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Reportage

Immersion dans un jury d'oral d'écoles de commerce : "Nous sommes là pour détecter le potentiel du candidat"

134 jurés extérieurs bénévoles ont été mobilisés lors des oraux de Kedge.
134 jurés extérieurs bénévoles ont été mobilisés lors des oraux de Kedge. © Agnès Millet
Par Agnès Millet, publié le 20 juin 2024
6 min

Du 10 juin au 1er juillet, les candidats post-prépa passent leurs oraux dans les écoles de commerce. Un exercice exigeant, pour lesquels vous vous êtes préparés. Mais qui est en face de vous ? Comment vos jurés sont-ils briefés ? Voici un instantané, après une journée d'immersion sur le campus bordelais de Kedge.

Comme chaque année, la période des oraux fait vibrer les écoles de commerce. Ce jeudi 13 juin, à Bordeaux, Kedge ne fait pas exception. Habillés de jaune, les élèves admisseurs guident les candidats et jouent à fond leur rôle d'animateurs en faisant résonner la pelouse au son de la fanfare. Les candidats, eux, restent concentrés sur leurs trois entretiens de l'après-midi.

Plus discrets, d'autres acteurs essentiels naviguent : ce sont les professeurs et les salariés de l'école, les alumni, les professionnels d'entreprise ou... les journalistes des jurys des oraux. Comment se prépare-t-on à ce rôle ? L'Etudiant vous raconte son expérience.

Des jurés diplômés ou partenaires entreprises

À Kedge Bordeaux, 2.700 candidats passent des oraux d'admission cette année. Ils sont près de 197 jurés extérieurs bénévoles à être mobilisés. "Nos diplômés sont motivés par le plaisir de recruter les futurs étudiants de leur école et de revoir leurs professeurs", détaille Julien Durand, responsable du service en charge de l'organisation des jurys.

Pour les jurés issus des entreprises partenaires, "il y a la curiosité de rencontrer les futurs étudiants. Certains sont aussi dans une logique de réseau, afin de repérer de futurs stagiaires ou pour tisser des liens pour ceux qui interviennent dans nos programmes", ajoute-t-il.

Ces jurés extérieurs forment des tandems avec les professeurs et les salariés de l'école dans les jurys d'oraux.

"Il est indispensable d'être deux. Les appréciations se complètent. Le fait d'avoir deux jurés évite tout doute potentiel sur l'évaluation, notamment si l'on tombe sur un candidat que l'on connait ou dont la tête ne nous revient pas. En réduisant la subjectivité, on évite les grandes erreurs d'évaluation. Il est très rare qu'il y ait de vraies divergences d'appréciation", témoigne Armand Bajard, directeur du département management des opérations et systèmes d'information, à Kedge. Également professeur de finance d'entreprise et de comptabilité financière, il est juré depuis une quinzaine d'années.

Les candidats avant les oraux.
Les candidats avant les oraux. © Agnès Millet

Se former au rôle de juré

Reste à sensibiliser ces intervenants extérieurs à l'exercice. À Kedge, ils peuvent suivre un webinar, 15 jours avant les oraux.

'Nous avons présenté les nouvelles modalités de notre oral, le Révélateur, qui se base sur cinq cartes. Ils pouvaient tester en ligne le déroulement et consulter une vidéo de simulation d'entretien", ajoute Julien Durand. La veille de l'oral, un mail est envoyé au juré, pour rappeler les consignes.

Le jour J, les jurés écoutent attentivement un court briefing de Céline Hay, la directrice du programme grande école.

L'oral demeure un moment solennel. "Les jurés sont invités à fournir un effort pour leur tenue. Ils représentent l'école et doivent véhiculer une bonne image. Il est également indispensable d'être hyper ponctuel et de respecter la durée de 30 minutes pour chaque candidat", rappelle Julien Durand.

La vigilance est de mise. "Ne concluez pas un entretien en disant 'très bien'. C'est un automatisme mais le candidat analyse tous vos mots. Si vous terminez en disant 'parfait', il peut l'interpréter en se disant qu'il a 20/20", explique ainsi Céline Hay durant son brief.

Chercher le potentiel de chaque candidat

Les connaissances ont déjà été évaluées lors des épreuves écrites. À l'oral, ce sont vos expériences et votre personnalité qui sont au centre. Pour dépasser les discours trop préparés et uniformisés, l'école propose, en 2024, un nouveau format d'oral basé sur un jeu de cartes, le Révélateur. Tirés au hasard, cinq éléments – un verbe, une expression ou une phrase - structurent l'oral.

L'exercice est délicat : il faut se raconter et montrer sa motivation, tout en revenant aux cinq cartes étalées sur la table. Pas d'inquiétude : le jury est là pour vous guider.

"Sur votre parcours et vos expériences personnelles, le jury creuse les sujets que vous abordez : c'est le candidat qui oriente l'entretien. Donc, ne parlez pas de ce dont vous ne voulez pas parler. En revanche, sur votre formation et vos projets d'études, le jury peut se permettre des questions plus précises", explique Armand Bajard.

"Nous sommes là pour détecter le potentiel du candidat : il ne faut pas simplement s'arrêter au déclaratif et à ce qu'il exprime de prime abord", confirme Julien Durand.

Pas de mise sous pression

La règle première, pour le jury, est d'être bienveillant. "Avant, il y avait une logique de mettre le candidat sous pression pour voir comment il résistait. Cela a radicalement changé et c'est une bonne chose", témoigne Armand Bajard.

"À l'instant T, le juré aussi peut être dans de mauvaises conditions. L'intelligence relationnelle doit être là : c'est aux jurés d'être professionnels et de laisser leurs soucis à l'extérieur", précise Julien Durand, le responsable de l'organisation des jurys.

Bien loin de la logique du bon et du mauvais flic, les jurés doivent aider chaque candidat à être au meilleur de lui-même. "Ils ont passé du temps à se préparer. Les jurés doivent toujours l'avoir en tête et faire preuve d'empathie. Il faut être capable de mettre le candidat dans de bonnes dispositions, pour l'évaluer le mieux possible. Si un candidat est stressé et qu'on n'arrive pas à le mettre en confiance, on ratera peut-être un super étudiant", ajoute le professeur.

Il complète : "Nous sommes gagnants si le candidat choisit Kedge parce que c'est celle qui lui convient le mieux et qu'il s'y sentira bien. Les oraux leur permettent de sentir s'ils ont un bon contact avec les étudiants et le jury, et s'ils se projettent sur notre campus".

Un exercice difficile mais une évaluation cohérente

Les candidats sont bien entrainés, mais il s'agit d'un concours. Côté juré, on reste à l'écoute de chacun : il faut prendre des notes, pour poser des questions pertinentes au candidat et garder une trace, en cas de demande ultérieure.

Et, bien sûr, il faut évaluer : l'adéquation entre le profil, le projet du candidat et l'offre de l'école mais aussi l'originalité, les qualités oratoires et l'adaptabilité… Ensuite, les deux jurés confrontent leur regard et prennent le temps de peser chaque élément.

Cette évaluation s'ajoutera aux oraux de langues et sera prise en compte dans la décision d'admission. Un enjeu de poids, donc, mais qui dépend également des prestations des autres candidats.

Donc, respirez, croyez en vous et restez concentré… Dans quelques années, vous serez peut-être de l'autre côté de la table.

L'ambiance à Kedge Bordeaux entre les oraux.
L'ambiance à Kedge Bordeaux entre les oraux. © Agnès Millet

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