Reportage

L'IPJ Paris-Dauphine et les Arts Déco à l'unisson pour former des dessinateurs de presse

Traiter l'actualité sous forme de dessins : une prouesse qui demande une double compétence.
Traiter l'actualité sous forme de dessins : une prouesse qui demande une double compétence. © Mathieu Faluomi
Par Laura Makary, publié le 13 juillet 2017
1 min

Pendant une semaine, une dizaine d'amateurs de crayonnage venus de tous horizons se sont donnés rendez-vous à l'ENSAD pour un atelier sur le dessin de presse organisé avec l'école de journalisme IPJ Paris-Dauphine. Un partenariat inédit, pour former ces futures plumes à la fois à la réflexion journalistique et à la technique du dessin.

Mines de crayon affutées, stylos en main, l'air décidé, une dizaine d'étudiants sont très concentrés en ce jeudi après-midi de juillet. Demain, c'est déjà la fin de ce "workshop" dédié au dessin de presse, alors ils ont bien l'intention d'en profiter. 

Au premier étage de l'ENSAD (École nationale supérieure des arts décoratifs), au cœur de Paris, dans la petite salle qui leur est réservée, les dix pensionnaires travaillent dans le calme, au bruit des mines qui griffonnent sur le papier. Chaque matin, ils débutent par une conférence de rédaction, analysant l'actualité pour dégager chacun un sujet qui les inspire. Le soir, les élèves doivent rendre leur production du jour à 17 h, pour qu'elle soit publiée sur le blog créé pour l'occasion. 

Cet atelier, c'est une première : une formation en partenariat entre une école de journalisme, l'IPJ Paris-Dauphine, et les Arts Déco, à mi-chemin entre réflexion sur l'actualité et dessin. Un test d'une semaine pour commencer, avant d'imaginer un cursus plus élaboré. Entourés d'enseignants des deux établissements, les élèves viennent chacun d'horizons différents.

D'un côté, on retrouve les journalistes en herbe, amateurs de dessin. C'est le cas de Malika, étudiante à l'IPJ Paris-Dauphine, âgée de 22 ans. Si elle s'est inscrite, c'est avant tout par intérêt pour ce format. "J'avais envie de voir comment se crée un dessin de presse, de l'intérieur. C'est un sacré défi, car il faut mettre une image sur une idée, alors que j'ai davantage l'habitude de passer par les mots", explique-t-elle. Son illustration du jour : la visite de Donald Trump en Pologne, avec la volonté de faire le ménage, que ce soit sur l'immigration, l'IVG ou la liberté de la presse.

Pas facile lorsque l'on n'est pas soi-même dessinateur. "C'est un obstacle, mais cela pousse à être inventif et à se remettre en question. Je ne vais pas caricaturer Trump, mais plutôt mettre en avant un autre élément ou personnage, sans en détailler les traits", souligne Malika, qui s'avoue grande fan des BD reportages.

Trouver un message clair

À côté d'elle, sur la grande table centrale, un profil radicalement différent : Victor, 20 ans, vient de Beyrouth et étudie à l'Académie libanaise des Beaux-Arts. Il découvre Paris en même temps que cette formation. Pour lui, pas de problème sur le trait de crayon. "En revanche, ce n'est pas facile de trouver un message clair à faire passer à travers l'image. D'autant que je ne connais pas forcément tous les noms qui figurent dans l'actualité française. Mais les intervenants sont très sympathiques et prêts à nous aider", estime Victor. 

Lui s'est intéressé à l'envoi de pandas en Allemagne, avec plusieurs options de visuels : les animaux en train de boire une bière en bock, par exemple, ou tombant sur Angela Merkel. "J'ai trouvé ce sujet très intéressant, car derrière le gros animal mignon, il y a aussi une signification politique forte", ajoute le jeune artiste. En souriant, il remet rapidement son casque sur ses oreilles, se penchant à nouveau sur sa feuille. 

De l'autre côté de la table, Inès, 25 ans, dispose d'un profil "hybride". Cette diplômée des Arts Déco de Strasbourg, désormais nommée Haute école des arts du Rhin, vient d'être admise à l'IPJ Paris-Dauphine, avec l'envie d'allier justement visuel et journalisme. "Je n'avais jamais fait de dessin de presse auparavant. Il faut être à la fois subtil et direct, pour faire passer un message en une seule image, qui fonctionne à la première lecture", estime-t-elle.

Pour les encadrants de l'atelier, il est donc nécessaire de garder un lien personnalisé à chaque profil. "Les journalistes trouvent plus rapidement l'idée principale à décliner à partir du fait d'actualité. À l'inverse, les dessinateurs ont la technique, mais plus de soucis à clarifier le message et affiner l'angle. Chacun rencontre des difficultés à un moment différent du processus", détaille Éric Nahon, directeur adjoint de l'IPJ Paris-Dauphine, présent toute la semaine. 

Une véritable formation à partir de janvier 2018

Aux côtés d'enseignants des deux écoles, des dessinateurs professionnels viennent donner des conseils et encadrer l'atelier, dont Plantu ou Xavier Gorce, connu pour ses "Indégivrables" du Monde. Ce jeudi après-midi, Camille Besse, qui travaille notamment pour "Causette", "Marianne" et "l'Humanité Dimanche", passe d'un élève à l'autre. "Les dessinateurs ont souvent tendance à vouloir faire un beau dessin et à oublier le fond. Mais sur cet atelier, je suis épatée, car ils ont bien percuté l'enjeu de trouver l'angle. En tout cas, j'aurais adoré suivre un tel workshop quand j'étais plus jeune", lance-t-elle, avant de se tourner de nouveau vers un dessin sur la table.

Plutôt satisfaites de cette première semaine de test, les directions des deux écoles désirent désormais transformer l'essai, en créant une véritable formation, continue et certifiante, ouverte à tous les profils, à partir de janvier 2018. Objectif : une quinzaine d'élèves, à cheval sur les deux établissements, qui suivraient des enseignements pratiques et théoriques. Pour former la nouvelle génération de dessinateurs de presse.

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