Décryptage

Faire ses études à l’étranger : un bon plan ou pas ?

Son bac en poche, Eloi a rejoint l'Université de Surrey, dans le sud-est de l'Angleterre.
Son bac en poche, Eloi a rejoint l'Université de Surrey, dans le sud-est de l'Angleterre. © Photo fournie par le témoin
Par Cécile Peltier, mis à jour le 17 juin 2019
12 min

Envie de larguer les amarres, d’améliorer votre anglais ou d’éviter la sélection dans certaines formations... Chaque année, vous êtes des milliers à faire votre rentrée sur les bancs d’une école ou d’une université étrangère. Mais est-ce vraiment une bonne idée ? Réponses avec ceux qui ont tenté l’aventure.

“Quand, j’étais en seconde, j’ai passé cinq mois en Nouvelle-Zélande. C’était tellement super qu’après mon bac, j’ai choisi de partir en Angleterre.”

Globalisation oblige, vous êtes de plus en plus nombreux, à l’instar d’Eloi, 20 ans, à opter dès la sortie du lycée pour des études hors de France.

À l’origine de cette bougeotte ? Une envie de découvrir d'autres cultures, de perfectionner ses langues étrangères, de se forger un profil international. Et souvent, aussi, de contourner un système français jugé un peu trop “cadré”. “Je voulais intégrer le top 6 des business schools françaises, mais sans prépa ce n’était pas possible, et je n’en avais envie. Je ne me suis jamais senti très l’aise dans le système français...”, confie Eloi, en première année de Bachelor d’international business management à l’Université de Surrey.

Une autre manière de vivre et d'apprendre

Au-delà d'une culture, partir, c’est aussi l’occasion de découvrir une nouvelle manière d’apprendre : “Ma prépa nous mettait beaucoup la pression. À l'université, en Irlande du Nord, on nous incite plutôt à faire de notre mieux pour réussir. En maths, par exemple, on nous demandait en France une énorme rigueur d'écriture. Ici, on est davantage focalisé sur la résolution du problème. C’est très responsabilisant”, estime Maxence, 20 ans, en première année de Bachelor of product design engineering à la Queen’s University, à Belfast, après une année de prépa PTSI (physique, technologie, sciences de l'ingénieur) réalisée à Valbonne.

Neuf mois après leur départ, les deux étudiants français ne regrettent pas d’avoir traversé la Manche : “Il faut compter deux ou trois mois d’adaptation. Au début, suivre des cours en anglais est très fatigant, mais ça y est, je m’exprime sans problèmes !”, se réjouit Eloi.

Si l’expérience s’avère vite très enrichissante, il faut le savoir, au moins au début, les moments de cafard ne sont pas rares... “Il faut être ouvert, aller vers les autres. Pour cela, les associations sont un bon moyen de se faire des amis”, conseille Eloi, président de la French society de son université. Mais tous ne sautent pas le pas. Après un an d'études en administration des affaires à l’Université du Québec, Clément a préféré jeter l’éponge. “C’est une expérience compliquée aussi bien du point de vue administratif (voir l'encadré) que de l’intégration, très différente du simple séjour académique. En un an, je me suis fait plein d’amis français ou marocains, mais pas un seul québécois ! Il y a vraiment des spécificités culturelles...”

Un accès à des filières d'excellence

Jérôme, 26 ans, a attendu d’être diplômé de l'ISAE-SUPAERO pour traverser l’Atlantique. Candidat à plusieurs grandes universités américaines, il a été accepté en PHD (l'équivalent d'un doctorat en France) au sein du prestigieux Georgia Institute of Technology d’Atlanta. “Après deux stages de six mois en Allemagne et en Chine, j’avais envie de vivre loin longtemps, avec la possibilité d’acquérir une grosse compétence technique sur un sujet de thèse de mon choix. Or, dans le spatial, quand on est Français, il n’y a pas mieux que les États-unis !”, confie le doctorant, qui rêve un jour de travailler au CNES (Centre nationale d’études spatiales).

Un moyen d'éviter la sélection

Sage-femme, masseur-kinésithérapeute, vétérinaire, ingénieur, journaliste…: plus prosaïquement, pour beaucoup d’étudiants, choisir l’étranger est un moyen d’éviter la sélection à l'entrée des formations françaises. Les candidats aux filières paramédicales sont ainsi nombreux, comme Julie, 20 ans, à opter pour la Belgique. Après un mois de PACES (première année commune aux études de santé), lassée par la compétition, la jeune femme qui rêvait de devenir sage-femme a fait ses valises, direction la Haute école de la Province Namur où elle a été “très bien accueillie”. Pas de sélection à l’entrée, mais un écrémage au fur et à mesure des années. “On a énormément de matières et les stages sont très exigeants”, explique l’étudiante, aujourd’hui en troisième année.

Après deux années de prépa BCPST et un classement décevant au concours vétérinaire qui ne lui permettait pas d’intégrer une école, Hélène a également choisi de rejoindre le plat pays. La Belgique sélectionnait alors les étudiants français par tirage au sort. Désormais, ils doivent se soumettre à une sélection. Inscrite en cinquième année à l’Université de Liège, l’étudiante est comme un poisson dans l’eau. “En Europe, il n’y a plus de frontières académiques, et même si s’expatrier demande au début un certain investissement personnel, si on déterminé, cela se passe bien !”

Attention au coût...

Dans les universités européennes, les Français paient les mêmes frais de scolarité que les locaux. En Belgique, la facture annuelle ne dépasse pas les quelques centaines d’euros. Mais au Royaume-Uni, depuis 2012, les universités sont autorisées à fixer leurs propres frais dans une limite de 9.200 livres (10.170 €) par an. À ce tarif-là, mieux vaut l’envisager comme un investissement. “Au final, je me suis dit que cela revenait au même prix que si j’avais opté pour une école de commerce postbac en France.” Toutefois, quand on choisit l’étranger, on fait souvent une croix sur les bourses et autres aides sociales type APL (aide personnalisée au logement).

Outre-Atlantique, il faut souvent rajouter un zéro. Ainsi, au Canada, Clément a préféré le Québec - “un Français doit débourser 6.000 € environ" - à l’Ontario (30.000 €) surtout pour des raisons financières... Aux États-unis, en PhD à Georgia Tech, Jérôme paie les 44.000 € annuels de frais de scolarité [environ 37.300 €] en travaillant 20 heures par semaine au laboratoire d'aérospatial de son université, qui possède des contrats de recherche avec de grandes entreprises. Il réalise des travaux pour Airbus, un bon moyen de se tisser un réseau.

De son côté, Alexis, 23 ans, a décroché une bourse d’études réservée aux sportifs de haut niveau par l’intermédiaire d’E2A (Elite Athletes agency), une agence qui aide les joueurs professionnels et universitaires à signer en Amérique du Nord. Cela lui a permis de passer deux ans au Richland College de Dallas (Texas), puis deux autres années au sein de l’Appalachian State University, en Caroline du Nord. “La très grande majorité des frais de scolarité étaient pris en charge”, confie le jeune homme. Une expérience passionnante, dont il est ressorti avec un Bachelor en communication et publicité. Mais après cinq ans aux États-unis, et un stage à New York, cet amoureux de sport a eu envie retrouver la France.

... et à la reconnaissance du diplôme

Accepté dans plusieurs des grandes écoles auxquelles il avait postulé, Alexis a choisi le Msc International sport et event management de Kedge Business School, à Marseille. “En école de commerce, un diplôme étranger est non seulement reconnu, mais valorisé”, confie le jeune homme, actuellement en stage à l’Olympique de Marseille.

Si comme Eloi, Julie ou Maxence, vous optez pour une université européenne, votre diplôme sera reconnu dans toute l’Union européenne. “Avec mon Bachelor, il est possible de faire un master n’importe où en Europe et même dans le monde. Avant de s'inscrire, il faut vérifier que l'université britannique est bien reconnue par l'État, ce qui est le cas de la grande majorité d'entre elles”, recommande Maxence.

Ce conseil vaut quel que soit le pays, surtout si vous optez pour une destination hors Europe. Reconnaissance par l’État, accréditations internationales, classements, profitez des labels à votre disposition. De retour en France, trop d'étudiants découvrent que leur diplôme n'a pas ou peu de valeur...

"De retour en France, un réseau à se construire"

Alors, un diplôme étranger est-il vraiment un plus ? Tout dépend donc de votre projet et de l'université choisie. Si dans bien des secteurs (finance, banque, luxe, arts...), avoir fait ses études à l'étranger - en particulier dans le monde anglo-saxon - vous ouvre les portes d'une carrière internationale dans de grands groupes et des institutions prestigieuses, dans d'autres, le retour en France n'est pas sans embûches. “Quand on rentre en France, certains étudiants nous disent qu’on a choisi la facilité alors qu'on a choisi ce métier par vocation. Et lorsque j’appelle pour des stages, certaines maternités me disent ‘on ne prend pas les Belges’...”, regrette Julie. Et même si pour elle tout s'est bien passé jusqu'ici, elle conseille à ceux qui en ont les capacités d’opter pour une PACES : “Ce sera plus simple ensuite pour trouver du travail".
"La difficulté quand on rentre en France, c’est qu’il faut se recréer un réseau”,

résume Iban, 31 ans, journaliste à Contact FM, une radio locale basée dans le Nord. Lorsqu'il a choisi de rentrer dans l'Hexagone, son master en journalisme de l’Université libre de Bruxelles en poche, cela n’a pas toujours été simple de décrocher un poste dans son domaine : “Je n'avais pas fait de stages en France, et mon master belge ne fait pas partie des écoles de journalisme reconnues par la profession. J’aurais peut-être eu plus de chance avec un diplôme de l’ESJ…” Mais la presse est un secteur compliqué, alors difficile de généraliser.

Dossier : mieux vaut anticiper !

A.N.T.I.C.I.P.E.R est de l’avis de ceux qui sont passés par la case "étranger", le maître-mot si on veut avoir une chance de décrocher une place dans l'université de son choix. En effet, monter son dossier n’est pas toujours une partie de plaisir. "C'était tellement compliqué que j’ai dû envoyer le dossier trois fois par la Poste. J'ai même fini par aller à l’ambassade du Canada, à Paris, pour vérifier que tout était en règle", se souvient Clément, parti un an à Ottawa, au Québec.
"Il faut se pencher sur le sujet dès le mois d'octobre de la terminale, car les inscriptions arrivent en décembre. Beaucoup de copains qui n’avaient pas anticipé se sont retrouvés sur le carreau”, confirme Maxence.
Eloi, lui, a eu la chance de bénéficier de l’aide de son lycée, très tourné vers l'international, pour monter son dossier UCAS (Universities and Colleges Admission Services), le Parcoursup britannique. Mais la plupart des étudiants se débrouillent seuls. “On choisit la matière qu’on veut étudier et cinq universités. Il faut aussi rédiger un “personal statement”, qui explique pourquoi on pourrait intéresser l’université. Ensuite, toute la sélection se joue sur les notes du bac”, explique Eloi. À vous de jouer !

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