Apprentissage : pourquoi les ruptures de contrats arrivent plus souvent en CAP, bac pro et BTS ?
INFOGRAPHIES. Conditions de travail, mauvaise orientation, méconnaissance d'un métier... Si les causes de ruptures de contrats d'apprentissage sont variées, ce phénomène touche plus souvent les jeunes de CAP, bac pro et BTS que leurs camarades plus âgés.
Chaque année, de nombreux apprentis mettent un terme à leur contrat d'apprentissage. Un phénomène qui concerne beaucoup plus les jeunes inscrits dans des formations courtes (CAP jusqu'au niveau bac+2) que leurs camarades de l'enseignement supérieur.
Selon la Dares , 29,3% des jeunes de niveau CAP ayant démarré un apprentissage à la rentrée 2022 avaient mis fin à leur contrat dans les 9 mois. Un taux également élevé pour le niveau bac (22,5%), et le niveau bac+2 (26,2%), mais qui chute dès le niveau bac+3 (14,5%) et plus encore au niveau bac+5 (11,9%).
Comment expliquer un tel constat ? Qu'est-ce qui pousse les plus jeunes à rompre leur contrat d'apprentissage ?
Les conditions de travail pointées du doigt
Une autre étude de la Dares publiée fin octobre 2024 s'intéresse aux causes des ruptures de contrats des apprentis de niveau CAP à bac+2. Celle-ci s'appuie sur des données plus anciennes, précédant la crise sanitaire de 2020 : 36% des apprentis commençant à la rentrée 2018 une formation de niveau CAP à bac +2 avaient rompu leur contrat dans les 18 mois.
Selon cette enquête, "65% des apprentis interrogés imputent leur rupture de contrat à un problème avec l'employeur ou le poste". Cela peut résulter de conflits avec les responsables ou les collègues, de tâches jugées non adaptées, ainsi que de conditions de travail peu satisfaisantes, entre autres.
Un apprenti confronté à une mauvaise ambiance dans son équipe, un manque de suivi ou une mésentente avec son maître d'apprentissage, ou encore à des missions inadaptées à son diplôme, aura factuellement plus de risque de rompre son contrat. "Le manque de préparation de l'accueil du jeune dans une structure peut jouer", confirme Sabrina Labbé, enseignante et chercheure en Sciences de l'éducation et de la formation à l'université Toulouse Jean Jaurès.
Une mauvaise orientation peut créer des ruptures
Dans une moindre mesure, les ruptures de contrats peuvent également s'expliquer par un désintérêt pour le métier exercé ou une volonté de se réorienter. C'est le cas pour 25% des répondants. Et ce phénomène touche plus facilement les apprentis de niveau CAP à bac+2.
"Beaucoup de jeunes à ces niveaux de formation sont orientés par défaut et se retrouvent dans un secteur qui n'est pas leur choix d'orientation premier", précise Sabrina Labbé. Dans cette configuration, les risques de ruptures seraient plus élevés car des désillusions peuvent arriver une fois le contrat commencé.
"Malgré la profusion de dispositifs développés ces dernières années pour aider les jeunes à découvrir les professions, on ne connaît réellement un métier que quand on l'exerce", ajoute Sabrina Labbé. Un quart des apprentis interrogés par la Dares affirme justement ne pas avoir d'idée claire ou précise du métier qu’ils vont exercer avant de commencer leur apprentissage.
Par ailleurs, ceux qui ont un fait choix plus éclairé de l'apprentissage sont moins concernés par la réorientation. "Les personnes qui, au moment de leur orientation, ont donné la priorité à l’apprentissage dans leurs vœux, expérimentent moins fréquemment une rupture que les autres (35% contre 39%)", pointe d'ailleurs la Dares.
"Les parents restent un soutien quotidien" pour les apprentis
Selon l'étude, les apprentis moins accompagnés par leurs parents sont davantage exposés au risque de rompre leur contrat. Le taux de rupture s'élève ainsi à 30% quand les parents ont donné à leur enfant l'idée ou l'envie d'entrer en apprentissage et l'ont aidé à trouver un employeur. Il monte à 38% quand ils n'ont joué aucun rôle dans la recherche du contrat.
Un lien avec l'origine sociale est également pointé du doigt : 31% des apprentis ayant deux parents cadres, indépendants ou exerçant des professions intermédiaires rompent un contrat, contre 35% des apprentis ayant deux parents employés ou ouvriers. Le taux monte même à 43% "quand au moins un des parents est inactif", précise la Dares.
Ces chiffres peuvent traduire les "différences de ressources matérielles et relationnelles fournies par les parents", explique la Dares, comme le réseau professionnel ou des potentielles mises en relation avec des acteurs du secteur visé. "Les parents restent un soutien quotidien en cas de difficulté, pour faire face à des situations complexes", ajoute Sabrina Labbé.
Des secteurs plus affectés que d'autres
La fréquence des ruptures de contrat varie aussi selon le type de structures d'accueil des apprentis. La Dares fait état de 43% de rupture dans les entreprises de moins de 5 salariés, contre 19% dans celles de 250 salariés et plus.
Or, les apprentis de niveau CAP à bac+2 sont plus fréquemment salariés de petites entreprises : 39% dans des entreprises de moins de 5 salariés, contre seulement 12% pour les entreprises de plus de 250 salariés.
Au même titre, certains secteurs, comme celui de l'hébergement-restauration (55%), les industries agroalimentaires (44%) et les activités de coiffure et de soins de beauté (44%), sont particulièrement exposés à des taux de ruptures de contrats élevés.
Selon les hypothèses de la Dares, cela pourrait s'expliquer en partie par les conditions de travail propres à certains secteurs (comme la pénibilité ou les horaires décalés) et par les spécificités des petites entreprises, notamment l'absence de compensation pour les heures supplémentaires.