Témoignage

Le concours d’entrée de l’école 42 : "Une expérience magique et monstrueuse"

L'Ecole 42 et HEC proposent depuis la rentrée 2015 une spécialisation commune en entrepreneuriat digital.
Un mois d'épreuves : le prix à payer pour entrer à 42. © William Beaucardet
Par Paul Conge, publié le 03 octobre 2016
1 min

Alors que les premiers “bébés Niel” sont sortis diplômés en 2016 de l'école 42, les nouvelles générations se pressent au portique de cet OVNI de l’apprentissage. Gabriel, 18 ans, a réussi le concours de la “piscine”. Une immersion d’un mois à base de 14 heures de code par jour. Témoignage et conseils.

L'école 42, située dans le XVIIe arrondissement de Paris, grouille de monde en ce mois de juillet 2016. 3.000 candidats vont défiler pendant quatre semaines dans ce temple du code, fondé par Xavier Niel, le patron de Free, pour passer des épreuves déroutantes. Destiné à tous les futurs génies de l'informatique, avec ou sans le bac, le concours, comme la scolarité, est gratuit pour ces "bébés Niel" âgés de 18 à 30 ans.

"Je n'avais jamais touché une ligne de code"

Ces apprentis développeurs sont présélectionnés après de premiers tests de logique en ligne, et deux heures de mini-jeu qui mesurent leurs performances. A 42, ils planchent chaque jour sur des épreuves de code de plus en plus complexes. Un plongeon d'un mois, qu'ils nomment la "piscine". Pour en être, nul besoin de diplôme ni de connaissances de code particulières. "La seule qualité requise, c'est d'avoir un cerveau qui fonctionne un minimum", explique Gabriel, 18 ans et un bac STMG en poche, qui a réussi ce rite de passage. Il y a trois ou quatre sessions de piscines pendant l'été.

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"Les "piscineux" travaillent environ 14 heures par jour. On dort à quelques pas de nos ordis. Dès la première semaine, ce sont des centaines de candidats qui abandonnent. Comme beaucoup d'autres, je suis parti de zéro. Avant d'arriver, je n'avais presque jamais touché une ligne de code." 

Pourtant, Gabriel fait partie des heureux élus de 42. "Cet examen, c'est à la fois une préparation et une sélection continue. On arrive à 3.000. À la fin, 300 ou 400 d'entre nous sont pris. Mais il n'y a pas vraiment de nombre précis : l'école prend les profils qui lui conviennent."

13 "Days", des exercices de plus en plus durs

 A l'arrivée, les "piscineux" sont lâchés dans l'espace de travail sans instructions. Juste un login et un mot de passe pour se connecter aux ordinateurs iMac. "J'étais un peu tout seul en arrivant. On m'a donné l'exercice "Day 0", où on nous demande des commandes en chaîne. J'ai galéré à chercher les réponses sur Internet, à demander aux voisins d'à côté...", se souvient Gabriel. À 42, on est dans l'antre de la fameuse pédagogie pair-à-pair (peer-to-peer). Comprendre : plus besoin de professeurs ou d'équipe pédagogique. Le savoir se trouve par soi-même, sur Internet ou avec ses camarades de classes. Adopter cette mentalité, c'est élargir ses chances de réussite. "Ceux à qui j'ai parlé sont restés mes partenaires de groupe pendant toute la durée de la piscine. Une grande partie a été sélectionnée", explique-t-il.

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"Pour le premier exercice, on devait modifier les permissions d'accès à un document à partir de commandes Shell. Ensuite, cela se complexifie à chaque fois. Au départ, certains exercices sont faits pour savoir si on peut se déplacer dans un ordinateur de base", se rappelle Gabriel. 

Sur les 13 "Days" que comptent le concours, les "nageurs" en résolvent autant que possible. Au "Day 5", il y a 24 exercices, chacun affecté d'un pourcentage, il faut en valider 17 pour passer au "Day 6". Mais ce n'est pas un schéma absolu : à d'autres piscines, on peut passer d'un Day à l'autre. Le rythme s'accélère : au "Day 9", il faut résoudre un exercice par heure pendant 24 heures.

Corrigé par deux "humains" et un serveur

Tout comme la pédagogie, la correction des épreuves se veut peer-to-peer. Les candidats ont aussi une casquette de correcteur. "Une fois le "Day" terminé, il doit d'abord être corrigé par deux "humains". En fait, on a un porte-monnaie électronique de correction : on dépense un point quand on demande une correction, on en gagne un quand on corrige quelqu'un." Il faut donc corriger les autres pour pouvoir continuer les épreuves. Ensuite, le code est relu et vérifié par le serveur de l'école. À la moindre erreur, de signe ou de logique, le serveur met zéro.


Les week-ends, ils travaillent sur des projets de programmation. Avec un coéquipier, Gabriel doit par exemple réaliser un solveur de Sudoku. Le code de la petite équipe finit en "timed out". Il testait trop de possibilités et a planté. Son équipe décroche un score de 66 sur 100, avec les points bonus.

Une dernière épreuve plus poussée

Après trois semaines de sueur, arrive la dernière épreuve, appelée "BSQ". En binôme, on y résout un long exercice de programmation ardu. "Sans équipier, ce n'est pas vraiment réalisable pour quelqu'un qui n'a jamais codé, juge Gabriel. À l'école Epitech, ils font quelque chose de similaire en un an."

Le casse-tête, ce jour-là, se présente sous la forme d'une grille avec des points répartis à l'intérieur des cases. Il faut créer un code qui permette d'élaborer le plus grand carré possible entre les points. Simple en apparence. En réalité, les jeunes codeurs se cassent les dents sur ce mélange de mathématiques et d'algorithmique. 

"À force de ne pas dormir, j'ai eu des hallucinations"

Un mois non-stop, ce tempo est assez éprouvant. "Le plus dur, c'était à la fin de la 1re semaine. Je n'avais aucune connaissance en code, je n'avais pas bien incrémenté le rythme... Je manquais tellement de sommeil que j'avais des hallucinations". L'étudiant, finalement accepté à l'école, estime aujourd'hui que ce plongeon lui a beaucoup apporté : "C'était une expérience magique. J'ai adoré. La majorité des gens qui sont intéressés par le codage devraient essayer, parce que c'est monstrueux. On a appris énormément de choses en même temps. Evidemment, c'est une expérience propre à moi-même, elle sera différente pour chacun." La rentrée est pour novembre.

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