autour du commentaire de texte. La présence de ces deux enseignantes confirmées pendant son cours la perturbe-t-elle ? "C'est toujours stressant d'avoir quelqu'un dans sa classe. J'ai peur qu'on remette en question ce que je dis ou fais. Mais je suis moins stressée qu'à la première visite, et puis je connais bien Madame Longhi", assure Maëli.
Blandine Longhi, tutrice Espé de Maéli, prend des notes durant le cours
Blandine Longhi, tutrice Espé de Maéli, prend des notes durant le cours © erwin canard
D'autant que selon toutes deux la première visite s'était "très bien passée." "Maëli n'avait déjà pas de gros problèmes : elle construisait son cours avec soin, n'avait pas de soucis de gestion de classe. Je lui avais principalement dit de davantage faire confiance aux élèves, de leur laisser plus d'autonomie, mais c'est généralement ce qu'il y a de plus dur lorsque l'on débute…", précise Blandine Longhi.

Une "battle" d'arguments pour finir

Après avoir réprimandé deux élèves arrivés en retard, Maëli débute son cours. Les élèves sont calmes, participent, le cours est vivant. L'enseignante-stagiaire maîtrise. Pendant ce temps, Blandine Longhi prend des notes sur son ordinateur. "La consigne n'est peut-être pas assez claire", "les élèves sont attentifs", peut-on notamment lire. Tout le cours se déroulera dans cette ambiance studieuse, ce qui, aux dires de Maëli et de Claire Gonin, n'était pas gagné d'avance un vendredi après-midi, surtout avec cette classe réputée pour être dissipée et dispersée. Au dernier conseil de classe, 11 élèves sur 35 avaient récolté un triple avertissement (travail, comportement, absentéisme).
Le cours – c'est devenu un rituel à cette heure-ci de la semaine avec cette classe – se termine par une activité déliée de la séance, afin de mettre à profit toute l'heure et de ne pas "perdre" dix minutes pour cause de chahut : une "battle" d'arguments. Les élèves doivent trouver des arguments "pour et contre" sur deux thèmes et certains débattent ensuite au tableau : "A-t-on des droits sur une personne ?" et "Jeux sur PC versus jeux sur consoles".
Maéli lors de l'entretien avec ses deux tutrices après son cours
Maéli lors de l'entretien avec ses deux tutrices après son cours © erwin canard
"Je m'attendais à un cataclysme, mais ils ont été adorables !", sourit Blandine Longhi, lors de l'entretien qui suit le cours. Et Maëli d'avouer qu'ils "ont été gentils avec [elle]". "Cela prouve qu'ils vous aiment bien et que vous avez su les gérer", insiste la formatrice.
Un bémol, toutefois : le cours qu'avait prévu de faire Maëli n'a pu être terminé. "J'ai été trop ambitieuse", reconnaît-elle. "Il reste quelques détails qui peuvent être améliorés, mais c'est très positif dans l'ensemble, rassure Blandine Longhi. Je suis très satisfaite, poursuit-elle. Maëli fait preuve de beaucoup de dynamisme et a su apprendre des conseils que nous lui avions donnés". "Je suis contente car Blandine Longhi a dit que je m'étais améliorée sur les éléments qu'elle avait pointés lors de sa première visite, se satisfait Maëli. J'arrive mieux à répondre aux problématiques, à trouver des choses qui plaisent aux élèves."

"J'adore le contact avec les élèves"

D'ici la fin de l'année, Maëli aura une visite effectuée par un autre formateur que Blandine Longhi. Celle-ci sera "évaluative" : elle servira notamment à déterminer si, oui ou non, elle sera titularisée à la fin de l'année et pourra devenir enseignante titulaire. Cette décision résultera d'une évaluation globale effectuée par son lycée, l'Espé et un inspecteur académique de l'Éducation nationale. "Pour Maëli, il semble y avoir peu de doutes", reconnaît Blandine Longhi. "Les choses se passent très bien avec elle", assure également le proviseur du lycée Corot.
Maëli, en tout cas, est certaine de vouloir être enseignante : "En M1, je me suis dit : "Allez, pourquoi pas devenir enseignante !". Mais, aujourd'hui, je suis sûre de moi. J'adore le contact avec les élèves, leur apprendre des choses, me sentir utile. Je ne m'attendais pas à ce que cela me plaise autant." Et Blandine Longhi, toutefois, de mettre en garde : "Dans ce métier, rien n'est jamais gagné."
L'Etudiant en immersion à l'Espé

Comment les enseignants-stagiaires appréhendent-ils leur première année devant des élèves ? Comment vivent-ils cette année de M2 MEEF réputée lourde et difficile ?
Toute cette année scolaire 2017–2018, l'Etudiant vous amène au cœur de la promotion 2018 du M2 MEEF option lettres modernes de l'Espé (École supérieure du professorat et de l'éducation) de Paris (75), sur le campus Molitor (XVIe arrondissement). Vous suivrez les péripéties de la trentaine d'enseignants-stagiaires affectés en lycée, des cours qu'ils suivent… à ceux qu'ils donnent.

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