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"Un véritable coup au moral" : les candidats aux ENS, dépités, devront repasser l'épreuve de français après la perte de copies à Lyon

Les candidats à l’ENS Lyon sont obligés de repasser l’épreuve de français.
Les candidats à l’ENS Lyon sont obligés de repasser l’épreuve de français. © Laurent Grandguillot/REA
Par Léa Fournier, publié le 05 mai 2023
6 min

Déception, frustration, incompréhension… Un mois après la fin supposée du concours de la Banque d’épreuves littéraires, les étudiants de khâgne vont devoir plancher sur une nouvelle épreuve de composition française. En cause : un paquet de copies disparu.

Au début, elle n’y a pas cru : "Quand on me l’a annoncé par téléphone, j’ai pensé à une blague." Serena, 20 ans, étudie au lycée Giocante de Casabianca, à Bastia. Comme les 4.400 élèves des classes préparatoires littéraires, elle va devoir repasser l’épreuve de lettres du concours d’entrée aux ENS (Ecoles normales supérieures).

L'épreuve de français du concours ENS reprogrammée pour l'ensemble des candidats

C’est en lisant le mail officiel que cette étudiante en khâgne a compris que c’était bel et bien sérieux. La présidente du concours BEL 2023, Emmanuelle Boulineau, y écrit : "Une enveloppe de copies de l’épreuve de composition française, qui a eu lieu le 13 avril, n’est pas parvenue au service admission et concours de l’ENS de Lyon (...) Au bout d'une semaine de recherches infructueuses, l'ENS de Lyon s'est résolue à déclarer ces copies définitivement perdues."

Le message, que l'Etudiant a consulté, annonce ainsi que la perte de ce paquet de copies entraîne l’annulation de l’épreuve. Elle est remplacée par une nouvelle, qui a lieu dans moins de 10 jours, samedi 13 mai 2023 de 9 heures à 15 heures.

Les étudiants expriment leur désarroi sur les réseaux sociaux avec le hashtag #ensos. Une pétition, signée par plus de 1.000 personnes, demande "à ce que la BEL s'organise de façon à faire repasser l'épreuve aux élèves concernés" plutôt qu’à l’ensemble des candidats. Une solution qui avait été envisagée, mais "pas retenue, pour des raisons juridiques", explique Aude Riom, directrice de la communication de l’ENS de Lyon.

"Un véritable coup au moral"

Cette nouvelle épreuve constitue un "véritable coup au moral", pour Serena.

Car pendant deux ans, les étudiants des classes préparatoires aux grandes écoles se donnent corps et âme pour cette échéance sélective. Le concours de la Banque d’épreuves littéraires (BEL) permet d’intégrer l’une des trois grandes écoles nationales supérieures : l’ENS Ulm, l’ENS Lyon et l’ENS Cachan / Paris-Saclay.

Seuls 5% des inscrits intègrent une ENS, d’après Ipesup. "C’est un peu le rêve, un idéal à atteindre", précise la jeune femme. Pour certains étudiants, la BEL est également une porte d’entrée pour d’autres écoles prestigieuses – telles que le CELSA, certains Sciences Po, l’École du Louvre ou encore l’École spéciale militaire de Saint-Cyr mais aussi des écoles de commerce.

Des candidats aux ENS qui doivent se remobiliser

Au lendemain de la nouvelle, Serena se dit "dépitée et choquée". "Les profs nous avaient dit qu’on pouvait se reposer, tout en préparant nos oraux, qu’on l’avait bien mérité", explique-t-elle. Or, le stress, très présent dans cette filière, a fait son retour immédiatement : "Ce matin, c’est la première chose à laquelle j’ai pensé… Ça va être difficile de se remettre dans le bain, de reprendre les révisions alors qu’on avait mis ça de côté."

Pour Apolline, 20 ans, c’est même mission impossible : "Je suis en vacances à l’étranger et je ne rentre que dans quatre jours. Je ne peux même pas travailler puisque je n’ai pas mon ordinateur, ni mes fiches, ni mes livres…" Pour cette khâgneuse, "tout s’effondre".

Même si elle n’avait pas bien réussi l’épreuve de lettres, elle ne "pense pas pouvoir faire mieux". "Au moment de l’épreuve, on avait eu deux semaines de révisions, j’allais à la bibliothèque universitaire tous les jours, je connaissais tous mes cours. Je ne pense pas que j’arriverai à m’y remettre comme je voudrais, ça sera moins productif, explique-t-elle. C’est frustrant, on a l’impression qu’on n’en verra jamais le bout. Mais je vais essayer de me donner une seconde chance et donner le meilleur."

Un surcoût pour les étudiants

À cette nouvelle épreuve s'ajoutent des difficultés d’organisation et de financement pour certains étudiants. Kenzo, 19 ans, est au lycée à Avignon. "Ce fiasco nous touche particulièrement parce qu’on n’a pas de centre d’examens", explique-t-il.

Il doit donc se déplacer jusqu’à Aix-en-Provence. Et donc payer le trajet et une nuit d’hôtel pour être à l’heure à l’épreuve, au petit matin. Un surcoût d’au moins 100 à 150 euros. S’il a l’aide financière de ses parents, pour certains de ses amis, c’est "complètement impossible" de payer de nouveaux frais.

Kenzo ne cache pas sa colère : "l’ENS parle d’égalité des chances. Mais dans ce cas, ils devraient revoir leurs aménagements au niveau des centres d’examens." Interrogée sur cette rupture d’égalité, Aude Riom, directrice de la communication de l’ENS de Lyon, est dépourvue de solution : "Je crains malheureusement que nous ne soyons pas en mesure de payer les frais afférents au déplacement des candidats dans les centres d’examens." Elle précise cependant que "45 centres sont répartis en France pour que les candidats, quelle que soit leur localisation, puissent y accéder."

Cette année, le concours des étudiants de khâgne en spécialité géographie avait aussi été perturbé. Leur épreuve de cartographie avait été reportée de dix jours, "en raison de la divulgation par erreur du sujet d’épreuve de commentaire de carte géographique dans un centre d’écrit", avait indiqué l’école en avril.

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