En alternance, la difficile gestion de l'équilibre entre l'école et l'entreprise : "il faut apprendre à prioriser"
Entre les devoirs à l'école et les dossiers à suivre en entreprise, la charge de travail en alternance peut vite s'avérer trop lourde pour les étudiants. Quatre d'entre eux racontent à l'Etudiant les difficultés qu'ils ont rencontrées.
C'est après huit mois de contrat que Anne-Christelle a tiré la sonnette d'alarme en décidant de rompre son contrat en alternance.
Entre les tâches qui se multipliaient en entreprise, le stress de l'école et la fatigue, la diplômée en marketing digital s'est sentie débordée, et l'anxiété l'a emporté. "Même quand on essaie de ne pas penser à quelque chose, c'est là, dans notre esprit", assure la jeune femme de 25 ans, qui a par la suite trouvé un autre contrat, dans lequel elle a pu réussir à mieux gérer son temps.
Penser à ses missions en entreprise, même à l'école
Comme en témoigne Anne-Christelle, la frontière entre l'école et l'entreprise peut vite s'avérer poreuse pendant l'alternance. "Quand je suis en classe, il m'arrive de regarder mes notifications Teams (application de messagerie de travail, ndlr), par réflexe, et d'y répondre", admet Noa, étudiante en M1 de marketing et business développement, en alternance dans une grande entreprise de services numériques. "Je me mets un stress toute seule", admet-elle.
La séparation est "un peu floue", abonde Anaïs, ancienne alternante en communication et marketing. "Je regardais en permanence le compte Instagram pour voir si ma publication avait bien été postée", témoigne-t-elle. Si la jeune femme essayait au maximum de faire abstraction de son travail en entreprise, beaucoup autour d'elle n'arrivaient pas à tenir la même démarche. "Certaines personnes dans ma classe répondaient à leurs mails pro pendant les cours", se souvient-elle.
Travailler pendant les cours
Au-delà de cette charge mentale, les alternants peuvent aussi se voir directement sollicités par leur entreprise, pendant leur temps passé à l'école. "On m'a déjà envoyé un message sur Teams pour discuter d'un projet", raconte Mohamed, étudiant en deuxième année d'école d'ingénieurs, alternant dans une entreprise automobile.
De son côté, Anne-Christelle a dû à plusieurs reprises corriger des éléments sur des publications, pendant les cours. S'il lui arrivait de ne pas avoir le temps de finir certaines tâches pendant ses semaines en entreprise, elle devait s'en remettre à "ses soirées de semaine, pendant l'école".
Gérer les devoirs "le soir après le travail"
Le temps en entreprise peut lui aussi être rapidement monopolisé par les devoirs à rendre pour l'école. Et pour cause, de nombreux alternants rapportent devoir s'organiser en conséquence pour être dans les temps vis-à-vis de ce qui leur est demandé par les établissements. "Quand tu dois rendre un DM le lundi suivant, le jour de la reprise à l'école, et que tu viens de finir ta semaine d'entreprise, tu n'as pas forcément envie de travailler", assure Mohamed.
Alors, l'anticipation est de mise. "Je fais mes devoirs le week-end entre mes deux semaines de contrat, ou bien le vendredi, quand je suis en télétravail", affirme l'étudiant ingénieur, qui alterne entre deux semaines d'entreprise et deux semaines de cours. Parfois, les projets à faire pour l'école peuvent venir empiéter sur les congés, acquis de droit par le statut d'apprenti. "Les établissements pensent qu'on est en entreprise, alors qu'on est censé être en vacances, c'est problématique", affirme-t-il.
De son côté, Anaïs travaillait dès qu'elle avait "un peu de temps". Pendant son alternance, elle concentrait principalement ses efforts la semaine après le travail, pour se laisser le temps de souffler le week-end.
Quand la charge de travail déborde
En accumulant les missions de l'entreprise et les devoirs à faire pour l'école, in fine, "le temps perso est forcément réduit", assure Mohamed. D'autant que la charge de travail peut parfois être trop importante à gérer pour les alternants. "En master, les responsabilités augmentent : c'est comme si on était en CDI", assure Anaïs.
C'est exactement le constat qu'a fait Anne-Christelle, lors de sa deuxième alternance. "Avec l'expérience, j'arrivais mieux à prioriser les tâches, mais il y en avait quand même trop", raconte l'ancienne alternante, qui se souvient ne généralement pas finir sa journée avant 20h. Surchargée, elle n'avait trouvé comme solution que d'arriver plus tôt le matin : "malgré ça, la charge restait toujours trop élevée", regrette-t-elle.
À terme, la fatigue peut rapidement se manifester. "En classe, j'avais souvent sommeil, et même au travail, je mettais mes écouteurs, ma musique, pour ne pas m'endormir", admet-elle. Cette surcharge aboutit souvent à un sentiment de frustration "Je faisais des erreurs, on me disait que je ne faisais pas bien mon travail", se souvient-elle.
Un temps d'adaptation au retour de l'école
Selon les rythmes d'alternance, la gestion de gros dossiers en entreprise peut s'avérer plus ou moins difficile. "Quand tu débutes un projet, et qu'au bout de deux semaines tu t'en vas, le projet continue à avancer, d'autres personnes doivent se mettre dessus", explique Mohamed. L'étudiant ingénieur raconte qu'en revenant de l'école, un temps d'adaptation est généralement de mise pour reprendre en main les différents sujets. "Il faut reprendre le rythme, après plusieurs semaines, il peut y avoir énormément de mails à traiter, mais après une journée d'acclimatation, ça repart", rassure Noa.
Les allers-retours entre l'école et l'entreprise imposent d'avoir un dialogue et une organisation bien ficelées avec ses maîtres d'apprentissage. "Ma manager m'a dit de signaler que je repars à l'école, pour prévenir les personnes qui voudraient me contacter", explique l'étudiante en marketing et business développement.
"Il faut apprendre à prioriser", conclut Mohamed. Pour mieux gérer les différentes tâches, la plupart des alternants interrogés se servent de documents ou interfaces informatiques (du type tableur Excel, ou d'autres logiciels) pour inscrire "les différentes échéances", et où ils en sont dans leur travail. "J'ai pris l'habitude de tout noter dans les moindres détails", confirme Anne-Christelle, qui s'est même créé un planeur digital lors de sa dernière année, en s'imposant un bilan sur l'organisation à chaque fin de mois.
En alternance, quels sont mes droits ?
En tant qu'apprenti, exit les vacances scolaires : vous avez droit à cinq semaines de congés payés comme tous les salariés de l'entreprise (soit 2,5 jours par mois). Vous disposez également de cinq jours en plus de vos congés pour préparer vos examens.
Comme le reste des salariés de l'entreprise, vous avez le droit aux mêmes règles en termes de couverture maladie, maternité ou encore accidents du travail.
La durée de travail hebdomadaire d'un apprenti est, sauf exceptions, fixée à 35 heures (comprenant le temps de formation).
Le rôle du maître d'apprentissage est de vous aider à vous insérer dans l'entreprise en décryptant pour vous son organisation, ses codes et ses usages. N'hésitez pas à le solliciter dès que vous rencontrez des difficultés, quelles qu'elles soient.
Si vous souhaitez mettre fin à votre contrat, les ruptures anticipées sont possibles mais supposent un accord à l'amiable, plus ou moins difficile à obtenir. N'hésitez pas à vous rapprocher du médiateur de l'apprentissage désigné par la chambre consulaire dont dépend votre entreprise.
