Reportage

À l'ESSEC, une semaine pour imaginer le marché du travail du futur

Le projet "Fly-A-Way" a remporté le 1er prix de l'Imagination Week de l'ESSEC avec une vidéo hyperléchée mettant en scène le marché du travail de 2050 bouleversé par le transhumanisme.
Le projet "Fly-A-Way" a remporté le 1er prix de l'Imagination Week de l'ESSEC avec une vidéo hyperléchée mettant en scène le marché du travail de 2050 bouleversé par le transhumanisme. © Leslie Delamarre
Par Cécile Peltier, publié le 12 janvier 2016
1 min

Pour la 5e édition de l'Imagination Week, les 600 étudiants du M1 management de l'ESSEC ont commencé l'année sous le signe de la créativité. Ils ont disposé d'une semaine, du 4 au 8 janvier 2016, pour rencontrer des personnalités de haut vol et pour penser le monde du travail de 2045, dans ses bons et ses moins bons aspects. L'occasion aussi d'apprendre à se connaître et à parler en public. 

9 heures, vendredi 8 janvier 2016. Sur la scène du grand amphithéâtre de l'ESSEC, 2 jeunes comédiens font le show en anglais devant les 600 étudiants de M1 du programme grande école. Parmi eux, des Français, mais aussi beaucoup d'étrangers. Objectif : leur rappeler les fondamentaux de la prise de parole en public avant la restitution finale, en fin d'après-midi, des projets élaborés dans le cadre de l'Imagination Week.

Une semaine un peu exceptionnelle où la promotion au grand complet (élèves recrutés sur concours après une classe prépa et par admission sur titres français et étrangers) se retrouve sur le campus de Cergy-Pontoise (95) pour "apprendre différemment". Cette 5e édition a pour thème "Travailler pour vivre, vivre pour travailler." Au programme : des conférences pour prendre de la hauteur avec le mathématicien Cédric Villani, l'homme-cyborg  Neil Harbisson (premier homme avec un eyeborg lui permettant de voir les couleurs) ou le chocolatier Jacques Génin, suivies de travaux de groupe.

Guidés par des tuteurs - créatifs, consultants ou autres spécialistes de l'innovation -, les managers en herbe avaient 5 jours pour proposer une idée originale sur le monde du travail du futur : "Comment se dessineront les nouveaux modes de travail dans 30 ans ? Comment aimeriez-vous travailler ? Quelles sont les convictions, les valeurs auxquelles vous croyez ?"

Débrider sa créativité

Vers 10h30, les élèves se dispersent pour rejoindre leur tuteur. Élise Aubry, consultante en communication engagée ou activitiste, demande le silence à ses 60 étudiants. Dans l'air, un mélange d'excitation et de stress. Au cours de ces 2 heures, les élèves vont élire les 2 projets qu'ils préfèrent pour disputer la finale. "En lisant vos notes de synthèse, je me suis rendu compte que vous aviez réussi à aller au-delà des idées préconçues… Maintenant, si vous avez peur lors de votre présentation, attrapez un regard dans la classe. On n'est pas là pour se juger !", lance l'intervenante.

Les groupes se succèdent. Ils ont 5 minutes pour convaincre. Cette année, les règles ont changé : finie la présentation PowerPoint qui bride la créativité. Au choix, 4 formats : show (sketch, pièce de théâtre), multimédia (minividéo, appli…), littéraire (journal, BD…) ou artistique (sculpture, morceau de musique…). 

Un comptable à la découverte de la viticulture

Maxime et ses camarades ont imaginé "Airbnbusiness", une plate-forme collaborative où les utilisateurs en quête de reconversion peuvent trouver un professionnel qui accepte de leur faire découvrir son métier. "En 2020, Gérard, le premier utilisateur, comptable, a ainsi pu passer un mois et demi chez un viticulteur", explique la voix off. "En planchant sur le sujet, on s'est demandé ce qu'on aimerait faire dans 30 ans. On s'est dit 'rester passionné par notre métier'", raconte Maxime.

"Imaginer à ce point, c'est rare"


Dans une vidéo hilarante, l'équipe suivante a anticipé un monde où la monétisation de la vie privée serait poussée à son paroxysme. Après avoir reçu 0,20 € pour la publication de sa recette de cuisine sur Marmiton, le héros encaisse 2 € pour la publication des statistiques de son nombre de pas au fil de ses déplacements, jusqu'à la vente de ses restes de gratin de courgettes cuisinés sur le site Internet "La friperie des restes". "On voulait montrer ce qui nous attend si l'on pousse ce modèle à l'extrême : un système qui, par certains aspects, relève de l'hyperconsommation et, par d'autres, d'une vraie économie de partage", commente Mathilde.

Les étudiants ont passé du temps à discuter du projet et à rédiger le scénario, filmé grâce à un téléphone mobile puis monté dans le nouveau studio de l'école. Un exercice grisant, qui sort du cadre habituel. "En cours, on nous demande de réfléchir à de nouveaux produits, mais imaginer à ce point, c'est rare", ajoute sa camarade.

Les étudiants de l'Essec ont utilisé le nouveau Knowledge Lab (K Lab) pour écrire, tourner et monter leurs projets audio et vidéo dans le cadre de l'Imagination Week.

Et si on recrutait son patron via "Uberboss" ?


Grand gagnant de cette présélection, le projet "Bestpresso" met en scène une journée de travail sur un marché de l'emploi "totalement décloisonné", où chacun exerce des missions différentes pour plusieurs entreprises à la fois (publicitaire et RH, conservateur de musée et chef designer...), où la hiérarchie évolue en fonction des projets et où l'on recrute son patron via "Uberboss". Les étudiants se sont inspirés de leurs expériences de stagiaires pour concocter ce scénario. "Aujourd'hui, c'est l'organisation qui prime sur l'individu. On a imaginé un monde du travail dans lequel les technologies permettraient davantage d'efficacité et d'épanouissement." 

Une puce remporte le premier prix

Sélectionné ensuite par le jury pour figurer parmi les 10 projets finalistes présentés l'après-midi, "Bestpresso" n'emportera pas les suffrages des étudiants de l'ESSEC. Le premier prix a été décerné à une vidéo mettant en scène une sociéte bouleversée par le transhumanisme. "Une puce électronique implantée dans le poignet peut servir à ouvrir une porte, à payer n'importe quel achat à toute heure du jour et de la nuit, mais aussi à faciliter la traque des individus et à mettre en danger la vie privée", soulignent les étudiants. 

En quête de managers créatifs, pas de devins

Mais ces projets qui explorent les limites des tendances actuelles poussées à l'extrême - flexibilité, uberisation, recherche sur le transhumanisme… - sans forcément remettre en cause le système d'aujourd'hui sont-ils vraiment novateurs ? Et ont-ils réellement vocation à exister ? "Non, répond Xavier Pavie, directeur du Centre iMagination. Le travail de 2035 ne sera pas ce qu'on a vu aujourd'hui, car personne n'est capable de prévoir l'avenir. Plus que la réponse à la question, ce qui m'importe, c'est la méthode", poursuit le professeur qui s'apprête à réitérer l'opération sur le campus de l'ESSEC de Singapour.

À travers ce programme transdisciplinaire, il ne cherche pas à former des devins, mais des chefs d'entreprise ou de futurs managers ouverts à la créativité, capables de travailler en équipes interculturelles et de restituer une idée. Des compétences qui, sans boule de cristal, devraient continuer d'être très utiles en 2045 !

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