Bancs d’essai

École de cinéma : la Fémis, superstar

Banc d’essai_FEMIS_Entrée © Anne-Charlotte Compan/Hans Lucas_PAYANT
Les Studios Pathé ont déménagé et les étudiants ont remplacé les professionnels du septième art. © Anne-Charlotte Compan/Hans Lucas pour l'Etudiant
Par Martin Rhodes, Baptiste Legout, publié le 25 mai 2017
8 min

Ultrasélective et exigeante, l’école parisienne publique, la Fémis, est plébiscitée par tous les producteurs et réalisateurs que nous avons interrogés. Immersion aux côtés des futures stars du septième art.

Celui qui cherche l’école de la Fémis et qui se présente au 6, rue Francœur, à Paris, dans le XVIIIe arrondissement, croit s’être trompé d’adresse. De grandes grilles lui font face, flanquées d’un grand écriteau “Pathé-Cinéma”. La plus célèbre des écoles de cinéma françaises est installée depuis 1998 dans les anciens studios Francœur, qui ont vu naître des centaines de films.

Aujourd’hui, les quelque 10.000 mètres carrés accueillent notamment 30 salles de montage, quatre plateaux de tournage, trois auditoriums de mixage, deux magasins de matériel et une grande menuiserie pour fabriquer les décors. Des étudiants profitent d’une pause technique pour fumer une cigarette. Postés sur les balcons ouverts, les candidats au concours “réalisation” jettent des regards inquiets en attendant leur tour. Depuis la cour extérieure, la Fémis fait penser à un théâtre à l’italienne vu depuis la scène.

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Une histoire d’amour virtuelle

Chloé vient s’asseoir derrière un petit bureau. Son visage se transforme, devient mélancolique. Elle réfléchit, se lève, regarde par la fenêtre, puis ouvre son ordinateur portable pour échanger quelques mots avec un certain “Itak”. “Okay ! Coupez !”, lance Pauline d’une voix audible. Chloé, l’apprentie actrice, est entourée de projecteurs, de grands panneaux blancs appelés réflecteurs et de toute une équipe de tournage composée de huit étudiants en deuxième année du cursus principal (départements image et son). On a poussé les tables et les chaises pour tourner au sein de la cafétéria ! “Ce court-métrage raconte l’histoire d’amour virtuelle entre deux jeunes gens”, explique Pauline en relevant la tête de sa caméra montée sur une sorte de petit charriot. “On y va, on se lance ?”, demande sans plus attendre Yves Agostini, le chef opérateur professionnel qui encadre cet exercice, commencé six jours plus tôt et intitulé “cadre et perche”. Les répétitions laissent maintenant place au tournage.

Pauline plonge son œil dans le viseur de la caméra. Téo, le premier assistant opérateur, appuie sur "REC". Jean, qui occupe aujourd’hui le poste d’ingénieur du son, lance l’enregistreur audio.

Le clap retentit, ça tourne ! La comédienne se lève, suivie par l’objectif de la caméra et le micro fixé au bout d’une longue perche. Les gestes sont précis et coordonnés. Chacun doit connaître et prendre en compte les contraintes des autres postes.

Le cinéma est un travail d’équipe. Laura, la perchman, doit placer le micro au plus près de la bouche de Chloé sans jamais apparaître à l’image. Elle se déplace, méticuleuse, pour ne pas passer devant une source lumineuse, comme un projecteur ou une fenêtre, ni même enregistrer ses propres mouvements. Marco, le deuxième assistant, s’assure notamment que Laura ne se prenne pas les pieds dans les câbles. Posté derrière son enregistreur, Jean écoute attentivement les sons fournis par ses assistants.

Les étudiants du département son sont encadrés par André Rigaut, ingénieur du son professionnel qui a notamment travaillé sur plusieurs films du réalisateur danois, Lars Von Trier. Le tournage est soudain interrompu par un bruit crispant. Un étudiant distrait se sert de la machine à café. Il faut la refaire… “Pour ce court-métrage, on compte trois étudiants du département son pour un intervenant”, souligne Laura pendant la pause déjeuner. Elle ajoute : “André observe et conseille chacun de nous ; il fait du sur-mesure !”. La jeune femme, titulaire d’un master 1 de mathématiques, a été admise au cursus principal à la troisième et dernière tentative.

Élaborer les décors… dans les délais

Les autres départements ne sont pas moins bien lotis. Au premier étage, quatre étudiants de deuxième année conçoivent et construisent, depuis maintenant deux mois, deux décors sur le thème imposé “extérieur-intérieur”. Leurs camarades ­réalisateurs – qui y tourneront plusieurs petits films – ont leur mot à dire sur l’agencement des espaces et les matériaux utilisés.

Les sept départements que compte le cursus principal travaillent en collaboration. Chacun des deux binômes dispose de moyens humains et matériels impressionnants : deux intervenants professionnels (staffeur, chef peintre), un immense plateau de 250 mètres carrés et une enveloppe de 4.000 € pour acheter les matières premières nécessaires. Anna et Rémi reproduisent, à l’échelle réelle, un wagon désaffecté et son environnement. Warina et Youri bâtissent une petite maison et une terrasse d’inspiration orientale. Ces décors doivent être prêts dans une semaine. “On a moins des horaires que des délais”, explique Youri, appliquant un mélange de plâtre et de paille sur un mur.

Passionnée par les travaux manuels, Warina a intégré l’école après le BTS (brevet de technicien supérieur) design d’espace de l’ENSAAMA-­Olivier de Serres. Elle qui n’était “pas spécialement cinéphile” n’oubliera jamais ses premiers jours à la Fémis. C’était il y a deux ans. Pour se présenter à tous les nouveaux admis, passage obligé, elle choisit alors un extrait du film “Whiplash” dans lequel un jeune batteur aux mains ensanglantées connaît un moment de grâce devant un public déchaîné. “Il n’y a pas de satisfaction sans effort, cela vaut pour la musique, que je pratique, comme pour les métiers manuels”, explique la jeune femme qui se souvient de ce moment à la fois “flippant et excitant”, “intense et personnel”.

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En postproduction, le calme du montage

Après la fabrication des décors et le tournage, les films passent en postproduction. C’est un moment de calme et de réflexion qui tranche avec la folle effervescence d’un plateau. On pousse la porte de l’une de 30 salles de montage. Lucas, qui est étudiant en quatrième année, est monteur sur le film de fin d’études (un court-métrage de seize minutes) de son ami Mathieu, du département image. Ce dernier a fait le choix de traiter la vie du compositeur allemand Robert Schumann.

Quatre semaines sont nécessaires pour construire le récit, c’est-à-dire sélectionner et assembler entre elles les meilleures prises de vues sur le logiciel de montage Avid. Les deux compères ont du pain sur la planche. Cette année, Mathieu a collaboré à quatre films. Il nous invite à rencontrer un certain Tommaso. “Vous le trouverez dans l’auditorium de mixage au niveau - 1”,  précise-t-il.

Dernière étape avant le rêve : le mixage

Dans la pénombre d’une petite salle de cinéma, totalement coupée du monde, les visages de Léonard (département son, quatrième année) et de Tommaso (réalisation, quatrième année) sont éclairés par deux écrans d’ordinateur, une interminable table de mixage et un écran de cinéma. Le réalisateur et son ingénieur du son se repassent, encore et encore, une étreinte amoureuse entre deux jeunes gens. Ensemble, ils règlent le volume, agencent et spatialisent les différentes pistes sonores (voix, ambiances et musiques). “Le mixage est l’une des dernières étapes de la post-production ; un moment que j’adore, confie ­Tommaso. Pendant quatre jours, on affine et on améliore par petites touches.” Court-métrage de vingt-sept minutes, “Deux égarés sont morts” revisite la tragédie “Roméo et Juliette” dans la campagne toscane d’aujourd’hui. Il fait partie des 16 films sélectionnés à la Cinéfondation, la compétition internationale des films d’école du Festival de Cannes. Le tapis rouge, la Croisette, les plus grands réalisateurs réunis. Un rêve de gosse, pour Tommaso.

Une formation, plusieurs filières

La Fémis propose plusieurs formations initiales d’une durée variable de un à quatre ans. Le cursus création de séries télé, qui s’effectue en un an après un master, forme chaque année dix étudiants. Dispensé en deux ans, le parcours distribution-exploitation ouvre huit places en tout aux titulaires d’un bac+3. La formation en trois ans au métier de scripte accueille, quant à elle, quatre étudiants titulaires d’un bac+2, tous les deux ans seulement. Après une année de tronc commun, les 38 jeunes cinéastes que compte le cursus principal (le plus long de tous, quatre ans après un bac + 2), choisissent l’un des sept départements proposés : scénario, réalisation, production, image, son, montage et décor.

Enfin, la Résidence accueille chaque année, pendant un an, quatre jeunes de moins de 30 ans “ayant déjà développé des qualités artistiques mais que l’origine sociale, l’histoire familiale ou le parcours scolaire ont sans doute tenus à l’écart des formations de haut niveau”.

Vous pouvez également consulter les annales de la Fémis.

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