Décryptage

Peut-on vraiment travailler directement après un DNMADE ?

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Par Pauline Bluteau, publié le 12 avril 2023
6 min

Une fois diplômés de leur bac+3, certains étudiants n'ont qu'une idée en tête : en finir avec les études et entrer dans la vie active. Audacieux après un DNMADE ? Au contraire… Mais gare tout de même à bien se renseigner sur les conditions d'insertion professionnelle.

C'est une opportunité qui a poussé Julie, 23 ans, à s'installer à son compte comme céramiste. Après trois années en DNMADE Objet au lycée Auguste Renoir à Paris (75), le diplôme en poche en 2022, elle débute dans la vie active en tant qu'auto-entrepreneure. L'une de ses enseignantes lui a laissé les clés de son atelier pendant un an. "C'est une chance et aussi beaucoup de pression parce qu'il faut être à la hauteur", résume la jeune céramiste.

Comme Julie, certains étudiants tentent de travailler dès la fin de leur DNMADE. Difficile de donner plus de précisions : aucun chiffre sur le devenir des diplômés en DNMADE n'a pour l'instant été publié. Il faut dire que seulement deux promotions ont validé leurs trois années d'études depuis la mise en place de cette formation artistique en 2018.

Mais quand on les interroge, les enseignants le reconnaissent : leurs élèves choisissent presque autant de poursuivre leurs études que de s'arrêter. Rien de très étonnant puisque le DNMADE est une formation conçue pour être professionnalisante. Quoique…

Un savoir-faire en DNMADE recherché par les entreprises

Votre diplôme en poche, vous disposez d'un niveau de compétences à bac+3. Aussi, vous ne pouvez pas prétendre aux mêmes postes qu'après un bac+5 mais il existe de nombreux débouchés. "Après un DNMADE, vous êtes considéré comme un exécutant. On a une approche artistique mais pas une expertise", explique Karen Russon, coordinatrice du DNMADE Matériaux au lycée Joseph Savina à Tréguier (22). Mais selon l'enseignante, tous les diplômés ont leur chance : "Certaines entreprises ont besoin de créateurs pour développer leur identité tandis qu'après un bac+5, vous affirmerez plutôt l'identité de la marque."

Un avis partagé par Marin Force, coordonnateur du DNMADE Espace au lycée Charles Péguy à Orléans (45). À bac+3, il faut donc réussir à se démarquer : "Si vous montrez que vous avez un bon niveau, que vous êtes capable de vous adapter alors vous pouvez vite devenir indispensable à l'entreprise." Rien de tel que de commencer par le démontrer en stage, lors des workshops, des rencontres avec les professionnels du secteur pour faciliter votre entrée sur le marché du travail.

Des secteurs artistiques plus en tension que d'autres

À moins de choisir un DNMADE très spécifique, orienté artisanat, comme Julie ou comme ceux proposés au lycée Edgar Faure à Morteau (25). Après un DNMADE Objet orienté bijouterie ou horlogerie d'exception, les étudiants s'insèrent immédiatement.

"Après leur stage, ils ont des propositions d'embauche et ça se comprend ! Le marché est très tendu donc les professionnels repèrent les bons éléments", estime David Grandvuillemin, directeur délégué aux formations professionnelles et technologiques. Aucun doute sur le fait que ses étudiants sont employables à bac+3, tous ont les prérequis nécessaires pour se mettre à leur compte ou entrer dans des bureaux d'études par exemple.

Mais cela n'est pas le cas pour toutes les mentions de DNMADE. Certaines, très plébiscitées par les étudiants, recrutent moins car la concurrence est rude. Difficile de se faire une place dans le milieu du design. "On essaie de clarifier la réalité du monde du travail parce que parfois, il y a très peu de places et c'est démoralisant", prévient Karen Russon.

Le conseil à retenir pour Marie-Noëlle Bonnafous, directrice déléguée aux formations professionnelles et technologiques au sein de l'ensemble scolaire La Salle à Clermont-Ferrand (63), c'est de se rendre mobile. "Oui, la formation leur permet de s'insérer. Ce n'est pas toujours facile mais c'est possible. À condition d'être mobile, curieux… C'est le choix du stage qui peut est déterminant pour se faire connaitre", précise-t-elle.

Travailler après son DNMADE, une réfléxion à murir

Le tout est donc de bien réfléchir à son projet professionnel. Julie a, dès le début de ses études, eu envie de s'installer pour ne plus dépendre de ses parents. "Mais il faut un local, décider où on veut vivre… Comme je débute, mes parents m'aident encore et j'ai un job à côté de l'atelier", raconte la jeune artiste.

Cette première expérience, confortable puisque qu'elle bénéficie déjà d'une clientèle et a le matériel à disposition, lui permet de faire face à la réalité du métier. "J'ai l'impression de faire dix jobs à la fois : gérer l'atelier, les commandes, la communication, la vente, les marchés, les dossiers administratifs, le site Internet… Même si on a vu tout ça à l'école, on se pose beaucoup de questions. C'est très épanouissant niveau expérience mais on verra si je m'y retrouve toujours à la fin de l'année… ", avoue-t-elle.

Pour d'autres diplômés, arrêter ses études ne relève pas vraiment d'un choix. Les enseignants le confirment, certains étudiants entrent dans la vie active pour des raisons financières. "Le risque, c'est de se retrouver avec un job alimentaire", regrette Marin Force.

Pour Karen Russon, la solution pourrait être de penser à "une année de césure après un DNMADE" pour faire un CAP, notamment en apprentissage. De quoi continuer ses études et gagner en compétences tout en mettant un peu d'argent de côté.

Les débouchés après un DNMADE

Il peut s'agir de domaines différents en lien avec la création, la conception ou la production voire la conservation. Un diplômé peut exercer comme designer, comme artisan, de manière indépendante ou salarié. Les offres d'emploi peuvent être variées : en atelier, en agence, dans un bureau d'études, une entreprise, une collectivité, une institution...

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