Le cinéma suscite bien des vocations mais s'avère difficile d’accès. Travailler avec acharnement et cultiver son réseau, voilà deux clés pour réussir. Quelles sont les autres ? Des professionnels racontent leur parcours.
"Faire du cinéma, ce n’est pas que du strass et des paillettes… Au quotidien, c’est aussi l’angoisse, la recherche, la pression, témoigne Claire Burger, réalisatrice, caméra d’or à Cannes pour son film "Party Girl". Il s'agit d'un métier "très compétitif où on rejoue tout à chaque film", reprend la cinéaste. Le cinéma, un univers qui fait rêver mais difficile à conquérir... Aux candidats passionnés, Claire Burger conseille de "travailler avec acharnement et de ne pas avoir peur d’échouer. Car on apprend de ses erreurs."
Pour mettre toutes les chances de son côté, mieux vaut opter pour le passage par une école. La réalisatrice avait ainsi réussi à intégrer la Fémis, l'École nationale supérieure des métiers de l’image, maisau département montage. "JRI [journaliste reporter d’images] dans une petite télé locale en Moselle, je n’avais que le bac. Je me disais que le concours en réalisation serait inaccessible pour moi. J'ai appris le montage à l’école, mais je me suis aussi débrouillée pour réaliser de petits films. Un producteur m’a repérée et m’a permis de tourner un court-métrage qui a eu du succès. À partir de là, j’ai pu réaliser d’autres films."
Une école est un bondépart pour se constituer un réseau. "Sans être passée par la Fémis, je n’aurais pas été assez mordante pour réussir à m’accrocher pendant des années, à frapper aux bonnes portes", confirme Julie Léna, une monteuse image de 32 ans.
Mais pour ces métiers où les contacts et les rencontres comptent tant, ce n’est pas un passage obligé. On peut aussi réussir en passant par des chemins de traverse. "Il y a des anciens ingénieurs, des gens qui travaillaient dans la finance qui claquent tout pour devenir acteur, raconte Florent Mathey, qui exerce lui-même ce métier à 35 ans. Ce qui est déterminant, c’est de rencontrer les bonnes personnes, de tomber sur des directeurs de casting qui vous font confiance." Lui-même est diplômé d’une école de commerce. Celui qui a décroché un petit rôle dans le prochain film de Nicolas Bedos, "La Belle Epoque", a appris à jouer en prenant des cours de théâtre. "J’ai fait une école de commerce pour faire plaisir à mes parents. Mais j’ai toujours eu envie d’être comédien. À un moment donné, j’ai fait un choix".
Un BTS, beaucoup de stages
Côté technique, Catherine Taïeb-Haquet, directrice de plateau et monteuse post-synchro, la cinquantaine, s’est aussi "formée sur le tas". Son métier : pointer les dialogues et les sons difficilement audibles après le tournage. Puis de superviser les réenregistrements et la synchronisation en auditorium. D’abord assistante monteuse image, cheffe monteuse puis monteuse son, Catherine a gravi les échelons, en enchaînant des stages. Un tel parcours serait-il possible aujourd’hui ? Pas sûr. "Avec le passage au montage virtuel, les équipes sont moins importantes. Je conseillerais aux jeunes intéressés par le métier de faire une école ou un BTS [brevet de technicien supérieur] métiers de l'audiovisuel. Il y en a partout en France". Et en montage post-synchro, encore trop méconnu, les débouchés ne manquent pas.
Dans tous les cas, il va falloir s’accrocher, car opter pour les métiers du cinéma, ce n’est pas faire le choix de la sécurité. Dans le milieu, pas de CDI (contrat à durée indéterminée), d’emploi stable. "Il ne faut pas faire du cinéma parce qu’on est attiré par l’argent. On passe souvent par des périodes de vaches maigres, surtout en début de carrière, explique Claire Burger. On peut tourner un film, avoir du succès, puis enchaîner par un échec et avoir du mal à travailler après. Il faut être courageux et attiré par le risque."
En outre, pour les métiers de l’ombre, devenir un bon technicien ne suffit pas. Les candidats doivent être dotés de qualités relationnelles. Surtout en post-production. "Il faut être attentif aux demandes du réalisateur et diplomate, reprend Catherine Taïeb-Haquet. Mon métier est particulier. Les comédiens n’aiment pas vraiment la post-synchro. Cela les oblige à revenir et à se replonger dans un rôle alors que le tournage est terminé depuis quelques mois. L’humilité, c’est l’une des clés pour y arriver."