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Commentaires sur Internet : sachez décrypter les avis sur vos écoles

La liberté d'expression n'est pas totale sur Internet. La diffamation, l'injure ou le dénigrement tombent sous le coup de la loi. Apprenez à critiquer en toute légalité.
La liberté d'expression n'est pas totale sur Internet. La diffamation, l'injure ou le dénigrement tombent sous le coup de la loi. Apprenez à critiquer en toute légalité. © Luc Legay/Flickr/CC
Par Paul Conge, publié le 21 avril 2017
1 min

Sur Internet, il est facile de trouver des avis sur les établissements. Ceux-ci peuvent être élogieux... ou très cinglants. Mais tout ce qu'on lit en ligne n'est pas forcément frappé du sceau de la vérité... Conseils si vous voulez poster des commentaires ou vous en servir pour vous faire une idée.

Le Net foisonne d'histoires de scolarités qui se sont mal passées. Il y a six mois, Intissar, une étudiante, se plaignait de son école de commerce parisienne sur la page d'avis de Google : "Directrice désagréable. Une mauvaise école qui ne fait pas correctement son travail ! (...) Encore une école qui s'intéresse qu'à l'argent." Sur l'Etudiant, le 15 mars 2017, Sara, étudiante en BTS (brevet de technicien supérieur) design graphique, fulmine contre son école d'arts appliqués à Montpellier : "Les locaux sont trop petits et sale (...) Les professeurs ne sont pas motivés et ça se ressent sur l'enseignement." Sur Twitter, le 17 octobre 2016, une étudiante est plus lapidaire vis-à-vis de son école du Web, à Paris : "C'est nul."

Les voix se libèrent sur les réseaux

Les langues des élèves et des étudiants se délient aisément sur les réseaux sociaux. Tantôt sous pseudo ou avec leur vrai nom, tantôt sur un coup de sang ou dans un paragraphe plus structuré, ils laissent leur avis : pages Facebook, posts Twitter, plates-formes de notation... Et pointent des dysfonctionnements parfois bien réels : conflits avec les professeurs, administration embouteillée, copies de partiels jamais rendues, cours insatisfaisants... De simples commentaires ou de véritables mises en garde à l'attention des futurs élèves. 

Mais il est très difficile de démêler le vrai du faux... S'il ne protège pas toujours de l'anonymat, l'usage du pseudo est devenu la norme, rendant impossible toute identification et ne permettant pas de savoir si l'histoire est authentique. La teneur du commentaire peut laisser des indices : animosité personnelle, propos volontairement dégradants... "Sur le Web, c'est le principe de liberté d'expression qui s'applique, tant que vous ne tombez dans la diffamation, le dénigrement ou l'injure, résume maître Valérie Sédallian, avocate au barreau de Paris, et spécialisée dans le droit de l'informatique et d'Internet. "Si vous dites juste 'Le prof est con', ça ne fonctionne pas." Ce que l'on peut écrire ou non sur Internet est pour l'essentiel réglé dans la loi définissant les infractions de presse, la loi du 29 juillet 1881.

Les avis les plus désobligeants parfois effacés

De fait, les écoles sont devenues très attentives à leur image en ligne. Un avis Google médisant, un tweet écrit sous le coup de la colère ou, pire, un statut Facebook injurieux, mal paramétré, et ouvert en mode "public" alors que son auteur ne pensait le partager qu'avec ses amis... : des propos qui peuvent monter haut dans les références Google, et leur coûter cher. À en croire un sondage IFOP-L'Etudiant, 81% des étudiants s'appuient sur ce qu'ils lisent sur Internet pour choisir leur établissement. A priori, plus il y a d'avis concordants, plus on s'approche de la vérité. 

Que ce soit la diffamation, l'injure, ou le dénigrement, le délai de prescription est toutefois de trois mois. C'est-à-dire que si un internaute publie un avis le 7 janvier, celui-ci est à l'abri de la justice à partir du 8 avril. 

Critiquer sans craindre des poursuites judiciaires

Jullian Tissandier travaille à la Reputation Squat, une agence de e-réputation. Aux internautes avec des velléités de critiquer leur école, il donne un conseil : "Exprimez-vous de manière claire, concise et bienveillante". À ses yeux, un tel commentaire sera "susceptible d'être réutilisé et repris par d'autres étudiants, si tant est que le problème est réel. Ce qui en retour incitera l'école visée à en prendre bonne note et agir".

Avocate à la cour d'appel de Paris, maître Chloé Legris ne préconise pas expressément la bienveillance : "Si un étudiant souhaite apporter un avis, qu'il soit positif ou négatif, il peut le faire. Mais il faut modérer son propos et avancer des choses qui sont vraies et qu'il peut démontrer." Ce qui n'est pas forcément la norme sur Internet. 

Ce qui est diffamatoire... et ce qui ne l'est pas

Diffamation, injure... Lorsque l'on n'est pas un spécialiste du droit, comment savoir si certains propos tombent sous le coup de la loi ? Autant l'injure est facile à caractériser, autant la diffamation est l'objet de joutes juridiques assez poussées. À nos deux avocates, nous avons soumis deux commentaires qui ont fait l'objet d'une demande de suppression à la modération de l'Etudiant, au motif qu'ils étaient "diffamatoires" :

 - 1er commentaire, à propos d'une école de management à Paris :

"Une administration transparente et des professeurs régulièrement absents. Pas de suivi pour la recherche d'alternance ou de stage (...) Je suis très déçue pour ce prix, je ne recommande pas cette école."

L'avis n'est "pas du tout diffamatoire", estime pour sa part Chloé Legris. "Il est dans des termes modérés, il est très factuel. J'aurais un client, je le déconseillerais de poursuivre." Valérie Sédallian ne juge pas autrement : "Ce n'est pas flagrant que ce soit diffamatoire... Ce n'est pas injurieux. À mon sens, cela relève de la critique."

        - 2e commentaire, au sujet d'une école technique privée de l'image et du son

"Je déconseille fortement cette école, aucune organisation. Si vous souhaitez faire une autre école après, n'y comptez pas, aucune école ne vous prendra."

"On est un peu dans la zone grise. L'internaute dit juste qu'il déconseille l'école. L'avis n'est pas très motivé [il n'a pas beaucoup de preuves à l'appui]. L'affaire serait devant le juge, je serais incapable de dire s'il y a diffamation ou pas", observe Valérie Sédallian. Pour Chloé Legris, "on voit qu'il y a une animosité personnelle, qu'il n'a pas réussi à faire ce qu'il veut, qu'il est déçu... En ce qui concerne la partie sur le fait que 'aucune école ne vous prendra après', je pense qu'on est très limite sur la diffamation, et proche du dénigrement".

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