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Reportage

Une année à l'école des profs : "On voit qu'on patine un peu tous"

Blandine Longhi devant les huit enseignants-stagiaires de son groupe de tutorat.
Blandine Longhi devant les huit enseignants-stagiaires de son groupe de tutorat. © erwin canard
Par Erwin Canard, publié le 28 septembre 2017
6 min

IMMERSION À L'ESPÉ. Épisode 2. Un mois après leur première rentrée en tant que professeurs, les enseignants-stagiaires de l'Espé de Paris s'interrogent : comment bien gérer une classe, construire un cours accessible et efficace... Pour les aider, leur formation propose des séances de tutorat. Un moment d'échanges précieux et rassurant.

"Comment ça va ? Vous tenez le coup ?", sourit Blandine Longhi. La formatrice à l'Espé de Paris s'adresse aux huit enseignants-stagiaires en lycée du master 2 MEEF (métiers de l'enseignement, de l'éducation et de la formation) option lettres modernes qui assistent, le 27 septembre 2017, à une séance de tutorat. Celle-ci a lieu, pour ce groupe, un mercredi sur deux et est animée par Blandine Longhi, qui endosse le rôle de leur "tutrice Espé".

"Un jour, j'ai cru que je n'allais pas tenir"

Ces séances sont un moment d'échange avec la formatrice, mais aussi entre eux. Elles permettent un retour direct et concret sur l'expérience de ces professeurs passés pour la première fois de l'autre côté du bureau de l'enseignant. Dans la salle C-103 du campus de Molitor (XVIe arrondissement), la parole est libérée, d'autant plus que leur tutrice Espé ne participera pas à leur évaluation finale. "Ils n'ont pas peur que raconter leurs difficultés leur retombe dessus en fin d'année", souligne Blandine Longhi.

Clémentine n'a d'ailleurs pas hésité à dévoiler devant ses collègues les soucis qu'elle a connus en ce début d'année : "J'ai des problèmes de gestion de classe, notamment avec une élève qui fait preuve d'insolence et a des mises au travail difficiles. Un jour, j'ai passé deux heures horribles, j'ai cru que je n'allais pas tenir…" "J'ai du mal à être très ferme", indique de son côté Maëli. "Au début, j'avais du mal aussi, puis je leur ai dit que je donnais une note d'oral. Depuis, ils sont plus calmes", glisse Théo en guise de conseil à sa collègue.

Blandine Longhi donne quelques astuces et tente de rassurer : "Surtout ne prenez pas leur insolence contre vous personnellement, restez calme. Puis vous pouvez tenter de les mettre face à leur responsabilité, au bac pour ceux qui ont des élèves de première par exemple". Ces questionnements n'ont rien d'étonnant pour des enseignants-stagiaires, qui plus est en début d'année. "C'est le moment où ils se heurtent aux premières difficultés. C'est classique. Ils manquent d'assurance, ont des difficultés à s'imposer", explique la formatrice.

"J'ai du mal à captiver les élèves"

Passé ce temps d'échange autour de la gestion de classe, Blandine Longhi évoque la construction des "séquences de cours" (plusieurs séances sur un même thème), l'une des principales inquiétudes des enseignants-stagiaires. À travers le récit des premiers cours, le groupe détermine le bon et le moins bon. "Qui veut expliquer ce qui a marché et ce qui n'a pas marché ?", interroge Blandine Longhi. Mathilde se lance. "Le début était épouvantable", explique-t-elle, avant de décrire le cours qu'elle avait préparé.

"Qui peut expliquer pourquoi le début de la séquence de Mathilde fut aussi dur ?", poursuit Blandine Longhi. Compliqués, longs : les cours que préparent les stagiaires se montrent souvent trop ambitieux. Globalement, ils s'avèrent surpris du niveau des élèves et de leur manière de fonctionner. "J'ai du mal à les captiver. J'ai dû passer une heure à leur expliquer l'intérêt du français. Pour eux, c'était uniquement d'avoir une bonne note au bac…", raconte Maëli.

"C'est vraiment ce que j'aime faire"

Les discussions s’enchaînent sur comment susciter l'intérêt des élèves, comment enseigner le commentaire de texte, comment revenir sur des points de grammaire… "Le tutorat aide beaucoup. Madame Longhi propose plein de choses. Sinon, personne ne voit vraiment notre travail. On est seul…", explique Clémentine. "On voit qu'on patine un peu tous. Nous avons bien notre tuteur terrain (un enseignant qui les encadre dans leur lycée), mais, là, nous pouvons échanger avec d'autres stagiaires", ajoute Théo.

Le tutorat agit comme une respiration dans leur vie d'enseignants-stagiaires partagée à mi-temps entre les cours à l'Espé et leurs élèves. "Le début d'année était très speed, confirme Clémentine. Et, à l'Espé, mis à part le tutorat, les autres cours sont très généraux et théoriques." "On a parfois l'impression que les autres cours sont plus chronophages qu'autre chose, ajoute Maël. En soi, c'est intéressant, mais j'aurais préféré avoir ce temps pour préparer mes cours…"

Un début d'année sur les chapeaux de roue qui n'a néanmoins pas entaché leur motivation ni leur intérêt pour le métier qu'ils découvrent. "Même si le stress est constant, c'est plutôt positif pour le moment", indique Théo. "Je suis contente pour l'instant, sourit Maëli. Je me dis que c'est vraiment ce que j'aime faire."
L'Etudiant en immersion à l'Espé

Comment les enseignants-stagiaires appréhendent-ils leur première année devant des élèves ? Comment vivent-ils cette année de M2 MEEF réputée lourde et difficile ?
Toute cette année scolaire 2017–2018, l'Etudiant vous amène au cœur de la promotion 2018 du M2 MEEF option lettres modernes de l'Espé de Paris (75), sur le campus Molitor (XVIe arrondissement). Vous suivrez les péripéties de la trentaine d'enseignants-stagiaires affectés en lycée, des cours qu'ils suivent… à ceux qu'ils donnent.

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