"Face aux étudiants en école, je sens que je n'ai pas les mêmes chances" : les défis de la recherche d'un contrat d'alternance

Quand vient le moment de rechercher une entreprise où réaliser son alternance, les étudiants ne disposent pas des mêmes ressources pour trouver les offres les plus adéquates. Quatre étudiants nous partagent leurs expériences et difficultés.
En pleine recherche active d'une entreprise, Charly décrit un état d'esprit plutôt positif : "on va dire que je suis 70% positive et 30% stressée", confiait-elle lors d'une première interview menée fin mars. Deux mois plus tard, la jeune fille interrogée une nouvelle fois par l'Etudiant, et qui n'a toujours pas trouvé de contrat, partage une légère baisse de motivation.
"Je dirai 65% de confiance maintenant", exprime-t-elle. Depuis décembre dernier, la lycéenne scrute les sites d'offres d'emploi et peaufine un peu plus sa candidature pour décrocher un contrat d'apprentissage pour un poste de community manager ou gestion de projets.
Elle n'est pas la seule : sur les quelque centaines de milliers de futurs alternants qui débutent un contrat chaque année, la majorité sont dans les starting-blocks. L'objectif : trouver un contrat avant la rentrée de septembre, un sésame de plus en plus difficile à atteindre dans un contexte où le nombre de candidats et de domaines visés par l'apprentissage explose, à tous les niveaux de qualification.
Entre l'envoi de CV et la pression des examens
"Le positif attire le positif", se rassure Charly. La jeune élève originaire de l'Ain affirme "connaître son potentiel" et a confiance en son profil. "J'ai pas mal d'expériences sur mon CV", assure-t-elle plein d'entrain, à la fin du mois de mars.
Pour autant, à cette période de l'année, la lycéenne en bac professionnel Services aux personnes et aux territoires n'est pas insensible au stress, surtout quand elle doit jongler avec les grosses journées de cours. Une semaine avant cette première interview, Charly a passé un entretien qui lui a pris beaucoup de temps qu'elle n'a pas pu consacrer à ses examens à venir. "La semaine suivante, je n'ai rien fait pour pouvoir réviser", détaille-t-elle.
C’est cette même pression des examens qui a précipité Leïla à répondre positivement à une proposition d'alternance qu'elle a reçue, fin avril. "On a d’autres trucs à faire. À un moment il faut se décider. Je me suis dit : ok ça me plaît, je dis oui, et je suis tranquille", raconte l’étudiante en IEP.
La stratégie de multiplier les candidatures pour décrocher une alternance
Pour trouver une alternance comme Leïla, nombre d'étudiants s'imposent une organisation bien cadrée. Comme elle, Suzanne, qui intégrera un CAP ébéniste en septembre prochain. La jeune femme de 21 ans s’est constituée un tableau Excel récapitulatif des entreprises auxquelles elle souhaite postuler, avec des codes couleurs en fonction de sa prise de contact, des types de réponses et des relances.
Au-delà des offres qu'elle voit passer sur les réseaux sociaux, Charly n'hésite pas à multiplier les candidatures spontanées, pour maximiser ses chances. "J'en compte près de 1.000" envoyées sur LinkedIn, assure la lycéenne, qui avoue privilégier la quantité pour "espérer décrocher des entretiens".
Tous les moyens sont bons : il y a quelques mois, la future apprentie a même tâté le terrain auprès d'un jeune humoriste en l'interpellant à la fin de son spectacle. "Il m’a répondu de lui envoyer son CV et m’a dit qu’il allait le transmettre", raconte-t-elle.
Suzanne adopte le même type de stratégie : "en alternance, il faut se faire à l’idée qu’on a peu de chances d’être pris donc moi je postule dans le plus d’entreprises possible, tout en sélectionnant quand même les entreprises qui me plaisent", détaille la jeune élève en CAP.
Une aide inégale des établissements
De son côté, Leïla a préféré cibler les candidatures qu'elle envoyait, en adaptant sa lettre "en fonction des demandes". L'étudiante de 25 ans l’admet : son école se montre très présente pour aider les étudiants à trouver une alternance. "Il existe une branche qui propose des forums, des ateliers, des rendez-vous."
Ce soutien se matérialise par un suivi significatif. "On m’a envoyé un mail avec des offres de postes, j’ai pu en discuter avec la chargée pédagogique de mon master et j’ai obtenu un rendez-vous facilement avec un conseiller", détaille Leila.
Suzanne s’appuie, quant à elle, sur une liste d’entreprises fournie par l’école qu’elle souhaite rejoindre. Mais excepté cette ressource, l'établissement ne prévoit aucun soutien humain ou informationnel pour l'aider dans ses démarches.
Sur ce point, tous les futurs alternants ne sont pas logés à la même enseigne. "On retrouve des accompagnements très différents selon les centres de formation", déplore à ce titre Aurélien Cadiou, président de l'ANAF . Et ce alors que le Code du travail précise que les établissements se doivent "d'appuyer et d'accompagner les postulants à l'apprentissage dans leur recherche d'un employeur".
Charly n'a de son côté reçu aucune aide de l'organisme qu’elle souhaite rejoindre : "la responsable de formation est très occupée". La jeune femme de 19 ans, qui entend intégrer un établissement scolaire privé de statut associatif, se sent relativement livrée à elle-même dans ses recherches. "Heureusement, mon frère travaille dans les ressources humaines et relit mon CV", ajoute-t-elle.
"Faire jouer son réseau", une démarche discriminante
Outre l'aide qu'ils reçoivent parfois de leurs établissements, les étudiants doivent généralement faire appel à leur réseau. Mais là encore, des inégalités subsistent selon le corps de métier, le domaine ou l'entreprise visés. Et du réseau familial dont ils disposent.
Ainsi, Floris a pu bénéficier d’une opportunité grâce à une connaissance dans le domaine de l'informatique. "Par le bouche à oreilles, j'ai obtenu un entretien seulement deux jours après avoir envoyé mon CV et la lettre de motivation", assure l'étudiant, qui a finalement continué ses recherches, pour espérer trouver une offre plus proche de chez lui.
Moins chanceuse, Charly n'a reçu que "très peu" d'aide de la part de ses proches, sans trop de connaissances dans les milieux qu'elle cible. "Seule ma prof de théâtre a pu transmettre ma candidature", précise-t-elle. Une recommandation bienvenue, mais qui vise néanmoins un poste dans l'animation, loin donc de son projet initial.
Fortes d'un réseau de partenariats et de rapprochements avec les entreprises, il arrive que certaines grandes écoles et institutions partagent les offres d'alternance qu'elles reçoivent avec leurs étudiants, pouvant même aller jusqu'à recommander certains profils. Mais tous les organismes n’ont pas la même force de frappe.
Encore quelques mois pour trouver
C'est précisément le cas pour Floris, qui craint que son profil ingénieur ne suffise pas à convaincre les recruteurs des offres qu’il vise. "Face aux étudiants en école, je sens que je n’ai pas les mêmes chances", décrit l’étudiant en master cybersécurité dans une école privée, qui a déjà essuyé trois refus. "Le motif indiqué est que mon profil ne correspond pas à leurs critères alors que je coche toutes les cases quand je regarde la fiche de poste", déplore-t-il.
De son côté, Charly ne perd pas espoir. "Pour l'instant, je vais me concentrer sur mon bac en continuant d'élargir mon réseau LinkedIn", affirme la lycéenne. Elle continue ses recherches en affirmant avoir "hâte de trouver (son) entreprise !". Deux jours avant la phase d'admission Parcoursup, elle a finalement reçu une liste d'offres de la part de son établissement, de quoi garder espoir pour la suite.
À noter que les étudiants ont jusqu'à trois mois avant et trois mois après le début de la formation pour trouver leur entreprise et commencer leur contrat d'alternance.