Témoignage

Mouvement dans les universités : le point de vue des étudiants étrangers

Par Fabienne Guimont, publié le 22 avril 2009
1 min

Quelque 260.000 étrangers étudient en France. Le mouvement de grève dans les universités françaises qui dure depuis début février a, pour eux aussi, un impact en termes d’organisation et de validation de leur cursus… Se désolidarisent-ils pour autant des jeunes contestataires français ? Comment vivent-ils cette crise ? Quelle image garderont-ils de nos universités ? Rencontre, sur les pelouses et allées ensoleillées de la Cité internationale universitaire de Paris (CIUP), avec une dizaine d’étudiants des quatre coins du monde. Parfois agacés, souvent philosophes.

"En Angleterre, les études sont trop chères pour qu’on fasse grève !"


étudiante cité internationaleInscrite à six cours de la troisième année de la licence d’anglais de Paris 7, Elizabeth n’a pu en suivre que deux au second semestre. "Du coup, j’ai fait un mémoire pour ma fac de Birmingham. Contrairement à d’autre, mes notes en France ne sont pas prises en compte dans mon cursus, mais la grève m’énerve car je suis venue pour étudier et perfectionner mon français. Or, je ne le pratique pas beaucoup …". Les professeurs qui expliquent les revendications de la mobilisation contre les réformes Pécresse ou les cours alternatifs à la gare de Lyon ont le don d’agacer cette jeune britannique venue une année en France. "Il n’y a pas de grève dans les universités anglaises, sans doute parce qu’on paie environ 3000 euros par an. C’est cher pour faire grève… Je ne sais pas comment un étudiant français peut obtenir une licence dans les conditions actuelles !" Pour elle, si des cours de rattrapage sont organisés, il sera trop tard. "Je loue mon studio jusque fin juin, après je ne serai plus là".

"En Chine, la simple idée de grève est déjà incroyable !"


Cette mobilisation française, Jia la voit d’un œil plus curieux. Cette Chinoise inscrite à l’université de Shanghaï, venue pour effectuer une L3 d’histoire de l’art à Paris 1, subit pourtant, comme Elizabeth une grève des cours de plus de neuf semaines. Elle, en revanche, prolongera son séjour si son UFR annonce un rattrapage des cours. « Je suis allée manifestée deux fois sur le boulevard Saint-Michel. J’ai suivi deux ou trois cours de quelques-uns de nos enseignants au Louvre. Et on a failli aller défiler en silence, habillés en noir, devant Mona Lisa avant qu’un mail ne nous informe que l’action était annulée. Je suis plutôt contente de l’image des universités françaises". La jeune femme, qui a profité de ce nouveau temps libre pour courir la BnF, Beaubourg et les musées, se réjouit en effet de vivre une expérience quasi-improbable dans son pays. "Chez nous, la grève n’est envisagée que comme dernière limite. C’est déjà incroyable de dire qu’on va faire grève ! Ici, c’est une pratique très courante. Peut-être trop d’ailleurs car cela risque d’en amoindrir l’impact…"

« Les manifestations françaises semblent plus ordonnées qu’au Mexique »


Chacun vit en effet la contestation des enseignants et des étudiants à l’aune de sa propre expérience. Francisco, un Mexicain en master à l’Institut d’urbanisme de Paris (IUP) logé dans l’université Paris 12 à Créteil, juge les manifestations « ordonnées ». « Chez nous, surtout dans la capitale, quand les gens sortent c’est vraiment pour lutter, pas pour discuter.» Lui n’a suivi que quelques AG, sans cours supprimés. L’image des universités françaises ? « Depuis le Mexique, elles ont une bonne réputation. Mes cours à l’IUP me l’ont confirmé, mais cela semble très inégal d’une fac à l’autre. Paris 12 par exemple reste moins prestigieuse que les universités parisiennes intra-muros. Je l’avais d’ailleurs remarqué au moment de demander une bourse au gouvernement mexicain… », note-t-il.

Auditeur libre en histoire de l’art à l’EHESS, Jaine, doctorant en philosophie à la Compultense de Madrid n’a pas eu cours jeudi dernier. Ces grèves ne l’empêcheront pas de parler en bien des universités françaises, même s’il regrette de ne pas y retrouver des enseignants « du niveau de Deleuze ou Foucault"."Je conseillerai quand même à d’autres étudiants de venir en France, car, chez nous, le niveau des universités est pire !"

"Aux Etats-Unis, les facs françaises restent très fortes en mathématiques"


étudiant américain cité internationaleUn avis que ne partage pas David, en thèse de probabilités à l’université Pierre et Marie Curie, sur le site de Chevaleret, un peu moins perturbé que celui de Jussieu. "Les universités françaises restent très fortes en mathématiques. Il y a moins d’interactions entre les disciplines que chez nous, aux Etats-Unis, mais la pédagogie est plus structurée. Même administrativement, c’est mieux. En Californie, pour un master, on nous demande de remplir 10 pages et de payer 100 dollars", explique le jeune matheux de l’UCSB (Université de Californie). Côté pratique, lui n’a eu aucun séminaire supprimé, contrairement à des amis à la Sorbonne. Il a bien vu quelques affiches placardées à la fac, mais a eu le sentiment que la mobilisation est "assez justifiée".

Impressionnés par les « qualités de résistance du mouvement »


étudiant allemand cité internationaleMathias, jeune Allemand, n’a quant à lui fait l’expérience de la grève que pendant 45 minutes. Le temps d’être retenu avec ses camarades dans les locaux de Sciences Po, investie par des étudiants d’universités voisines. "Il s’agissait de divergences entre grandes écoles et universités, mais je n’en sais pas assez pour savoir si c’est justifié ! En Allemagne, ce n’est pas mieux ni pire, nous avons un autre système avec des numerus clausus dans certaines disciplines", analyse cet l’étudiant inscrit à l’université de Vienne en Autriche, qui se déclare impressionné par les "qualités de résistance du mouvement".



cité internationaleArrivé en février de l’université de Perousa, Andrea est également impressionné par la vitalité du mouvement de contestation français, surtout en comparaison avec celui qu’il a vécu au début de l’année universitaire en Italie contre les réformes de Berlusconi (notamment de réduction budgétaire dans l’enseignement). "Nous n’avons rien obtenu au final…", regrette Andrea, en master de philosophie et qui se dit anarchiste. Inscrit comme étudiant Erasmus à La Sorbonne, il apprend finalement le français dans un petit institut à côté de la CIUP en parallèle de recherches bibliographiques pour son master.

Si Andrea avait entendu parler de la grève de la Sorbonne en Italie, ce n’était pas le cas de Thonton. Fraîchement arrivé de la République Démocratique du Congo, lorsqu’on parle de la grève à cet artiste accueilli en résidence, il répond "La grève ? Mais à Paris c’est tous les jours la grève !". Rahul, un Indien inscrit à HEC ne connaît pas la grève, celle des universités, seulement celle de la SNCF de novembre 2007, qui a presque failli lui faire manquer un examen.

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