Elle crée sa librairie-salon de thé pour mettre en lumière la littérature afro
ELLE VA FAIRE LA UNE. Après un premier roman et de multiples expériences professionnelles, Roxane Yap, 27 ans, a choisi de s’installer à son compte en tant que libraire. Son crédo : la littérature "afro" qui, selon elle, manque cruellement de visibilité en France.
Fille d'un père camerounais et d'une mère française, Roxane Yap est fière de son identité métissée et de sa double culture. Son enfance, ce sont des bouquins avalés en guise de dessert. L'adolescente obtient son bac L à seulement 15 ans et demi. Puis elle file en fac de lettres modernes.
"À 16 ans, je me suis retrouvée avec des étudiants beaucoup plus âgés que moi. La plupart travaillait. En toute honnêteté, je me suis absolument ennuyée à l'université. Alors plutôt que de 'feignanter' ou de redoubler, j'ai souhaité entrer dans la vie active", confie Roxane.
Pour l'amour de la littérature afro
En 2009, Roxane publie son premier roman. Une étape cruciale qui lui fait découvrir le milieu du livre et des éditeurs. "Au départ, j'ai commencé par travailler dans la papeterie. Je suis arrivée par la petite porte et j'ai peu à peu construit mon expérience", explique Roxane qui, sept ans durant, a multiplié les postes dans plusieurs grandes enseignes culturelles parisiennes. La dernière sera celle de trop. Lassée des choix de ses supérieurs, elle jette l'éponge.
"J'en avais assez de l'absence de littérature afro. Elle était noyée dans la littérature francophone. Il y a clairement un manque alors que la clientèle est beaucoup plus diversifiée que cela. Les afro-descendants ont besoin de découvrir une littérature qui leur ressemble, de la même manière qu'il faut aussi de la littérature asiatique, maghrébine, etc.
Un jour j'ai décidé d'installer une table de bouquins afro dans le rayon. J'ai invité les auteurs concernés. Et pendant une dédicace, mon collègue de la BD est venu me dire que je faisais du communautarisme. Personne ne dit cela pour les auteurs blancs. C'est devenu invivable. Je me suis dit qu'il était temps de changer."
"L'endroit de mes rêves"
Nous sommes alors en mars 2015. Après deux mois de chômage, le temps de digérer, Roxane décide de monter sa propre structure. Avec l'aide du Groupement des jeunes créateurs parisiens, elle met en place son business plan. Après un an et demi de démarches administratives, elle met sur pied sa librairie à Boulogne-Billancourt (92), au bout de la ligne 9 du métro.
Ouverte depuis le 31 janvier 2017, Lis Thés Ratures fait également office de salle d'exposition, d'espace de coworking et de salon de thé. "J'ai voulu créer l'endroit de mes rêves, celui qui me manquait. C'est un lieu plurithématique où l'on peut venir se détendre, bosser, se réunir. On s'y sent un peu comme à la maison", raconte Roxane, heureuse comme jamais.
Du polar à la jeunesse en passant par la bande dessinée, les publications en vente proviennent de France, d'outre-mer, d'Afrique mais aussi d'ailleurs, notamment des États-Unis. À l'instar de Scholastique Mukasonga, une écrivaine rwandaise lauréate des prix Ahmadou Kourouma et Renaudot en 2012.
La culture pour tous
La jeune femme souhaite avant tout rendre la culture accessible à tous, arguant que "la littérature ne doit pas devenir un milieu élitiste et conservateur". Elle compte lancer sa propre maison d'édition et passer le pas de la vente en ligne. "La dérive, c'est de se fermer en permanence pour des raisons de classe ou de couleur de peau. On peut être jeune, ne pas avoir un sous en poche, et créer. Tout ce que je sais, je l'ai appris sur le tas. Il faut bien s'entourer, nouer des contacts et y croire."