Reportage

Au cœur de la Catho de Lille : immersion dans la pédagogie innovante

Au cœur de la catho de Lille // © UCL
La Catho de Lille accueille 26.000 étudiants dans ses bâtiments pour la plupart de style gothique. © UCL
Par Sophie Blitman, publié le 12 octobre 2015
1 min

Avec ses arcades gothiques, l'architecture de l’Université catholique de Lille évoque le sacré et le passé. Un décor qui contraste avec le médialab, les salles de codesign et de coworking, où étudiants et professeurs expérimentent de nouveaux apprentissages.

Des tablettes, une caméra de visioconférence, des tableaux magnétiques et des claustras (petits panneaux mobiles qui servent à la fois de tableau blanc et de cloison pour isoler un groupe), sans oublier les inévitables Post-it, utilisés lors des sessions de design thinking... Bienvenue au learning lab de l'Université catholique de Lille, une salle expérimentale hyperconnectée dans laquelle les professeurs réinventent l'enseignement : cours et examens en classes inversées (les étudiants travaillent leurs cours en amont) en économie, mise en place de l'examen classant national par voie numérique en médecine en 2016, création de wikiradios... "80 enseignants sont aujourd'hui concernés", estime le président-recteur de la Catho, Pierre Giorgini, qui se félicite qu'au total "30 % des étudiants [soient] confrontés à des pédagogies expérimentales".

Des cours en mode "do it yourself"

Parmi les étudiants impliqués par ces nouvelles pédagogies, ceux de L3 (licence 3) sciences de la vie qui vont construire eux-mêmes six chapitres de génétique, sous la houlette de Jean-Charles Cailliez, vice-président innovation et développement de la Catho et directeur du LIP (laboratoire d'innovation pédagogique). "J'ai transformé le cours en une petite entreprise dont je suis le DG [directeur général, NDLR], s'amuse l'enseignant. Définitions, exemples, schémas, films... Les étudiants font tout, moi j'anime et je donne des consignes, en passant d'une business unit à l'autre."

Les paillasses d'une ancienne salle de TP (travaux pratiques) ont été réorganisées en petits îlots ; chacun est doté d'un ordinateur connecté à Internet et relié à un écran de projection de manière à permettre le travail en groupe. Actifs et producteurs de savoirs, les étudiants font des recherches, échangent et réfléchissent à la manière dont les gènes s'expriment ou dont les bactéries se multiplient. "Un prof 'normal' aurait expliqué le mécanisme au tableau puis aurait interrogé les élèves pour savoir s'ils avaient bien compris. Là, on est dans un travail collaboratif, qui va même un peu plus loin que la classe inversée classique, puisqu'il intègre l'approche du DIY ('do it yourself')", détaille Jean-Charles Cailliez.

Un labo dans un appartement connecté

Non loin de là, les élèves ingénieurs de la Catho ne sont pas en reste, eux qui bénéficient des Adicode (ateliers de l'innovation et du codesign), créés en 2010 par les écoles du groupe HEI-ISA-ISEN. Le principe ? Les étudiants travaillent à plusieurs, au sein d'équipes pluridisciplinaires, sur des projets réels d'entreprise auxquels ils doivent apporter une réponse innovante : conception d'un instrument de musique atypique, valorisation des déchets organiques issus du lin, amélioration de l'ergonomie d'un poste de travail...

Pour stimuler les collaborations, des espaces ont été aménagés avec des ordinateurs et des tablettes, parfois des rideaux pour isoler un groupe, ainsi que du mobilier Steelcase, facilement modulable. Sans oublier le coin cuisine et le baby-foot pour la touche de convivialité.

Sur le site universitaire Vauban (nom d'un quartier de Lille), le petit fablab et le centre de codesign peuvent aussi accueillir des cours, tandis que dans le bâtiment d'Euratechnologies, implanté à proximité d'un parc d'entreprises informatiques et de start-up, un laboratoire de recherche est en train de se mettre en place sous la forme d'un appartement connecté.

Dans les deux cas, l'idée est que les étudiants s'approprient les lieux et "phosphorent entre eux", selon les termes de Céline Dubois-Duplan, responsable des Adicode. Pour qu'ils deviennent, une fois diplômés, capables d'innover en entreprise. Après les élèves ingénieurs, l'objectif de la Catho est d'étendre le projet aux étudiants des facultés et de l'IESEG School of Management (campus de Lille) à la rentrée 2015.

Des bâtiments réinventés par les étudiants

Petit à petit, les projets innovants se diffusent au sein de l'université, amenant une transformation physique du campus. Parmi les nouveaux lieux imaginés par la Catho, ce bâtiment dédié aux masters du Rizomm. Inauguré en décembre 2014, le bâtiment est "volontairement inachevé afin que les usagers, étudiants et enseignants, nous fassent part de leurs besoins car nous sommes dans une démarche émergente", fait remarquer Pauline Huchette, la responsable du projet du Rizomm.

Ici et là, des salles de réunion, souvent des espaces ouverts, sont mises à disposition de tout un chacun avec, toujours, des prises et un écran pour connecter son ordinateur. Au fond du couloir, la salle Rousseau, forte de ses 200 m2 modulables à l'envi, doit permettre d'accueillir aussi bien des petites équipes planchant sur un projet que des conférences magistrales.

C'est là que sont regroupés les quelque 200 étudiants des masters de sciences et d'économie, les deux facultés ayant fusionné à la rentrée 2014. Objectif : mieux faire face à la concurrence des écoles d'ingénieurs et de commerce. "Nous voulons conserver notre identité universitaire, tout en proposant des services et des lieux comparables à ce qui fait l'atout des écoles", explique Pauline Huchette. Et de constater que de plus en plus d'entreprises sont demandeuses de nouveaux profils, ouverts sur plusieurs domaines de compétence. "Nous souhaitons, poursuit-elle, que les masters existants comportent 80 % de cours de spécialité et 20 % de projets communs à différentes formations. Nous envisageons aussi de créer des masters pluridisciplinaires."

L'économie s'apprend en chanson

S'ouvrir à d'autres disciplines : telle est aussi la philosophie d'une formation de niche ouverte en 2013 : la licence internationale d'économie. Outre la gestion et l'économie (enseignées en français et en anglais), ainsi que les langues vivantes, les étudiants pratiquent la photo, l'improvisation théâtrale et le dessin en première année, la vidéo et le chant en deuxième année. "Au total, la créativité artistique représente un quart des crédits ECTS [European Credit Transfer System]", résume Didier Van Peteghem, responsable de la licence et directeur de l'innovation pédagogique de la FGES (faculté de gestion, économie et sciences).

Une dimension "beaucoup plus développée dans le monde anglo-saxon", observe-t-il, espérant que "cela ouvre à nos étudiants les portes de prestigieux masters dans des universités étrangères".

Acquérir des compétences professionnelles dès la licence

Côté pédagogie, la formation comporte à peine vingt heures en face-à-face, mais un grand nombre de classes inversées ainsi que de nombreux projets, comme la réalisation d'émissions de radio ou de télévision en anglais. Depuis septembre 2014, l'université s'est effectivement dotée, non loin du learning lab, d'un médialab (laboratoire pédagogique multimédia), qui comporte, entre autres, des studios d'enregistrement et de prise de vues, un desk, une salle de montage.

Les enseignants peuvent y filmer des cours en ligne, mais le lieu se veut ouvert à tous. Les étudiants d'info-com l'investissent régulièrement, tandis que ceux de la licence d'économie internationale ont appris à utiliser le matériel professionnel, guidés par les deux techniciens du lieu.

"Cela nous permet de développer d'autres compétences que l'économie proprement dite, souligne Lola, en L2 : on apprend à parler en public et on se libère de la peur du regard des autres. Au final, nous serons sans doute moins dans le moule que si nous avions fait une licence classique." Et sa camarade Sokana de lancer : "Surtout, ça change des amphis !"

L'université catholique de Lille
La Catho de Lille compte cinq facultés (droit ; lettres et sciences humaines ; médecine et maïeutique ; gestion, économie et sciences ; théologie), et 20 écoles et instituts dont 6 écoles d'ingénieurs et 2 écoles de commerce.

Elle reçoit 26.000 étudiants : 55 % en droit-éco-gestion, 22 % en sciences et technologies, 14 % en santé-social et 9 % en lettres et sciences humaines, théologie, etc.
Pour s'inscrire en licence (en dehors de la santé), il faut passer par le portail Admission-postbac. Pour la PACES (première année commune aux études de santé, qui offre 500 places), il faut candidater, dès décembre, directement auprès de l'université.

Les frais de scolarité dépendent des revenus des parents. En première année de licence, ils s'échelonnent de 2.670 à 8.000 € pour le droit, de 4.700 à 8.000 € pour la faculté de gestion, économie et sciences, et de 2.600 à 8.300 € pour les lettres et sciences humaines.

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