Se réorienter en alternance après une formation initiale : "je ne trouvais pas ma place dans la classe"

De nombreux étudiants à l'université ne se sentent pas à leur place, ou souhaitent, par envie ou nécessité financière, se confronter au monde du travail. Ils et elles racontent à l'Etudiant leur réorientation en alternance.
Entre la pression des examens, une charge de travail trop importante, ou l'ambiance des cours magistraux en amphi, de nombreux étudiants décident de quitter leur formation initiale, moins d'un an après l'avoir intégré. "Le plus dur, c'est d'oser sauter le pas", admet Inès, aujourd'hui en BTS NDRC , après une première année passée en licence LLCER .
Elle est loin d'être la seule à faire ce choix. Pour rappel, "plus d’un bachelier sur quatre se réoriente pendant ses études, dans un cas sur deux, la réorientation a lieu entre la première et la deuxième année post-bac", précisait la DARES dans son étude sur la réorientation dans l'enseignement supérieur, publiée en 2020. Parmi eux, nombreux sont ceux qui tentent l'alternance, pour donner une fibre plus concrète à leurs études.
Une formation "trop théorique"
C'est le cas de Rayan, 18 ans, qui a changé de cursus, après un semestre passé dans son premier vœu post-bac. À la sortie de son bac STMG, il s'est dirigé vers un BUT MLT en initial. Mais très vite, l'étudiant a fait face à une charge de travail "trop importante" et "en décalage" avec ses centres d'intérêt et objectifs professionnels.
Le jeune alternant se souvient des difficultés qu'il a rencontrées pour trouver un rythme acceptable. "Il y a des soirs où je terminais de travailler à 4h du matin, pour un rendu de devoir à 8h. Au fond, il me manquait cette dose de concret", déplore l'étudiant, qui admet avoir toujours su ne pas être "quelqu'un de scolaire" et décrit une formation "trop théorique".
Même constat du côté d'Inès, qui apprécie aujourd'hui la concrétisation de ce qu'elle apprend en cours, depuis qu'elle s'est réorientée. "Le fait de me former professionnellement en même temps qu'académiquement rentrait pile dans ma personnalité", analyse-t-elle.
Etre indépendant plus rapidement
Rien ne prédestinait pourtant l'étudiante de 20 ans au mode de l'alternance. "J'ai toujours eu la vision de l'école où on est assis derrière un bureau, cinq jours par semaine", affirme-t-elle. Seulement, dès le début de ses études à l'UVSQ , en licence LLCER études européennes et internationales, Inès a eu du mal à gérer les révisions, et le job étudiant en 35h qu'elle a dû contracter.
"J'avais besoin d'être indépendante financièrement, et la fac ne me permettait pas de l'être", regrette-t-elle. Après plusieurs conseils d'orientation, Inès s'est fait une raison. "L'alternance était la seule formation qui me permettait de participer à la vie du foyer tout en étudiant", explique l'alternante, aujourd'hui en première année de BTS NDRC, en contrat dans une enseigne de bricolage depuis septembre.
L'argument financier est souvent cité par les étudiants expliquant leur réorientation vers l'apprentissage. "Au lieu d'enchaîner les petits jobs alimentaires dans la grande distribution, j'ai préféré me lancer en alternance", explique de son côté Laëtitia, ancienne étudiante en licence d'histoire, puis en BTS en initial, qui cherchait un moyen d'accéder à des écoles coûteuses spécialisées dans la tech.
"S'y prendre le plus tôt possible" pour trouver la bonne formation
Après un semestre à l'université, l'étudiante de 25 ans a vite renoué avec Parcoursup pour changer de voie. "J'ai commencé les démarches en mars, et le temps de trouver ma formation, de déposer mon dossier et de passer les entretiens, j'ai débuté les recherches d'entreprise en mai", détaille l'étudiante, aujourd'hui en alternance dans un cabinet de recrutement dans la tech.
Du côté de Rayan, les démarches ont été plutôt rapides. Après avoir obtenu son semestre, en janvier dernier, il a rencontré un enseignant lors de journées portes ouvertes d'une formation en BTS MCO , pas loin de chez lui. Très vite, il lui donne son accord pour intégrer la classe, sous réserve qu'il trouve une entreprise. "La semaine suivante, j'ai déposé au moins 70 CV. L'enseignant en question a aussi fait circuler mon CV, j'ai vite eu une réponse positive", raconte l'alternant, qui vient de commencer son contrat début février.
Je savais qu'il valait mieux "s'y prendre le plus tôt possible", affirme Rayan. Mais l'envie de se réorienter en alternance n'implique pas forcément un changement d'établissement. C'est le cas dans certains BTS ou BUT qui proposent à la fois une formation initiale et en apprentissage. "J'ai démarché la responsable de la filière apprentissage dès le mois de janvier", explique Nils, étudiant en 2e année de BUT GEII à l'IUT de Cachan (94).
"L'avantage, quand on passe en alternance en 2e année, c'est qu'on peut déjà inscrire les projets qu'on a menés en première année dans notre CV pour montrer qu'on peut être utile à l'entreprise", détaille Ahmed, aussi étudiant en 2e année de BUT GEII à Cachan.
Un rythme à prendre
Selon leur expérience passée, les étudiants n'arrivent pas pareillement armés lors de leurs premiers jours en alternance. "Je n'avais jamais travaillé avant", assure Rayan, qui s'est très vite habitué au monde du travail. De son côté, Inès avait déjà réalisé plusieurs jobs d'été durant le lycée. "Cela m'a beaucoup aidée au moment où j'ai commencé", admet-elle.
Le plus dur à appréhender, c'est parfois le nouveau rythme hybride entre les cours et le temps passé en entreprise. Pour Solène, un temps d'adaptation a été de mise. "Ce qui est difficile, c'est que quand on revient en cours, il y a des choses qu'on a zappées, il faut se remettre dans le bain", explique la jeune femme. Même expérience du côté de Nils, qui a pris plusieurs semaines à s'habituer à "l'intensité" des périodes de cours. "Ça va plus vite qu'en initial", admet-il.
Mais l'étudiant de 20 ans affirme ne rien regretter de son choix. "Je suis fier des responsabilités qu'on me confie", se réjouit-il. Après son BUT, il hésite entre s'orienter en école d'ingénieurs ou en master. Seule certitude : sa formation sera en alternance, ou ne sera pas. "Si je ne trouve pas de cursus en apprentissage, je préfère encore m'insérer directement sur le marché du travail".