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Reportage

"Il s'était confié à moi sur ses pensées suicidaires": à Nantes, des étudiants se forment aux premiers secours en santé mentale

Les étudiants planchent sur une mise en situation à partir du témoignage d'une jeune femmme souffrant de fréquentes attaques de panique.
Les étudiants planchent sur une mise en situation à partir du témoignage d'une jeune femmme souffrant de fréquentes attaques de panique. © Dominique Salomon
Par Dominique Salomon, publié le 13 décembre 2024
1 min

Les universités sont de plus en plus nombreuses à délivrer une formation aux premiers secours en santé mentale. Ces formations sont accessibles gratuitement aux étudiants volontaires, au sein des services de santé universitaire. Reportage à Nantes Université.

Laurence souffre de fréquentes attaques de panique. Un sentiment d'angoisse intense l’envahit sans raison précise, des bouffées de chaleur surviennent, son cœur bat trop fort et elle a l’impression qu’elle va mourir.

C’est pour apprendre à aider les personnes confrontées à la même situation que 14 étudiants de Nantes Université (44) ont participé à une formation en premiers secours en santé mentale dans les locaux du service de santé des étudiants de la Cité des Ducs, les 20 et 21 novembre derniers.

Le cas de Laurence est en réalité un témoignage utilisé comme mise en situation durant la formation.

Un plan d’action pour chaque situation

À la demande de Solène Evrard, leur formatrice, Bleuenn, Rayane, Louise, Loïc, Timothé, Maïwenn et leurs camarades se répartissent en petits groupes de quatre ou cinq par îlots sur les tables de la salle de classe, pour débattre de la démarche à adopter face à la situation de Laurence. "La discussion est libre et le cadre permet de s’exprimer et d’engager des débats", se réjouit Louise. Objectif : déterminer un plan d’action.

"Qu’il s’agisse d’une attaque de panique, d’idées suicidaires, de phobie sociale ou de troubles anxieux, l’important est d’appliquer la méthode AERER, pour Approcher, Ecouter, Réconforter, Encourager, Renseigner", leur explique Solène Evrard, psychologue de métier.

Très concrètement, face à une attaque de panique, il faut "reconnaître que l’expérience est inconfortable, effrayante et stressante sans minimiser le ressenti de la victime". Plus tard, la crise passée, le secouriste pourra guider vers les ressources du soin, comme des numéros verts, des associations ou encore des professionnels de santé.

Le livret de la formatrice en santé mentale distribué aux étudiants.
Le livret de la formatrice en santé mentale distribué aux étudiants. © Dominique Salomon

Des histoires vécues

Se retrouver au contact de personnes en souffrance psychique est loin d’être rare. Encore moins dans la population étudiante, particulièrement fragile. Pour preuve, notamment, une étude de Santé Publique France indiquant qu'en 2021, 20,8% des 18-24 ans étaient concernés par la dépression. Et selon l’OMS , le suicide constitue encore la deuxième cause de mortalité chez les jeunes entre 15 et 29 ans à l’échelle mondiale.

Les expériences vécues par les jeunes stagiaires illustrent aussi ces données globales. Pour Maïwenn, 22 ans, étudiante en troisième année de psychologie, c’est l’histoire de ce "garçon qui m’avait contactée sur les réseaux sociaux et qui s’était confié à moi sur ses pensées suicidaires. Je ne savais pas ce que je pouvais faire pour l’aider. Dans mes études, on apprend beaucoup de théorie, mais pas la façon de réagir hors cabinet de consultation", raconte-t-elle.

Sa camarade Louise, 21 ans, a quant à elle été confrontée à un ami qui se scarifiait. "C’était compliqué, j’étais inquiète, mais je ne savais pas comment réagir." Et plus récemment, un autre étudiant lui a confié être dépendant à la pornographie.

La santé mentale, un sujet de moins en moins tabou

S’il souhaite aussi se sentir plus légitime pour proposer son assistance à son entourage, Timothé, 18 ans, étudiant en première année de STAPS, estime aussi que "c’est pour s’aider soi-même" qu’il suit la formation. En effet, "cela me permettra d’autoévaluer mon état psychique et de déterminer si je peux y trouver une solution seul ou si je dois consulter par exemple", analyse celui qui voudrait devenir préparateur mental.

Un témoignage qui illustre l’impression de Solène Evrard sur la nouvelle génération d’étudiants. "Ces thématiques sont moins taboues, il y a moins de jugement, moins de préjugés que chez les adultes plus âgés", souligne-t-elle. Sans compter que "les garçons se livrent plus facilement sur leurs émotions". Un progrès qui va dans le sens de déstigmatiser les questions de santé mentale encore très taboues aujourd’hui.

Parler de santé mentale au grand public

Et même si la plupart des futurs secouristes viennent de filières du soin (infirmier, kiné, psychologue…), "ce stage forme à une posture différente de celle d’un professionnel de santé. La différence principale, c'est qu’en tant que secouriste, on n’a pas vocation à traiter les troubles de santé mentale, mais à orienter vers les soins adéquats", précise-t-elle. Et il est surtout "une manière de parler de santé mentale au grand public", conclut la formatrice.

Entre septembre 2021 et décembre 2024, 1.313 étudiants ont été formés à Nantes Université. D'autres universités proposent également cette formation, comme à Bordeaux, Angers, Lyon, ou encore Paris 8.

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