[Article initialement publié le 25 mai 2018, mis à jour le 16 avril 2020]. En dehors des formations reconnues par la profession et des écoles privées, une troisième option, peu coûteuse, se développe pour les journalistes en herbe : l’université. Il existe une quinzaine de ces cursus, répertoriés par l’Etudiant.
Alors qu’elle pensait passer les concours des écoles reconnues à l’issue de sa licence d’info-com à l’université Paris 8, Kelly découvre l’existence d’une licence professionnelle dans sa fac. Son intitulé : techniques journalistiques pour les nouveaux médias. "Je n’avais pas envie de faire de longues études et le côté pratique et multimédia de la licence m’a donné envie", raconte-t-elle. Diplômée en 2015, la jeune journaliste explique ne pas avoir eu trop de difficultés à trouver du travail à l’issue de sa licence : son stage de fin d’études a débouché sur des piges régulières.
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Multimédia, science, histoire : à chaque cursus sa coloration
En dehors des établissements reconnus par la profession, il existe désormais une quinzaine de formations universitaires, un peu partout en France, avec plusieurs niveaux d’entrée. Pour les bacheliers, l’IUT (Institut universitaires de technologie) d’Allier, à Vichy, recrute pour son DUT (diplôme universitaire de technologie) information-communication option journalisme. Pour les titulaires d’un bac+2, plusieurs licences pro sont possibles, dont celle choisie par Kelly à Paris 8.
Au niveau du master, une dizaine de formations, plus ou moins spécialisées, sont répertoriées : elles vont du master de journalisme généraliste de l’université de Cergy-Pontoise au master de journalisme scientifique à l’université Paris-Diderot. La culture, l’audiovisuel, le multimédia, la science, l’histoire, à chaque cursus sa coloration. Attention donc lors de votre choix, de prendre la spécialisation qui vous correspond le mieux ! Et ces parcours ont des avantages certains : un accès possible à tous les niveaux d’études et des tarifs allant de 189 € (licence) à environ 400 € (master). Pour des formations automatiquement reconnues par l’État.
Les formations universitaires en journalisme non reconnues
Établissement/ Ville | Diplôme | Niveau d’entrée/Niveau de sortie | Frais de scolarité (première année) | Alternance |
---|---|---|---|---|
IUT d’Allier (Université Clermont-Auvergne)/Vichy | "DUT information-communication, option journalisme | Bac/DUT (bac+2) | 184 € | Non |
Université Clermont-Auvergne/Vichy | Licence professionnelle métiers de l’information : métiers du journalisme et de la presse – journalisme de proximité et environnement numérique | Bac+2/Licence pro | 184 € | Non |
Université Vincennes-Saint-Denis Paris 8/Saint-Denis | Licence professionnelle métiers de l’information : métiers du journalisme et de la presse – techniques journalistiques pour les nouveaux médias | Bac+2/Licence pro | 184 € | Non |
Université de Valenciennes et du Hainaut-Cambrésis/Valenciennes | Licence professionnelle journaliste rédacteur d’images et de son | Bac+2/Licence pro | 184 € | Possible (contrat pro) |
Université de Lorraine/Metz et Nancy | Licence information-communication, parcours journalisme (spécialisation en L3) | Bac – bac+2 pour le parcours/ Licence | 184 € | Non |
Université de Cergy-Pontoise/Gennevilliers | Master journalisme | Bac+3/Master | 256 € | Possible (contrat pro) |
ICOM (université Lumière Lyon 2)/Bron | Master nouvelles pratiques journalistiques | Bac+3/Master | 256 € | Non |
Université de Lorraine/Metz | Master journalisme & médias numériques | Bac+3/Master | 256 € | Non |
Université de Lille/Villeneuve-d’Ascq | Master information et médiation scientifique et technique, parcours journalistes et scientifiques | Bac+3/Master | 256 € | Non |
Université Paris-Nanterre/La Défense | Master arts, lettres, langues, mention humanités et industries créatives – parcours : journalisme culturel | Bac+3/Master | 256 € | Non |
Université Paris-Diderot/Paris XIIIe | Master cinéma, documentaire, médias, spécialité journalisme, culture et communication scientifiques | Bac+3/Master | 256 € | Non |
Université de Montpellier/Montpellier | Master métiers du journalisme | Bac+4/Master | 256 € | Possible |
Université Sorbonne Nouvelle/Paris (Ve) | Master professionnel journalisme culturel | Bac+4/Master | 256 € | Possible (contrat pro) |
Master 2 professionnel journalisme franco-allemand | Bac+5/Master | 256 € | Non | |
Master 2 langues, littératures et civilisations étrangères et régionales, spécialité journalisme européen | Bac+6/Master | 256 € | Non | |
Université catholique de Lille/Lille | Master histoire, parcours journalisme et documentation | Bac+3/Master | De 5.890 à 9.990 € (selon revenus parents) | Non |
Montrez-vous curieux et motivé
En revanche, si ces formations ne sont pas aussi difficiles d’accès que celles des écoles reconnues, elles demeurent sélectives, notamment à partir de bac+3. 150 candidats ont postulé pour intégrer le master de journalisme généraliste de l’université de Cergy-Pontoise à la rentrée 2020, pour 18 places. Après un examen du dossier, les candidats peuvent être soumis à des écrits de rédaction, d’actualité ou de culture générale, puis à un oral face à des enseignants et des journalistes en activité. "Nous essayons de déterminer la motivation du candidat, si son projet professionnel est suffisamment précis et, surtout, s’il est en adéquation avec ce qu’offre le master", explique Franck Rebillard, responsable du master de journalisme culturel de l’université Sorbonne-Nouvelle.
Hugo, lui, s’est tourné vers le master de journalisme culturel à l’université Paris-Nanterre, séduit par les longues périodes de stages proposées. Lorsqu’il postule, ils sont une cinquantaine de candidats pour 12 places. "À l’écrit, il y avait une dissertation sur les médias. Puis, pour l’entretien de motivation, j’ai dû me présenter pendant dix minutes, puis répondre aux questions du jury. Tout s’est passé assez simplement. Mon conseil : se montrer curieux. Si vous avez une passion, un blog, il faut le mettre en avant pendant l’oral", suggère Hugo, sorti l’an dernier, qui pige désormais pour "Politis".
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Hugo était issu d’une formation pluridisciplinaire, avec la licence Humanités de Nanterre. Mais tous les parcours ont leur chance. "Un tiers de nos étudiants vient d’une filière information et communication, un tiers de lettres modernes ou de classes préparatoires littéraires et le dernier tiers d’autres cursus : le droit, la philosophie, les sciences ou une formation à l’étranger. Ce que nous recherchons avant tout, c’est la passion de l’information. Nous apprécions par exemple les expériences autodidactes, associatives ou les créations de webzines, qui sont des preuves de motivation et d’engagement", souligne Franck Rebillard, de Paris 3.
"Chaque année, nous recrutons des étudiants qui sont passé par des BTS, notamment d’info-com ou des DUT pour faire une licence pro ensuite. Sociologiquement, ils sont intéressants", explique pour sa part Jean-Claude Lescure, le responsable du cursus du master de journalisme généraliste de l’université de Cergy-Pontoise. Les études supérieures sont une nouveauté pour les milieux sociaux dont ils issus. Ils sont les premiers de leurs familles à y accéder".
Théorie et pratique
Une fois les oraux passés et l’inscription faite, viennent les cours. Et si la théorie conserve une place de choix dans ces formations universitaires, la pratique est elle aussi mise en avant. Attention, le programme varie d’une formation à l’autre. "Dès la première année, nous avons abordé tous les types de médias via des cours pratiques qui représentaient les trois quarts du cursus. En télé et radio, nous partions sur le terrain en duo pour produire un sujet, pendant une journée, pour tourner, enregistrer et monter, comme en rédaction", explique Gaëlle, diplômée du master nouvelles pratiques journalistiques de Lyon 2.
En revanche, en termes de matériel, tout dépend de la fac. "Il est certain que nous manquions de moyens techniques par rapport aux écoles, nous n’avions qu’une caméra pour 12 étudiants, par exemple. Il fallait se débrouiller avec ce qu’on avait, mais nos intervenants étaient de qualité. Et en sortant du master, tous les élèves savaient écrire un article et réaliser un sujet", souligne Hugo, de Nanterre.

La longueur des stages varie d’un établissement à l’autre, là aussi, renseignez-vous sur le cursus qui vous donne envie, selon votre profil. Davantage de stages signifie plus de temps dans une rédaction, au contact de professionnels, mais aussi moins de cours.
Convaincre davantage les recruteurs
En revanche, contrairement aux écoles reconnues, ces étudiants ne bénéficient pas de réseaux d’anciens influents et peuvent moins compter sur la renommée de leur formation pour s’insérer. "À l’université comme ailleurs, les formations peuvent être différentes les unes des autres, avec des budgets, des réseaux professionnels, un suivi de l’insertion professionnelle et des encadrements variés. Elles n’ont pas la réputation, la “marque” de certaines écoles. Je conseille donc de discuter avec les responsables et les anciens étudiants pour en savoir plus sur chaque cursus", avertit Emmanuelle Reungoat, responsable du master de journalisme de l’université de Montpellier (34).
Les étudiants doivent se dépasser pour convaincre les recruteurs. Si la tâche est parfois ardue, certains s’en sortent bien. Camille, 24 ans, fraîchement diplômée du master de journalisme de l’université de Lorraine, a ainsi signé son CDI (contrat à durée indéterminée) dans un hebdomadaire à Metz. Cependant, elle est consciente qu’un diplômé d'université gagnera à s’armer aussitôt que possible pour affronter le marché du travail : "Au cours de la formation, il faut faire un maximum de choses de son côté : devenir pigiste, avoir un blog et surtout mettre à profit la liberté et le temps qu’offre la fac pour creuser une réflexion sur des sujets et glaner des contacts pour son réseau. En gros, ne pas tout miser sur ce qui est offert dans le cadre de la formation et créer sa propre chance", insiste la jeune journaliste.
Soyez force de propositions
Même conseil de Cyril, désormais pigiste à Euronews. Ce diplômé de l’ICOM à Lyon 2 met en garde ses successeurs : "C’est sûr, avec ce parcours, il ne faut pas attendre que cela tombe du ciel, il faut être force de propositions, construire sa carrière, chercher ceux qui pourront aider, trouver soi-même ce que l’on aime, sans le confort d’une grande école qui met plusieurs options sur la table", prévient-il.
Tout cela paie : Cyril se déclare aujourd’hui heureux de son métier. De son côté, Camille, de l’université de Lorraine, insiste : "Il ne faut pas non plus se décourager. On nous a beaucoup répété que ce serait difficile, car nous ne sortons pas d’une école reconnue. Mais c’est à nous de nous construire par et pour nous-mêmes. Il faut mettre à profit les atouts que la fac nous apporte comme un bon bagage culturel, une façon de questionner le monde et ce côté moins formaté qui aide à penser en dehors des cadres." De quoi former de futurs professionnels aguerris. Ne reste plus qu’à voir si l’aventure vous tente.