Enquête

Grandes écoles : les jeunes diplômés les mieux payés ne sont pas les plus satisfaits

publié le 23 juillet 2012
1 min

L’édition 2012 de l’enquête CGE (Conférence des grandes écoles) sur l’insertion des jeunes diplômés s'est penchée sur leur degré de satisfaction à leur premier poste selon le secteur d’activité et leur niveau de salaire. Résultat ? On peut être aussi heureux dans l’agriculture que de la banque, moyennant 20.000 € de moins par an…

"Il n’y a pas de corrélation directe entre le niveau de rémunération et l’épanouissement au travail", constate Bernard Ramanantsoa, directeur général du groupe HEC Paris, à la lecture de la 20e édition de  l'enquête CGE. Une tendance qui cadre bien selon lui avec l’image de la "génération Y", qui ne choisit pas seulement son travail en fonction du salaire, mais aussi "d’autres critères…", tels que l’intérêt de la mission ou le cadre de vie. D'après la CGE, qui a demandé à 24.000 diplômés 2011 d’écoles d’ingénieurs et de management de se prononcer sur leur satisfaction au travail sur une échelle de 1 à 5 : les mieux payés ne sont pas les plus épanouis au travail, au contraire !

 
Les banquiers et les assureurs, bien payés mais pas très satisfaits

  

Démonstration avec les juniors dans la banque et l’assurance qui, malgré leurs 47.000 € brut annuels - soit tout de même 10.000 € de plus que la moyenne des jeunes diplômés visés par l’étude - affichent un "petit" 4,01 sur 5 de satisfaction, contre 4,06 en moyenne pour tous les interrogés. Un degré d’enthousiasme égal à celui enregistré dans l’agriculture, la sylviculture ou la pêche où l’on gagne 20.000 € de moins par an.

Autre exemple : avec 37.000 € brut par an (soit le salaire moyen empoché par les des grandes écoles), ils se déclarent plus heureux dans le BTP (4,20/5) et la métallurgie (4,18) que dans l’audit-expertise comptable (3,94) ou dans les "administrations" (3,89), qui traînent en queue de peloton. "Il existe dans certains de ces secteurs des métiers de très haute technicité, bien rémunérés et épanouissants", analyse Bernard Ramanantsoa.

Proportionnellement, l’énergie et l’immobilier émergent comme les secteurs à la fois les mieux rémunérés et les plus plaisants (respectivement 4,16 et 4,23). "Dans l’énergie, comme dans la construction, les jeunes diplômés des écoles d’ingénieurs ou de commerce évoluent en majorité sur des postes valorisants, dans des grands groupes, synonymes de stabilité et d’innovation", souligne Jean Pralong, professeur de gestion des ressources humaines à Rouen Business School et titulaire de la chaire "nouvelles carrières", pour expliquer cet attrait. "Ils développent des projets, c’est plutôt excitant !" Inversement, les domaines de l’éco-industrie et du tourisme-restauration cumulent des salaires et un niveau satisfaction très inférieurs à la moyenne…

 
"Faire contre mauvaise fortune bon cœur"
  

Est-ce à dire que la feuille de paie est vraiment accessoire pour qu’ils se sentent heureux au travail ? "Les recherches montrent qu’en général, plus on gagne d’argent, plus on est content. Toutefois, à partir d’un certain niveau d’originalité du poste, ou de décalage de salaire par rapport à ce qu’on avait envisagé initialement, on a tendance à faire contre mauvaise fortune bon cœur en rationalisant. On essaye de montrer a posteriori que la situation n’est pas si mal que ça !", souligne Jean Pralong. C’est le fameux concept de la "dissonance cognitive". Une théorie qui, selon lui, pourrait expliquer le taux de satisfaction relativement élevé des expatriés (4,14/5).

Outre des rémunérations très attractives (46.000 € brut annuels en moyenne d'après l'enquête), il s’agit aussi de vivre à fond une expérience pour laquelle on s’est battu. "Mis à part dans les grands groupes comme Total où c’est extrêmement valorisé, partir à l’étranger nécessite une réelle motivation pour un jeune diplômé, mieux vaut donc se convaincre que c’est vraiment bien !", note le chercheur. À titre d’explication, Pierre Tapie, directeur de l’Essec et président de la commission diversité à la CGE, évoque quant à lui l’excitation liée à la découverte d’un autre univers, et en moyenne des conditions de travail pour les cadres "plus simple et plus agréables qu'en France" : responsabilisation plus forte, plus grande proportion de pays en croissance rapide, respect de la compétence, etc.

 
Des différences aussi selon la fonction occupée dans l’entreprise
  

Au sein d’un même secteur, la CGE note aussi que la motivation varie selon le service intégré dans l’entreprise : service financier, juridique RH, production… Là aussi, "la satisfaction est […] très peu liée aux rémunérations", relève l’étude. Ainsi, globalement, les ingénieurs, qui sont moins bien payés sur un premier poste que les managers (36.500 contre 39.000 € environ) démontrent un enthousiasme supérieur à l’égard de leur travail.

De la même manière, les jeunes diplômés travaillant au sein de services administratifs, gestion, finance et comptabilité des entreprises se déclarent tout aussi satisfaits de leur job que les communicants, alors même que ceux-ci gagnent près de 15.000 € de moins chaque mois (environ 30.000 € contre 44.000 € brut) "Dans les études de satisfaction, les services commerciaux et marketing arrivent toujours dans les premiers, devant le développement et la production, qui affichent un moral moyen", remarque Jean Pralong. Ici, c’est dans le département de la maîtrise d’ouvrage où le salaire ne dépasse guère la barre moyenne des 37.000 € mensuels qu’on se dit le plus heureux, suivi par la R&D, la production-exploitation, les réseaux télécoms.

Inversement, les RH, remportent la palme en matière d’insatisfaction, suivies dans une moindre mesure par l’audit, l’informatique les études et le conseil…. "Les RH ont une image plus juridique, bureaucratique et pas forcément sympathiques. En effet, ce ne sont pas forcément elles qui vous annoncent les bonnes nouvelles !"

 

Les femmes plus nombreuses dans les filières moins bien notées

 

Moins bien notées par les jeunes diplômés, les RH sont aussi un secteur très féminisé, à l’instar du marketing, de la communication ou du luxe. Un constat, qui selon Pierre Tapie, peut nous aider à comprendre le différentiel de satisfaction entre les femmes, et en particulier les manageuses, et leurs homologues masculins, par ailleurs mieux payés.

"Dans les secteurs où elles sont représentées dans des proportions équivalentes à celles des hommes, comme le droit, l’audit ou la comptabilité, à poste égal, les filles sont payées de la même manière que leurs collègues masculins. Mais les femmes ont tendance à opter pour des secteurs ‘féminins’ souvent assez durs au quotidien et moins rémunérateurs. D’où le taux de satisfaction plus faible", souligne Pierre Tapie. Notons que chez les ingénieurs, où les filles restent minoritaires à l’exception des secteurs de la biologie, l’agronomie ou la biologie, la différence de satisfaction hommes/femmes est moins flagrante…

Même chez les femmes l’insatisfaction, s’il y a, reste relative. En effet, quel que soit le secteur représenté,  les scores affichés sont très élevés, souligne Jean Pralong. La preuve que les écoles de commerce et d’ingénieur "réussissent bien leur mission d’insertion, avec un niveau de salaire très supérieur à la moyenne !"


Lire l’intégralité de l’enquête 2012 Insertion jeunes diplômés de la CGE (pdf).


La vie plus douce en région
Un grand appartement en plein centre-ville et des week-ends de surf ou de ski ou un studio pour 700 € par mois en banlieue parisienne à une heure de train de son bureau ? Visiblement, pour les jeunes diplômés interrogés par la CGE, la réponse est toute trouvée. Que vous soyez managers ou ingénieurs vous affichez une claire préférence pour la vie en région, où vous vous dîtes proportionnellement mieux dans votre job qu’en Ile-de-France, même si les salaires sont moindres en Province. "La qualité de vie est meilleure en province, surtout pour un jeune diplômé dont le salaire dans certains secteurs, suffira difficilement à payer un loyer en région parisienne", constate Jean Pralong.

Que sont-ils devenus ?
Les jeunes diplômés restent-ils fidèles à leur première impression ? C’est la question que l’on se pose en parcourant l’étude de la CGE qui nous donne envie d’en savoir davantage sur la manière dont vous voyez votre travail après quelques années d’expérience. "Il serait intéressant de voir comment leur opinion évolue au bout de 5 ou 6 ans", reconnaît Bernard Ramanantsoa, directeur général du groupe HEC Paris.Un travail compliqué toutefois pour les grandes écoles qui ont du mal à garder le contact avec leurs anciens élèves… "Pour l’instant, nous n’avons pas à disposition ce type d’informations, mais nous menons une étude qui devrait bientôt nous permettre d’en savoir plus", précise Jean Pralong, professeur de gestion des ressources humaines à Rouen Business School.

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