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Les universités se mobilisent ce mardi pour alerter sur leur situation financière

Selon les chiffres du ministère de l'Enseignement supérieur, 58 universités sur 70 devraient clore l’année avec un budget déficitaire.
Selon les chiffres du ministère de l'Enseignement supérieur, 58 universités sur 70 devraient clore l’année avec un budget déficitaire. © Patrick ALLARD/REA
Par Amélie Petitdemange, publié le 03 décembre 2024
6 min

Des universités suspendent leurs cours ce mardi 3 décembre pour organiser des assemblées générales et des manifestations. Les chefs d'établissements alertent sur l'impact de leur sous-financement sur la qualité de la formation des étudiants.

Ce mardi 3 décembre 2024 est "une journée sans universités". Des dizaines d'établissements ferment leurs portes ou organisent des événements pour interpeller le gouvernement et sensibiliser les étudiants sur leur situation financière.

"Il est très rare que l’ensemble des universités, à l’échelle nationale, mènent une action commune. C’est une volonté forte de marquer le coup, quel que soit le contexte politique, car nous souffrons d’un financement problématique de nos établissements depuis 2022", explique Isabelle von Bueltzingsloewen, présidente de l'université Lumière Lyon 2.

Ces deux dernières années, les universités ont en effet dû puiser dans leurs réserves afin de financer des mesures salariales imposées par le gouvernement. Si elles sont favorables à ces revalorisations, elles attendent de l'État qu'il compense le coût engendré. Les établissements ont aussi été touchés par l'augmentation des coûts de l'énergie.

Résultat : 58 universités sur 70 devraient clore l’année avec un budget déficitaire, selon les chiffres disponibles sur le site du ministère de l'Enseignement supérieur.

"Le système craque"

Le sous-financement chronique de l'université se traduit déjà par un recours massif aux vacataires, qui assurent plus de 60% de l’offre d’enseignement. Mais avec une troisième année de dépenses supplémentaires non compensées par l'État, "le système craque", alerte la présidente de l'université Lumière Lyon 2, qui restera ouverte ce mardi, mais organisera une conférence de presse sur sa situation budgétaire.

"Nous pourrions aussi réduire le niveau de service aux étudiants (santé, BU, sport) ou passer certains enseignements à distance, notamment en hiver, si nous ne pouvons plus chauffer les locaux", explique Isabelle von Bueltzingsloewen.

Des fermetures de places ou de formations

Alors que le budget des universités se creuse de plus en plus, les présidents pourraient en effet se résoudre à des "non-solutions" qu'ils tentent d'éviter : réduire les capacités d'accueil, supprimer des formations, fermer des antennes locales, ou encore arrêter la rénovation du patrimoine immobilier.

L'université d'Évry Paris Saclay, également associée au mouvement de mobilisation, a été contrainte de mener des mesures d'économies dès mai 2023. L'année dernière, elle a fermé huit licences professionnelles, un parcours de LEA , et un M1 de design. Des postes ont été gelés, des travaux reportés, l'achat de matériel pédagogique décalé… L'année prochaine, l'université devra réduire d'au moins 5% le volume d'heures de cours et s'interroge sur les prochaines formations à fermer. Cette fois, ce seront probablement des masters 2 qui en feront les frais.

Tirer la sonnette d'alarme

"Les conséquences de ce sous-financement sont très concrètes pour les étudiants", pointe Vincent Bouhier, président de l'université d'Évry Paris-Saclay : "À travers notre accompagnement, nous offrons un avenir aux jeunes. Nous sommes un ascenseur social, et pour le rester, il faut des moyens". L'université a symboliquement fait retentir son alarme à 11h37 ce matin, avant de tenir une assemblée générale.

Une AG se tient également ce mardi sur le campus de l'université Côte d'Azur, qui a suspendu tous les cours sauf pour ceux qui préparent un examen. "Cette journée est surtout une sensibilisation pour que les étudiants soient conscients du risque qui pèse sur la qualité de l'enseignement supérieur en l'absence de soutien accru de l'État. Nous souhaitons préserver la qualité de leurs formations, leur employabilité et le lien fort avec la recherche et l'innovation. Mais cela devient très compliqué", confie Yannick Brisswalter, président de l'université, qui souligne que son établissement termine l'année avec 8 millions d'euros de déficit, uniquement dû à des mesures indépendantes de sa volonté.

Une manifestation jusqu'au rectorat à Clermont

À l'université Clermont Auvergne, l'assemblée générale sera suivie d'une manifestation de l'université jusqu'au rectorat, où la gouvernance et les doyens demanderont à être reçus par le recteur. L'après-midi sera consacré à des échanges sur le rôle de l'université dans la formation, la recherche et la culture.

"Les cours sont laissés à l'initiative des équipes pédagogiques. Quelques examens auront lieu, mais peu de cours seront maintenus", précise Mathias Bernard, président de l'université. Il a envoyé une vidéo aux étudiants, afin de leur expliquer la situation et de les inviter à se joindre à la mobilisation.

Face à cette mobilisation, le ministère de l'Enseignement supérieur a assuré dans un communiqué, ce mardi, que "pour remédier à cette situation, une réforme sera engagée dès le premier semestre 2025, avec une application prévue pour 2026". Un décret devrait par ailleurs être édité dans les prochains jours accorder "plus de souplesse" et "simplifier" la gestion financière des établissements.

Enfin, le ministère assure que la situation des établissements concernés par des difficultés financières accrues sera examinée de manière détaillée. "Le cas échéant, des interventions financières ciblées seront effectuées en temps utile", précise le communiqué.

Une augmentation des frais d'inscription ?

Les universités craignent pourtant qu'à terme, le ministère augmente les droits d'inscription des étudiants. Une question autrefois taboue qui revient de plus dans les discussions. "Une fois les universités asphyxiées, on leur dira que la seule solution est de faire payer davantage les usagers", craint Mathias Bernard. Or, s'ils devaient compenser le déficit des universités, les frais annuels dépasseraient 1.000 euros par étudiant.

"C'est inacceptable, les universités ont un rôle social à jouer", martèle le président de l'université Clermont Auvergne. Cette piste creuserait par ailleurs les inégalités entre les établissements, explique-t-il. Le nombre d'étudiants boursiers exonérés des frais varie en effet grandement selon l'université.  

Les universités demandent par conséquent une dotation pour l'année 2025. "Nous voulons garder une université ouverte à toutes et tous, et ne pas aggraver la précarisation des étudiants", affirme Isabelle von Bueltzingsloewen. La présidente de l'université Lumière Lyon 2 met en garde : "C’est la formation de la jeunesse qui est en jeu".

@letudiant_ Les universités se sont mobilisées ce mardi pour alerter sur leur situation financière. l'Etudiant s'est rendu sur place pour en savoir plus. #grève ♬ son original - l’Etudiant

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