Filles et maths : "Ce n’est pas parce qu’on va mettre des quotas que les filles auront envie de venir"

Le plan "Filles et Maths" initiée par Elisabeth Borne fixe un objectif de 30% de filles en classes préparatoires scientifiques d’ici 2030. Denis Choimet, président de l’UPS, espère que le gouvernement misera sur l'information et l'orientation plutôt que sur des quotas.
D’ici 2030, chaque classe préparatoire scientifique devra accueillir au minimum 30% de filles, avec un seuil fixé à 20% dès la rentrée 2026. Il s'agit de l’une des mesures clés du plan "Filles et Maths", porté par la ministre de l’Éducation nationale, Élisabeth Borne, qui vise à inciter les jeunes filles à se former aux sciences de l’ingénieur et du numérique.
Actuellement, le taux de filles atteint 30% dans l’ensemble des classes préparatoires scientifiques, mais il y a de grandes disparités selon les filières. Plus on se dirige vers les sciences de la vie et de la Terre, avec la filière BCPST, plus la part des filles augmente ; à l’inverse, elle diminue nettement dès qu’il s’agit de mathématiques ou d’informatique, comme en filière MPSI ou MP2I.
Sans mesure annoncée pour atteindre cet objectif, une politique de quota est-elle alors souhaitable ? Pour Denis Choimet, président de l’UPS , ce n'est pas un problème de nombre, mais d'information et d'orientation.
Comment expliquer que si peu de filles intègrent une classe préparatoire scientifique ?
Il faut analyser le vivier dans lequel recrutent les classes préparatoires scientifiques. Les élèves de terminale qui ont suivi la spécialité maths et une deuxième spécialité scientifique (physique-chimie, SI, NSI...) sont le cœur de notre vivier, composé à 70% de garçons. Nous faisons face à un phénomène d’évitement massif des maths par les filles.
Dans mon établissement, au lycée du Parc à Lyon (69), si on prend l’ensemble des candidatures pour la filière MPSI, on a environ 31% de filles. Et si on regarde le haut du classement, on est à 43% de filles, cela veut dire qu’il y a des filles brillantes qui candidatent. Mais le jour de la rentrée, on redescend à 23% : elles privilégient des études différentes, comme la santé. On observe ce phénomène dans l‘ensemble des prépas sélectives.
Le plan Filles et Maths vise 30% de filles à l’entrée en CPGE scientifique d’ici 2030. Faut-il instaurer des quotas ?
Une politique de quota montre ici ses limites. Ce n’est pas parce qu’on va mettre des quotas que les filles auront envie de venir, car ce n’est pas un problème de vivier, mais un problème de flux. Le quota aurait un sens si l’admission des filles dans les classes préparatoires scientifiques était entravée. Mais la situation n’est pas adaptée à ce type de mesure.
La ministre a plutôt préféré parler d’objectif cible. Donc 20% à la rentrée 2026 on y est déjà, si on met à part la filière MP2I. Mais il va falloir se bouger pour certaines filières afin d’atteindre les 30%. Il faut se retrousser les manches et y aller : tous les acteurs de l’enseignement supérieur sont persuadés de l’intérêt de la présence des filles.
Une autre mesure du plan prévoit un objectif, en 2030, de 30.000 filles de plus en spécialité maths en première. Est-ce suffisant ?
On se félicite de la campagne de promotion de la spécialité maths. On n’arrivera à rien si on n’arrive pas à avoir un vivier bien diversifié. Il faut affirmer sans crainte que pour s’engager dans des études scientifiques, cette spécialité est indispensable.
Mais cela ne suffit pas de faire venir les filles en maths, encore faut-il qu’elles viennent en CPGE scientifique. Je pense qu’on se heurte à un problème d’information, auprès des lycéennes mais aussi des acteurs de l’orientation, que sont les chefs d’établissements, les professeurs et les psy-EN.
Ils ont le plus souvent une vision datée voire erronée des classes préparatoires perçues comme un lieu de compétition acharnée entre étudiants, mais aussi comme un choix d’orientation risqué à cause des concours, alors que le taux de réussite est de 100%. C’est une formation exigeante mais tout étudiant sérieux qui s’engage en prépa scientifique aura une école d’ingénieurs à la sortie.
Les classes préparatoires scientifiques participent-elles à déconstruire les clichés sur cette filière ?
On essaye d’expliquer qu’il y a une vraie diversité des CPGE, certes certaines sont très sélectives, et d’autres vont recruter des élèves à 12 de moyenne au bac, et vont mener au succès les étudiants qui s’y engagent. Cette filière n’est pas réservée aux premiers de la classe. Il y a donc tout un travail à faire pour montrer la réalité de la filière et la multiplicité des débouchés en école d’ingénieurs.
Enfin, ce qui a souvent manqué aux jeunes filles, c’est qu’on leur explique le sens et l’intérêt des études à forte composante mathématiques. Je pense qu’il est important que les jeunes filles rencontrent des modèles, des femmes ayant brillamment réussi dans l’industrie, des mathématiciennes de premier plan.