Reportage

Au cœur de l’École du Louvre : pour l'amour de l'art

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Les enseignements de 3e année de l'École du Louvre sont axés sur la muséologie. Hormis les étudiants du cursus, les auditeurs libres peuvent accéder à certains TD. © Myr Muratet pour l'Étudiant
Par Delphine Dauvergne, publié le 24 octobre 2016
1 min

Imposante, l’École du Louvre reste un lieu d’excellence pour les étudiants en histoire de l’art qui rêvent d’officier dans les musées. Son cursus professionnalisant permet de se forger un regard.

L'entrée de l'École du Louvre n'est pas simple à dénicher. Place du Carrousel, il faut longer l'ensemble des bâtiments du musée parisien dont l'école porte le nom pour la trouver. La porte Jaujard, qui donne accès à l'établissement, est encadrée par deux sculptures de lions, à l'allure austère.

"J'ai l'habitude de dire que l'École du Louvre est une vieille dame", confie son directeur, Philippe Durey. Fondée en 1882, elle avait vocation à former les futurs conservateurs de musée. C'est aujourd'hui encore "la voie royale" pour accéder à cette profession, selon le directeur, même si l'école ouvre aussi aux métiers du patrimoine, de la médiation et du marché de l'art.

Des heures en bibliothèque et au musée

Edwige, en M2 recherche en histoire de l'art appliquée aux collections, a choisi l'École du Louvre après sa prépa littéraire option histoire des arts. "Pendant les premières années, on étudie toutes les civilisations, cela permet d'avoir un large aperçu, sans devoir se spécialiser comme à l'université", justifie-t-elle. Pour réussir dans ce cursus, qui comprend 18 heures de cours par semaine, elle conseille de "se montrer toujours curieux, se forcer à aller dans les musées". "On y apprend autant qu'en révisant à la bibliothèque", note-t-elle.

Située place du Carrousel, à Paris, l'École du Louvre se fond dans les bâtiments du musée du Louvre. // © Myr Muratet pour l'Étudiant

L'antre des livres est accessible par une autre entrée, en descendant un escalier dissimulé. Parmi la trentaine d'étudiants penchés sur leurs documents, Zoé, qui vient de commencer la première année du cursus. "Il faut réviser les cours auxquels on vient d'assister dans les deux jours qui suivent", constate-t-elle. La jeune fille se rend donc à la bibliothèque trois à quatre fois par semaine. Si les révisions régulières sont recommandées, c'est en partie car les examens se font en juin ; il y a très peu d'évaluations pendant l'année.

À la découverte des œuvres

Dans l'amphithéâtre Rohan, situé à l'autre extrémité du Carrousel, 200 étudiants de deuxième année écoutent studieusement leur professeur leur parler de la peinture de la Renaissance, en commentant des œuvres projetées sur un écran. Dans le noir, la lumière des ordinateurs des élèves se mêle à celle des petites lampes qui éclairent les tables. Une modernité qui contraste avec le côté historique du bâtiment. 

Les noms des salles et des amphis de l'école rappellent cependant où nous sommes (Angkor, Imhotep, Mondrian, Goya, Dürer, Lascaux...), et la diversité des périodes et des pays au programme des élèves.

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Élèves et auditeurs libres côte à côte

Les étudiants doivent dès la première année choisir une spécialité parmi les 31 proposées. "C'est très difficile. J'ai pris la spécialité patrimoine et archéologie militaire, nous avions un cours sur l'iconographie des chevaliers, mais c'était un peu trop pointu par rapport à ce que j'attendais", se souvient Dimitri, en master 2 médiation culturelle. Ce choix est important, car il est nécessaire d'avoir 14 de moyenne en spécialisation pour pouvoir être admis en deuxième cycle. Sur les 300 élèves de première année, seuls 170 iront jusqu'au master.

Les TDO (travaux dirigés devant les œuvres) se déroulent sur place, dans le musée. Ici, des étudiants de première année dans le département des antiquités égyptiennes. // © Myr Muratet pour l'Étudiant


Des élèves aux cheveux grisonnants par­tagent les bancs des plus jeunes. Ce sont les auditeurs libres. Ils forment la majorité des quelque 16.000 élèves (dont 9.000 à Paris) de l'école.  "Nous en accueillons depuis l'ouverture de l'école, cela fait partie de notre mission de diffusion culturelle et permet à l'école de s'autofinancer", relève le directeur.

Plus attractifs que les cours théoriques, une cinquantaine de TDO (travaux dirigés devant les œuvres), avec interrogations orales, sont dispensés tout au long de l'année. Les étudiants se rendent dans les musées de la région parisienne par groupes de 20 avec un enseignant.

Au cœur d'un quartier touristique

Située en plein centre de Paris, jouxtant le musée du Louvre et en face du musée d'Orsay, l'école profite d'un emplacement privilégié. "Pour les transports, c'est pratique, mais nous sommes au cœur d'un quartier touristique, où tout est cher", remarque Edwige. À la pause déjeuner, le petit espace de la cafétéria est vite rempli. Les étudiants s'agglutinent sur les bancs le long du couloir pour manger le repas qu'ils ont apporté. La solution la plus plébiscitée.

Cours d'histoire de l'art (peinture Renaissance) à l'École du Louvre, à ParisRécemment rénové, l'amphithéâtre Rohan peut accueillir jusqu'à 600 étudiants. Les cours magistraux du premier cycle y sont dispensés. // © Myr Muratet pour l'Étudiant

Le cadre de l'école rend invisible cette population estudiantine, qui rêverait d'un vrai campus. "Il y a une vie étudiante, mais il faut savoir où la chercher", prévient Lili, entrée en troisième année par équivalence après deux ans de prépa littéraire. En arpentant les couloirs, on déniche en effet une boîte à suggestions à l'interpellation curieuse. "Une idée ? Une suggestion ? Un coup de gueule ? Une recette de cuisine ? Pour améliorer la vie à l'école il faut que tu Louvres", clame Mona Lisa.

Le journal de l'école, "Louvr'boîte", en appelle aussi aux étudiants pour partager des conseils pratiques. C'est l'un des 13 clubs du BDE (bureau des élèves). Chorale, ciné-club, orchestre, archéo-club, club de reconstitution de costumes historiques... il y en a pour toutes les passions.

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Un BDE en mal de campus

À la tête du BDE, qui chapeaute ces associations, on trouve Adèle, en troisième année, une rousse pétillante qui met beaucoup d'énergie pour mobiliser les étudiants ! "Nous sommes là pour créer du lien social et un esprit d'école, notre principal problème, c'est l'absence de campus. L'école est abritée dans un monument historique, ce qui nous limite. On doit trouver à chaque fois d'autres lieux pour attirer les étudiants à nos événements", regrette-t-elle. Dans le local du BDE, des objets incongrus sont entassés : déguisements, crocodile gonflable, mannequin de couture... et même un jeu de société sur l'histoire de l'art. Au milieu de tout cet attirail trône un planning ordonné des événements à venir.

Pour que les élèves puissent se rencontrer, des pots sont souvent organisés, mais aussi des activités sportives ou encore des voyages. Un système de parrainage a été mis en place pour que les nouveaux arrivants soient bien accueillis. "Nous ne sommes pas en concurrence, nous nous entraidons, car nous serons sûrement amenés à travailler ensemble plus tard", souligne-t-elle.

Des missions pour la Junior-Entreprise

Certains étudiants commencent d'ailleurs à col­laborer dès l'entrée à l'école, grâce à la Junior-Entreprise. "Nous trouvons des missions payées pour les élèves, qui les exécutent comme des professionnels", résume Gilliane, la secrétaire générale. Canson fait par exemple appel à eux pour organiser de A à Z l'exposition des œuvres de son prix annuel. Des enseignants suggèrent aussi à leurs élèves de participer à des fouilles archéologiques l'été. C'est le cas de Dominique Farout, qui enseigne l'égyptologie. "Certains départements de l'école proposent des fouilles, l'association Rempart permet aussi d'être bénévole sur un chantier", décrit-il.

Le corps enseignant se compose en majorité de professionnels du patrimoine. Ici, au premier plan, Bénédicte Lhoyer, une chargée de TDO en égyptologie avec une classe de première année. // © Myr Muratet pour l'Étudiant

Le corps enseignant de l'école est composé à plus de 60 % de professionnels du patrimoine et des musées. "C'est un vrai atout d'avoir des enseignants con­servateurs de musée, même si parfois certains manquent de pédagogie...", estime Dimitri. L'étudiant souhaite une fois son master achevé travailler dans les musées, dans l'événementiel ou la programmation. D'autres, comme Maximilien, optent pour la voie plus classique du concours de conservateur après le master. Le jeune homme suit aujourd'hui une préparation proposée par l'école. À la sortie de l'École du Louvre, près de 80 % des jeunes trouvent du travail dans leur domaine professionnel en tant que guide culturel, conférencier restaurateur, conservateur...

Se former à l'école du Louvre

Le test d'entrée se déroule en mars. Cette épreuve de culture générale de trois heures est composée d'un QCM, d'une dissertation et de l'analyse de deux images. Un candidat sur cinq est admis.

L'école compte 16.000 élèves, mêlant auditeurs libres et étudiants (23 % sont boursiers).

Les études se déroulent en trois cycles, avec un diplôme à la fin de chacun. Le premier cycle dure trois ans, le deuxième deux ans et le troisième trois ans. La première année de master est consacrée à la muséologie, les étudiants ont ensuite le choix entre cinq parcours, orientés recherche (recherche en histoire de l'art appliquée aux collections, recherche en muséologie) ou professionnalisants (marché de l'art, médiation, métiers du patrimoine).

Deux classes préparatoires sont aussi proposées, pour le concours de conservateur du patrimoine et pour celui de restaurateur du patrimoine.

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