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Portrait

Sarah, alternante et dyslexique : "C'est la première fois qu'on me laisse participer à des réunions"

Sarah, étudiante en alternance et dyslexique
Sarah, 21 ans, s'épanouit dans son apprentissage, en tant qu'assistante marketing digital chez Disney. © Photo fournie par le témoin
Par Rachel Rodrigues, publié le 18 novembre 2024
7 min

Après avoir été confrontée à une scolarité tourmentée, Sarah, 21 ans, s'épanouit dans son apprentissage, en tant qu'assistante marketing digital chez Disney. Pour l'Etudiant, elle revient sur son parcours et les difficultés qu'elle a rencontrées avant d'en arriver là.

Lorsqu'elle était en primaire, Sarah a été confrontée assez vite à une incompréhension face à son handicap. "Ça a été très compliqué : à l'école, on me traitait de feignante", se souvient l'alternante en marketing digital et social media influence. Diagnostiquée dyslexique à l'âge de sept ans, elle entame un parcours scolaire agité, et différents allers-retours entre les établissements généraux et les écoles spécialisées.

Il lui faut attendre de multiples expériences professionnelles pour enfin trouver un mode d'enseignement qui lui convient. "Grâce à l'alternance, je peux réellement prouver mes compétences de manière concrète." Aujourd'hui aux portes du monde du travail, la jeune apprentie à Disney revient sur son parcours en tant que jeune femme dyslexique.

La dyslexie, qu'est-ce que c'est ?

Il s'agit d'un trouble d'apprentissage de la lecture et de l'écriture, qui implique des difficultés à reconnaître et à reproduire le langage écrit.

Le trouble peut se manifester de manières sensiblement différentes chez chacun. "Quand je lis, j'ajoute des lettres qui ne sont pas là et j'ai du mal à dire le son du mot si je ne l'ai pas lu avant, par exemple, précise Sarah. J'ai aussi un vocabulaire plus réduit en français car j'ai pris plus de temps avec l'orthographe."

Une scolarité de moqueries et d'incompréhension

Malgré son diagnostic, Sarah ne s'est jamais sentie entièrement comprise dans l'environnement scolaire classique. "A l'école, j'ai développé de la phobie scolaire parce qu'on m'insultait du fait de mon handicap", se souvient la jeune femme.

En CM1, elle rejoint une des écoles du réseau CERENE, qui rassemble des écoles spécialisées pour les enfants présentant des troubles dys (dyslexie, dysorthographie, dyscalculie, etc.) "Nous avions des cours et de la rééducation avec un orthophoniste et un ergothérapeute pour pouvoir ensuite réintégrer une école 'normale'", détaille-t-elle.

Quelques années plus tard, c'est chose faite : arrivée en 5e, elle reprend le chemin du collège public. Non sans difficulté d'adaptation, à un âge où les moqueries ou les situations de harcèlement arrivent facilement : je n'ai pas réussi à m'habituer à l'organisation qui était très différente et les élèves n'étaient pas sympas avec moi", raconte-t-elle.

Un manque de patience et de disponibilité des enseignants, rarement formés à accompagner ces publics, l'a empêchée de trouver son rythme. "Parfois, il fallait aller vite, vite, vite mais on oubliait que pour moi, il fallait plus de temps", ajoute la jeune femme, qui précise ne pas avoir réussi à lire avant la 3e. "Il y avait beaucoup de moqueries", déplore-t-elle. Derrière ces comportements, la jeune apprentie regrette aujourd'hui qu'il n'y ait pas eu plus de sensibilisation "des autres enfants" sur ce que la dyslexie impliquait.

Des blocages du côté des recruteurs

Après le collège, Sarah a connu de multiples expériences, et a fini par choisir la voie du bac pro pour terminer sa scolarité dans le secondaire. "J'ai réalisé différents stages en seconde, première et terminale dans une enseigne de vêtements", explique la jeune femme. Après un BTS communication, elle rejoint l'ISCOM pour compléter sa formation. 

L'alternance a vite été une évidence pour elle. "Pour "combler" mon handicap sur mon CV, j'avais déjà été au contact du monde du travail pour acquérir des compétences", explique-t-elle. Mais Sarah a d'abord fait l'expérience de nombreux refus, dans le cadre de ses candidatures. 

Beaucoup de grands groupes la contactaient par le biais de l'association Arpejeh, qui l'a accompagnée dans sa recherche. "Mais lors du dernier entretien, mes difficultés en orthographe et le fait de devoir me relire bloquaient le recruteur", se remémore-t-elle. L'alternante dispose pourtant de plusieurs logiciels informatiques pour "aider sur la relecture", ce qu'elle ne manquait pas de leur préciser. En vain. "Pour eux, j'allais avancer trop lentement."

"On ne me laissait pas envoyer de mails"

Une fois trouvée, l'entreprise qui l'accueille n'est pas toujours la plus compréhensive vis-à-vis de son handicap. "On me confiait des projets qui n'étaient pas concrets et n'aboutissaient jamais", déplore Sarah, alors en troisième année d'études. A l'époque, ses missions se limitent à la réalisation de "copier-coller" et à un simple travail de veille sur certains projets de l'entreprise. 

La jeune femme se souvient encore du manque de confiance que ses supérieurs lui accordaient. "On ne me laissait pas envoyer de mails à des clients parce que je faisais des fautes d'orthographe". Un sentiment d'exclusion l'a rapidement traversée. "Je venais et j'avais l'impression qu'il y avait l'entreprise et moi toute seule à côté", regrette l'étudiante, qui précise aussi ne jamais avoir eu de bureau fixe, pendant cette première expérience en alternance.

Se prouver grâce à l'alternance

Convaincue de pouvoir trouver meilleure chaussure à son pied, Sarah décide de ne pas laisser tomber l'alternance et se met à la recherche d'une nouvelle entreprise pour son M1. A l'heure actuelle, cela fait près d'un mois que Sarah a débuté son nouveau contrat chez Disney. "Mon équipe est très à l'écoute : on me donne des deadlines, je sais ce que j'ai à faire", se réjouit l'étudiante à l'ISCOM.

Sarah observe que ses référents prennent davantage le temps d'adapter leurs fonctionnements pour l'inclure aux processus de travail, en tenant compte de son handicap. "Quand on me donne une tâche à faire, mes tuteurs prennent soin de me donner des instructions claires, de faire une capture d'écran du dossier où les fichiers sont rangés pour que je les retrouve plus facilement", détaille-t-elle.

Une adaptation des outils a été réfléchie pour que Sarah puisse travailler sans trop de difficultés. "A la base, tous les ordis sont en anglais car nous sommes dans une entreprise américaine, mais ils ont fait en sorte que le mien soit en français", explique l'alternante.

Sarah a le sentiment qu'on lui confie désormais des missions concrètes et responsabilisantes. "C'est la première fois qu'on me laisse participer à des réunions", illustre l'étudiante, avec fierté. "Au début, j'avais peur de prendre la parole devant des gens, de ne pas trouver mon vocabulaire, mais le fait de m'exercer au quotidien a permis de mettre ma dyslexie de côté". Aujourd'hui à quelques mois de son insertion professionnelle, la jeune femme de 21 ans a enfin assez de place pour exprimer sa créativité, et espère rebondir ensuite sur un CDI.

3 personnes en situation de handicap sur 4 estiment que leur handicap a freiné leur évolution professionnelle

Dans une étude réalisée à l'occasion de la semaine européenne de l'emploi des personnes handicapées (SEEPH) qui se tient du 18 au 24 novembre, l'Ifop pointe la persistance d'un sentiment d'injustice général, encore plus marqué pour les personnes en situation de handicap, concernant la vie active. Près de 64% des PSH affirment avoir subi des injustices dans le milieu professionnel. 

De même, plus de la moitié des PSH (62%) ont trouvé difficile de trouver un emploi. C'est près de deux fois plus que la moyenne nationale. Ils sont aussi majoritaires (53%) à estimer difficile de conserver un emploi (contre 27% en moyenne).

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