Reportage

Oraux des écoles de commerce : dans la peau d’un juré d’admission

C'est sans connaître leurs notes à l’écrit que les candidats à l'ESSCA passent les oraux du concours. Suspens...
C'est sans connaître leurs notes à l’écrit que les candidats à l'ESSCA passent les oraux du concours. Suspens... © Émilie Weymants
Par Émilie Weynants, publié le 30 mai 2017
1 min

Durant toute une journée, nous avons assisté aux oraux d'admission de l’ESSCA, une école de commerce située sur le campus d’Angers. Une immersion totale pour découvrir les coulisses du recrutement en grande école.

8 h 30. Ce 16 mai 2017, c'est la troisième journée d'admission à l'ESSCA, l'école supérieure des sciences commerciales d'Angers. Des étudiants de troisième année accueillent les jurés. Avec leurs t-shirts rouges, ils forment la "team contact", également chargée de guider les candidats sur le campus, de les informer sur les études ou la vie extra-scolaire, et de les rassurer quant aux épreuves à venir. Pour les jurés, rendez-vous au deuxième étage.

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9 h 10. La présentation est terminée. La soixantaine de jurés rassemblés pour la journée a été briefée par Samir Ayoub, le directeur académique de l'ESSCA pour le PGE (programme grande école). Les candidats concourent aujourd'hui pour rejoindre la formation, dispensée en cinq ans après le bac. Pour en arriver là, ils ont dû passer la première étape du concours Accès, commun à trois écoles : l'ESDES (Lyon), l'IESEG (Lille, Paris) et l'ESSCA (Angers, Boulogne-Billancourt mais aussi Aix-en-Provence, Bordeaux et Lyon, trois sites ouverts à la rentrée 2016).

Quatre épreuves obligatoires composent l'écrit : synthèse, raisonnement logique et mathématiques, ouverture culturelle et anglais. Édouard, lycéen de terminale ES rencontré lors des admissions, a aussi opté pour une épreuve facultative de LV2, histoire de gagner des points. Et ce, "même si je ne suis pas très bon en espagnol".

Test : Êtes-vous fait(e) pour une école de commerce postbac ?

Il fait ainsi partie des 5.000 candidats qui se sont présentés à l'écrit. 2.400 ont été retenus aux admissions. 800 intègreront l'un des cinq sites de l'école, en septembre. À Angers, 250 places sont ouvertes aux élèves de terminale, qui représentent 96 % des admissibles, ou aux bacheliers. "À l'oral, on ne teste pas les connaissances ou la culture générale du candidat. On va chercher son potentiel", insiste Samir Ayoub devant son assemblée composée d'entrepreneurs, d'anciens élèves, de personnels de l'école, de professeurs, de journalistes... Les jurys sont organisés en binôme dont au moins un "collaborateur ESSCA". C'est aux côtés de Carol Chaplais, ancienne directrice des relations internationales, que je vais avoir "la lourde responsabilité de recruter la nouvelle promotion". Aujourd'hui, sept candidats passent devant nous.

Un entretien collectif pour commencer

9 h 30. L'ESSCA est l'une des rares écoles de commerce à organiser son oral d'admission sur une journée. C'est l'entretien collectif qui ouvre le bal. Ici, on attend tout le contraire de ce qui peut être le fruit d'une certaine préparation. "Attention au manque de spontanéité", prévient Samir Ayoub.
Guillaume, Tony, Astrid, Léo-Paul, Marion, Pierre et Gauthier s'installent autour des tables disposées en rond, dans la salle C116. Carol Chaplais a apporté un petit minuteur rouge. Le temps est compté. Pour cette épreuve, les candidats ont 30 minutes pour débattre et 10 minutes pour réfléchir, à l'écrit, sur leur prestation et le fonctionnement du groupe. "Ici, le jury n'intervient pas, on laisse les candidats ouvrir et mener le débat", annonce Carol.

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Tic-tac, tic-tac... Seul le bruit de l'horloge fend le silence. Puis Astrid ose. La sociabilité, la créativité, l'autorité et l'analyse sont évaluées. Les jurés n'ont qu'à remplir la grille qui leur a été remise. Les profils s'affirment. Deux candidats prennent le dessus... Un peu trop ? D'autres sont plus en retrait. "Attention à ne pas casser les élèves effacés en collectif, a insisté Samir Ayoub. Cela ne veut pas dire qu'ils sont mauvais."
S'il est impossible, au fil de la journée, de revenir sur la note des épreuves, une note "d'impression générale" permet de rééquilibrer l'évaluation. "On n'a pas le temps de stresser pour cette épreuve, apprécie Nicolas, en terminale S au lycée Jean-Baptiste Say, à Paris. J'étais plutôt timide au début. On ne sait pas trop par où commencer, puis au fil du temps, la discussion s'installe."

"Le bonheur est-il un droit ?" en 10 minutes

11 h. Les entretiens individuels commencent. Les candidats enchaînent argumentation et motivation. Pour la première épreuve, de dix minutes, "certains sujets ne sont pas évidents à traiter", reconnaît Samir Ayoub. Il dresse le portrait d'une argumentation réussie : un excellent plan, une bonne structure, un candidat qui soutient son argumentaire et qui présente son opinion personnelle pour conclure. Sont ici pris en compte : le contenu, la communication et la maîtrise du temps.

Le candidat fait face aux deux jurés qui, une fois encore, restent muets pendant la présentation. C'est l'épreuve la plus redoutée d'Audrey, élève de terminale à Saint-Germain-en-Laye (78). "On peut vite paniquer si on ne sait pas. On ne peut pas se défendre comme à l'entretien de motivation."
Les jambes et les mains tremblent. La voix est hésitante face à des sujets comme "Le bonheur est-il un droit ?", "Le travail est-il une contrainte ?", "Les images ont-elles plus de sens que les mots"... Tony déroule son argumentaire parti d'une citation de Jeff Bezos, le PDG d'Amazon, puis perd le fil. Avant de raccrocher les wagons avec brio.

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L'orthographe à revoir

12 h 30. C'est la pause déjeuner. Alors, comment c'était ce matin ? "Ils étaient plutôt bons, s'enthousiasme une responsable de magasin, juré pour la première fois. C'était assez équilibré dans notre groupe composé de deux filles et de quatre garçons." "Un candidat avait indiqué sur son dossier personnel (rempli en tout début de journée) ne pas aimer ni l'Italie, ni l'Espagne. Dès qu'il a entendu mon accent, il a adapté un peu son discours !", rapporte une enseignante italienne, qui assure quatre journées d'admission cette année.

Rapidement, c'est autour de l'orthographe que la discussion s'installe. "Asi", "j'ai étais", "mois" (au lieu de moi)... Dans les dossiers, les fautes sont nombreuses et énormes ! "C'est souvent comme cela", a constaté un juré. "Un de mes binômes, expert en ressources humaines, a encouragé les candidats à jeter un œil au Projet Voltaire", raconte Carol.

En garder sous le pied

14 h. Comme à 11 h, les face-à-face reprennent. Une demi-heure est consacrée à évaluer la motivation des étudiants. "Il faut réserver le même temps aux candidats passionnants et aux autres", a défendu Samir Ayoub, le directeur académique. A-t-on passé un moment agréable ? Quelle est la capacité du candidat à prendre des responsabilités, à s'investir ? Comment ses voyages lui ont-ils profité ? Telles sont les questions que doivent donc se poser les examinateurs.

"J'ai essayé de ne pas tout mettre sur le dossier remis aux jurés pour développer des points à l'oral", explique Guillaume, venu de Lausanne, en Suisse, et très intéressé pas la dimension internationale de l'école. Séverine ne garde pas un bon souvenir de l'entretien individuel passé à l'IESEG quelques jours plus tôt. "J'ai peur des questions déstabilisantes."

18 h. Les derniers oraux individuels se terminent. Le campus retrouve son calme. Les candidats refont le schéma de cette journée dans leur tête, les jurés aussi. La totalité des épreuves orales est notée sur 200. Résultats le 1er juin.

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