Enquête

Enquête insertion Sciences po : un premier emploi plus long à décrocher

En amphi à Sciences po. 12 % des jeunes diplômés de la promotion de 2012 cherchent encore un emploi dix mois leur sortie de l'IEP. Un chiffre deux fois plus élevé que pour les trois précédentes promotions.
En amphi à Sciences po. 12 % des jeunes diplômés de la promotion de 2012 cherchent encore un emploi dix mois leur sortie de l'IEP. Un chiffre deux fois plus élevé que pour les trois précédentes promotions. © Camille Stromboni
Par Natacha Lefauconnier, publié le 08 juillet 2014
1 min

L’IEP parisien vient de publier son enquête sur l’insertion professionnelle de sa promotion 2012. Dans un contexte économique difficile, ce millésime est plutôt mieux loti que ses prédécesseurs côté salaires. Mais les délais pour trouver un premier poste s'allongent et les inégalités entre hommes et femmes s’accentuent.

Le profil idéal pour trouver rapidement un emploi après Sciences po ? Avoir un double diplôme (de préférence le master Corporate and Public Management avec HEC ou le master Economics and Public Policy avec l’École Polytechnique et l’ENSAE) et être… un homme ! Voilà les principaux enseignements qui peuvent être tirés de l’enquête menée fin 2013, portant sur la situation de la promotion 2012 quinze mois après l’obtention du diplôme.

Les statistiques ne penchent donc pas en faveur de Louise (1), une jeune femme de 25 ans issue de cette promotion et titulaire du "simple diplôme" de master affaires internationales, spécialité MPI (management public international). Après cinq années passées rue Saint-Guillaume, elle est partie quatre mois au Moyen-Orient pour ce qui devait être un voyage d’agrément et s’est transformé en stage dans une association culturelle. Beaucoup de ses camarades se sont, eux, immédiatement mis à la recherche d’un emploi.

Plus vite sur le marché du travail… et plus longtemps


En effet, sur les 1.151 jeunes ayant répondu à l’enquête (soit 70 % de la promotion), ils sont 78 % à avoir décidé d’entrer directement dans la vie active. Un chiffre qui n’était que de 70 % il y a cinq ans. En 2009, ils étaient proportionnellement cinq fois plus nombreux à prendre, une fois diplômés, une année "sabbatique" pour préparer un concours. Cette option n’a plus guère la cote aujourd’hui, elle ne concerne plus que 2 % des étudiants.

Futurs diplômés, rassurez-vous : le nom de Science po est toujours bien coté sur le marché de l’emploi. Sur 5 étudiants ayant opté pour la vie professionnelle directement après leurs scolarité, 4 ont trouvé un poste en moins de six mois. Mais de façon générale, les délais d’accès à l’emploi s’allongent : ils sont encore 12 % à chercher au bout de dix mois, un chiffre deux fois plus élevé que pour les trois précédentes promotions.

Aujourd’hui, deux ans après l’obtention de son diplôme, Louise est toujours à la recherche de son premier emploi. Un laps de temps qui paraît long quand on sort de Sciences po ! "On peut tout faire, mais on ne peut rien faire !", résume la jeune diplômée. Son master intéresse les recruteurs car il est généraliste, portant à la fois sur les droits de l’homme et sur l’associatif, mais "les compétences acquises sont difficiles à expliquer en entretien".
Au final, le choix des employeurs se porte souvent sur des profils plus spécialisés. D’ailleurs, contrairement à Louise, beaucoup d’élèves en master MPI en 2011-2012 étaient déjà titulaires d’un autre master et l’ont choisi pour compléter leur profil.

Double diplôme et année de césure, deux atouts importants


Ceux qui s’en sortent le mieux sont, en effet, les détenteurs de doubles diplômes : d’après l’enquête Sciences po, 100 % des étudiants  ayant décroché en 2012 le master Corporate and Public Management et choisi d’entrer dans la vie active directement après sont en situation d’emploi au moment de l’enquête, et 96 % pour le master Economics and Public Policy.

De même, les étudiants qui ont effectué une année de césure durant leur cursus (pour faire un stage, partir à l’étranger…) sont plus nombreux (46 % contre 36 %) à être pré-recrutés avant l’obtention de leur diplôme.

Si c’est toujours à l’étranger que les salaires des jeunes diplômés de Sciences po sont les plus intéressants (47.308 € brut annuel en moyenne), leur rémunération est en baisse par rapport à la promo précédente (50.600 €). En France, c’est le contraire : la situation s’améliore nettement, avec un salaire moyen de 41.459 € contre 35.300 € pour la promo 2011. Une rémunération moyenne beaucoup élevée que celle des diplômés 2012 de l’université (23.200 €), des écoles d’ingénieurs (32.100 €) ou de commerce (26.800 €), selon une enquête APEC (Les jeunes diplômés de 2012 : situation professionnelle en 2013).

Comme le souligne Louise, même si ce n’est pas toujours un choix au départ, "parfois, il faut s’expatrier, parce que c’est là qu’il y a des opportunités" : un VIA (volontariat international administratif) à l’ambassade d’Arabie Saoudite pour l’une, un poste dans la communication à Haïti pour l’autre… Difficile de décrocher d’emblée le job de vos rêves : il faut savoir faire des compromis !

À noter également : les diplômés qui ont intégré le prestigieux établissement directement en master ont un meilleur salaire à l’embauche (+ 3.000 € brut annuel en moyenne) que les étudiants issus du collège universitaire (entrés à Sciences po après le bac). On retrouve sensiblement la même différence de salaire entre diplômés internationaux (les mieux payés) et diplômés français.

Égalité hommes-femmes : l'écart se creuse


En 2014, l’écart des salaires entre hommes et femmes en France (à poste, expérience et diplôme équivalents) s’élève encore à près de 20 % au profit des premiers. Les diplômées 2012 de Sciences po s’en sortent à peine mieux : elles gagnent en moyenne 15,6 % de moins que leurs camarades masculins.

L’écart s’est d’ailleurs creusé entre l’année 2012 et l’année 2013 : de 4.100 € de différence en salaire annuel brut, on est passé à 7.500 € ! "Les hommes ont des postes plus intéressants, et dans des entreprises réputées", confirme Louise.

Côté domaine d’activité, les jeunes diplômés de l'IEP parisien se sont principalement dirigés, comme leurs aînés, vers le conseil, le marketing et la communication. Les métiers de la finance, de la comptabilité, de la gestion administrative ne sont pas loin derrière, de même que les relations internationales et la sécurité.

Côté secteurs, l’audit et le conseil arrivent en tête, talonnés par l’administration publique, avec respectivement 19 % et 18 %. Puis, on retrouve le secteur industrie, énergie, transport (10 %) qui prend la 3e place, occupée jusqu’alors par la banque, finance, assurance (8 %).

Louise, quant à elle, envisage d’élargir ses recherches : au lieu de se cantonner à la coopération culturelle et la gestion de projet à l’international, elle va regarder du côté des droits de l’homme et plaidoyers, un secteur qui embauche davantage. "On ne se dit pas : ‘Je cherche ce travail précis.’ C’est plus une question d’opportunité, quand on voit une annonce, on se dit : ‘Ce poste-là est intéressant, ça peut m’apporter une expérience valorisante sur mon CV.’ On est tous des profils généralistes, on a la curiosité, donc on touche à tout."

Sciences po : un nom, des écoles


Ce qui rassure la jeune femme, c’est que plusieurs de ses camarades de master ont rencontré les mêmes difficultés qu’elle. "Ceux qui galèrent ont une impression d’échec. Ils se posent des questions par rapport à leurs compétences… mais tout le monde essaie de se bouger. "Emploi à temps partiel, stage, service civique ou reprise d’études, chacun occupe d’une façon utile ce temps libre contraint. "Au bout de douze à dix-huit mois, les choses commencent à se décanter, on trouve enfin des postes…", conclut Louise.

Et comme elle le rappelle, Sciences po regroupe plusieurs écoles très différentes les unes des autres ! Si les filières les plus réputées débouchent rapidement sur l’emploi espéré, d’autres masters qui se veulent techniques restent en réalité trop généralistes, compte tenu de la situation actuelle du marché de l’emploi dans certains secteurs d’activité. Aux jeunes de faire le bon choix, et de multiplier stages et expériences professionnelles durant leur cursus pour mettre toutes les chances de leur côté au moment de leur arrivée sur le marché du travail.

(1) Son prénom a été modifié à sa demande.

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