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Reportage

"Il y a beaucoup de travail personnel" : dans les coulisses d’un défilé de mode étudiant

Le défilé de l'école de mode Modart International.
Le défilé de l'école de mode Modart International. © Séverine Mermilliod
Par Séverine Mermilliod, publié le 16 septembre 2024
1 min

Début juin s’est tenu le défilé annuel de l’école de mode Modart International. Les étudiants de troisième année ont présenté des silhouettes engagées, la récompense d’une année de travail acharné.

Il est 19h30, chacun cherche sa place, récupère un press kit, le défilé va bientôt commencer. En ce début du mois de juin, sur les bancs installés pour l’occasion au sein du palais de Tokyo, des journalistes, les amis et familles des étudiants de l’école de mode Modart International trépignent d’impatience.

Toute l’année, les 40 élèves de troisième année du cursus Stylisme et modélisme ont travaillé sur un défilé à l’issue duquel vont être remis cinq prix : le prix Design textile et métier d’art, Accessoire, Coup de cœur, prix du Jury et prix du Public.

Le défilé de mode, fruit d'une année de travail, intense et engagé

Et cette fois encore, "le travail des étudiants a été intense", lance la directrice de l’école, Marie Cherifi. Les étudiants ont planché sur six silhouettes, un vrai défi que ces prix, attribués par un jury de professionnels, viennent récompenser. "Je les ai vus arriver dans les ateliers dès huit heures, pour y rester parfois jusqu’à 23 heures", assure la directrice.

À ses côtés, Célina Bailly, directrice artistique de Modart, défend les "collections très personnelles" de ses étudiants "engagés" et qui ont choisi de porter des "messages en lien avec notre société". Les lumières se tamisent, la musique électro commence à résonner, les rideaux noirs bruissent et soudain, les premières silhouettes entrent sur la piste.

Combinaisons trompe-l’œil inspirées du "workwear" urbain pour Chloé, tenues inspirées des uniformes scolaires par Leonardo, silhouettes de suffragettes modernes pour Léna, dénonciation de la pollution marine pour Yueying... Les collections s’enchaînent avec des inspirations aussi diverses que le rap, Kandinsky, le Japon, la relation mère-fille ou le graffiti.

Une troisième année d'études de mode consacrée au défilé

À la fin du défilé, Dilara, 20 ans, reçoit le prix Design textile et métiers d’art pour sa collection "Caryatid", inspirée par les statues de la Grèce antique. Les silhouettes aux robes craquelées mettent en avant la situation des femmes, trop souvent jugées sur leur apparence "et pas leur intérieur", regrette la jeune créatrice. "Je ne réalise pas trop, je crois que je vais bientôt pleurer", s’émeut-elle, ravie.

Tout au long de l’année, les étudiants de troisième année ont effectué des recherches pour trouver leur collection, avec une accélération à partir de janvier. "On a beaucoup dessiné au début", explique en coulisses Sixtine, 21 ans, qui vient de remporter le prix du Jury après avoir présenté huit silhouettes - plus que le travail demandé.

"Puis on a peaufiné le storytelling. Au départ, je ne savais pas très bien ce que je voulais dire à travers mes habits", raconte l’étudiante. "On a travaillé sur des recherches iconographiques, en dessin, en volumes, avec des toiles et c’est vraiment à partir du second semestre qu’on a commencé à faire avec les vrais tissus", confirme Dilara, lorsqu’il a fallu passer les échantillons à la taille du vêtement.

L'objectif du défilé est d'apprendre aux étudiants ce qu’est la vie d’un créateur.
L'objectif du défilé est d'apprendre aux étudiants ce qu’est la vie d’un créateur. © Séverine Mermilliod

Apprendre la vie d'un créateur

Les étudiants de Modart travaillent par "blocs" de cours de stylisme, modélisme ou d’histoire de l’art, mais surtout beaucoup d’autonomie sous la supervision de la directrice artistique, qui veille à l’avancement des collections. "Il y a beaucoup de travail personnel", confie Enzo, 20 ans, prix Coup de cœur de cette saison.

Sixtine, elle, faisait "du 8h30-20h ou 23h quand il y avait des nocturnes, et après je rentrais et je me couchais direct ! J’ai la chance d’être très rapide sur la réalisation. Le travail informatique derrière me prenait plus de temps", souligne celle qui travaille déjà à côté en job étudiant sur des défilés.

"Le but du défilé est de leur apprendre ce qu’est la vie d’un créateur, c’est-à-dire dix minutes de scène pour des heures et des heures de travail à imaginer et à coudre, car ils font tout eux-mêmes", détaille Marie Cherifi, la directrice de l’école.

Le défilé, un tremplin pour l'insertion professionnelle ?

C’est aussi une première opportunité professionnelle. "En fin de troisième année, ils n’ont pas terminé leur apprentissage, rappelle la directrice. Mais on a des spectateurs du monde de l’entreprise. Cela leur permet de jauger le niveau des étudiants et de repérer des talents. On enseigne aux élèves mais on les accompagne aussi sur le marché du travail."

Les quatrième et cinquième années de Modart sont en effet proposées en alternance. L’année prochaine, Dilara, Sixtine et Enzo vont tous entrer en mastères en alternance, direction artistique et digital fashion designer, et cherchent encore leur employeur. "Je vais mettre prix Coup de cœur sur mon CV maintenant !", s’amuse Enzo.

"À la fin de la cinquième année, les élèves réalisent une marque et là ça va beaucoup plus loin, poursuit Marie Cherifi. Il faut choisir un nom de marque, un univers et prendre en compte les données du marché. L’idée est qu’ils puissent en vivre, donc on est plus axés sur le commercial."

Un intérêt créatif qui s'affine

Sixtine, elle, se projette déjà. "J’ai toujours été fascinée par l’armée, les costumes, je voulais même être stratège militaire, sourit-elle. Mais je suis créative, j’aime fabriquer des choses. J’ai découvert le tailleur en travaillant avec Balenciaga en stage en première année." L’objectif post- mastère : devenir designer homme.

"Moi j’ai grandi dans une famille de viticulteurs, en pleine nature. Donc l’esprit mode n’était vraiment pas là", raconte de son côté Enzo, qui a développé son talent grâce aux dessins de sa grand-mère, à qui sa collection rend hommage. "Aujourd’hui, je suis fier de m’être rendu compte que j’avais la capacité de bosser autant pour ce qui me passionne."

Dans les coulisses du défilé, alors que les spectateurs quittent les lieux, les élèves sont toujours à mille à l’heure. Ils doivent replacer leurs créations sous housse, car elles vont désormais être exposées sur des mannequins dans le hall de l’école.

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