Décryptage

La classe préparatoire est-elle toujours "une voie royale" vers l’enseignement supérieur ?

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Parfois critiquées pour leur élitisme, les classes prépas restent des formations exigeantes qui demandent un réel investissement personnel. © Adobe Stock/ Alexander
Par Dahvia Ouadia, publié le 21 janvier 2020
10 min

Les classes préparatoires aux grandes écoles sont une particularité française. Elles représentent pour beaucoup "l’excellence à la française", mais, elles ne cessent aussi d’être décriées et sont souvent menacées de disparition. Alors que les effectifs sont en léger recul à la rentrée 2018, l’Etudiant fait le point sur la filière prépa à l’occasion de la sortie de son classement.

La classe préparatoire ne fait plus rêver… à la rentrée 2018, la filière a connu une baisse de 1,6% des effectifs, essentiellement en prépa économique (-5,4%), selon les données du SIES du ministère de l'Enseignement supérieur publiées en février 2019. Ce repli intervient après une hausse quasi-continue des effectifs dans cette filière.

Une filière qui reste attractive malgré une baisse des effectifs

Malgré cette baisse, la classe préparatoire a toujours de beaux jours devant elle, estime Alain Joyeux, président de l’APHEC (association des professeurs des classes préparatoires économiques et commerciales). "La prépa est toujours une voie royale, elle l’est même plus que jamais pour les écoles de commerce et les entreprises", estime-t-il.
Selon Alain Joyeux, les prépas sont même l’une des formations les plus adaptées aux évolutions du marché du travail : "Dans les postes à hautes responsabilités, les chefs d’entreprises recherchent des profils adaptables à de nouveaux contextes et de nouvelles compétences. Les CPGE apportent ces méthodes de travail qui permettent d’être efficaces et adaptables tout au long de la vie".
La prépa apporte aussi une hybridation des savoirs et, selon lui, "une capacité à croiser plusieurs approches pour prendre des décisions".
Pour Mickaël Prost, président de l'UPS (union des professeurs des classes préparatoires scientifiques), la prépa reste une filière attractive pour les étudiants : "Nous enregistrons une évolution positive des effectifs en classe préparatoire avec une hausse constante même si elle a été plus modeste ces deux dernières années". En prépa scientifique, les effectifs ont très légèrement diminué en 2018 (-0,5%), soit une baisse de 280 élèves, selon les données du SIES du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche.
Il rappelle aussi l’analyse d’Anne-Lucie Wack, présidente de la CGE, selon laquelle "la prépa reste la colonne vertébrale des grandes écoles".

Une filière "productive" aux larges débouchés

Même sentiment du côté des prépas littéraires : "Les classes préparatoires restent une filière très productive pour les étudiants. Ils apprennent comme ils n’ont jamais appris", considère Nicolas Thibaut, membre de l'APPLS (association des professeurs de premières et lettres supérieures).
Les CPGE littéraires ont pour particularité de conduire à une diversité de débouchés. "Historiquement, les prépas lettres ont été créées pour préparer aux ENS, mais cela fait plus de 25 ans qu’elles se sont diversifiées. Aujourd’hui, nos prépas mènent aux concours d’écoles de commerce, mais aussi aux écoles d’ingénieurs qui s’intéressent à des profils atypiques", indique Nicolas Thibaut.
D’autres filières s’intéressent aussi à ces profils généralistes comme les écoles de traduction, les IEP, les écoles du patrimoine ou d’art, mais aussi Saint-Cyr. "Aujourd’hui, je n’ai quasiment aucun élève qui intègre un cursus non sélectif. Même à l’université, ils choisissent pour la plupart des cursus sélectifs", ajoute Nicolas Thibaut.
Concernant l’ouverture des écoles de commerce aux prépas littéraires, le taux de réussite des khâgneux est aussi bon que celui des étudiants de prépa économique, ce qui fait de la prépa littéraire un réel tremplin pour intégrer une business school.

La prépa, une des voies d’accès aux grandes écoles

Les prépas ne sont plus aujourd’hui l’unique moyen d'intégrer une grande école, il existe une diversité d’accès, que ce soit après un bachelor, une licence, un IUT, etc. "La prépa est l'une des voies d’accès aux grandes écoles, notamment de management. C’est en partie pour cette raison que les effectifs en prépa économique baissent. Cependant, je pense qu’il y a des profils adaptés aux prépas et d’autres profils davantage adaptés aux universités ou d’autres formations. Les deux sont complémentaires", estime Alain Joyeux.
Il rappelle par ailleurs le continuum qui existe entre classe préparatoire et grande école. Selon le président de l’APHEC, un élève qui entre en classe préparatoire intègre en réalité un cursus de cinq ans dont il sortira avec un grade master.

À l’inverse, un élève qui intègre le bachelor d’une grande école en sortira avec un bac+3. S’il souhaite poursuivre au sein d'un programme grande école (PGE) délivrant le grade de master, il devra repasser le concours, en tout cas dans les écoles de haut de classement. "Dans des écoles de milieu ou bas de tableau, les passerelles sont parfois plus simples", précise Alain Joyeux.

Mais dans tous les cas, le vivier d’élèves en prépa économique et commercial tourne autour des 10.000, ce qui reste insuffisant pour alimenter les promotions de toutes les écoles. "Il y a donc une nécessité pour de très nombreuses écoles de diversifier leur recrutement !"

Selon Mickäel Prost, la problématique n’est pas la même en CPGE scientifique : "Souvent, on met en balance le succès ou non des classes préparatoires vis-à-vis des formations de type bachelor ou des écoles post-bac mais il n’y a pas de rivalité entre bachelor et diplôme d'ingénieur dans les écoles d’ingénieurs". Par exemple, le bachelor phare en école d'ingénieurs est celui de Polytechnique, qui est orienté vers un public international.

Il estime que les entreprises ont besoin d’ingénieurs et que les différentes formations doivent proposer des profils différents et complémentaires qui répondent à ces besoins.

La prépa : une filière qui évolue en matière de pédagogie

Les classes préparatoires ont aussi su s’adapter en matière pédagogique. "Les classes préparatoires ne sont pas figées dans le formole !" estime ainsi Mickaël Prost.
Il rappelle la constance dans les modalités et les moyens d’accompagnement mis à la disposition des jeunes. "L’encadrement et le travail en petits groupes font partie de l’ADN des CPGE. Or, c’est une pédagogie qui s’étend dans l’enseignement supérieur".
Les prépas font aussi évoluer les enseignements pour être en accord avec les enseignements des écoles d’ingénieurs. "La prépa délivre un socle de connaissances fondamentales et conceptuelles et les écoles doivent transformer cette formation de base", ajoute le président de l’UPS.

La filière scientifique s’adapte également à la réforme du lycée avec la création notamment de la filière MPI (mathématiques, physique et informatique). "Cette filière répondra aux besoins d’une spécialisation en informatique", précise Mickaël Prost.

En prépa littéraire, la pédagogie a aussi beaucoup changé depuis 20 ans. "On entendait beaucoup de légendes au sujet de très mauvaises notes et même parfois d’insultes. Ce sont des choses d’une autre époque. Aujourd’hui, le premier semestre fait la transition entre le lycée et la prépa. Les étudiants travaillent sur des documents et font des activités en classe pour acquérir des méthodes", indique Nicolas Thibaut.
Par ailleurs, cette évolution dans la notation est aussi liée à une transformation de la notation aux concours des ENS : "Le problème des classes préparatoires littéraires, c’est qu’elles prenaient comme référentiel les notes aux concours pour entrer en écoles normales supérieures. Or, pendant longtemps, ces dernières mettaient des notes très basses avec des moyennes à 6 aux concours. Depuis, elles ont évolué. Aujourd'hui la moyenne aux concours tourne autour de 10 à 11/20, ce qui fait que les prépas se sont aussi adaptées à cette évolution de la notation".

Une formation ouverte socialement ?

Les prépas restent des formations très exigeantes qui demandent un réel investissement personnel. De là à penser qu’elles sont élitistes et sont dans la reproduction sociale, il n’y a qu’un pas, que ne franchit pas Alain Joyeux : "S’il y a élitisme, c’est un élitisme républicain. Tout jeune, quel que soit son milieu, doit pouvoir accéder à nos classes. Et aujourd’hui, selon les chiffres de la direction des admissions et concours (DAC), sur 100 élèves en CPGE, 25% sont boursiers. Par ailleurs, sur 100 élèves de CPGE ayant réussi les concours, 26% d’entre eux sont boursiers. En prépa ECT, ce sont 46% de boursiers qui sont accueillis. Cela montre que quand ils sont dans nos classes, les élèves boursiers réussissent aussi bien que les autres".
Dans les écoles d’ingénieurs, les chiffres sont plus élevés : 30% des 25.000 étudiants accueillis dans les 200 écoles d’ingénieurs sont boursiers, soit le même taux que celui enregistré dans tout l'enseignement supérieur. "Nous accompagnons très bien les boursiers dans les classes préparatoires pour les faire réussir. Mais pour augmenter le nombre d’élèves boursiers, il faut accroître le vivier de candidats", souligne Mickaël Prost.
Il reste cependant une certaine marge de manœuvre pour ouvrir les prépas socialement…

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