Si, a priori, tous les étudiants peuvent effectuer une partie de leur cursus à l'étranger, la réalité est plus complexe. Les universités expliquent la face cachée des partenariats et les critères pris en compte pour valider (ou non) un départ à l'étranger.
Elise, diplômée d'une licence en langues étrangères appliquées, se souvient avoir vu son année de mobilité s’envoler sans réelle explication : "L'université nous a juste dit qu'il n'y avait pas de place pour tout le monde… En LEA, je ne comprends pas pourquoi nous ne sommes pas prioritaires pour partir à l'étranger".
Tous les étudiants ne pourraient donc pas effectuer de séjour à l'étranger ? Selon les universités de Paris-Saclay, Aix-Marseille et Strasbourg, plusieurs facteurs sont à prendre en compte pour comprendre dans quels cas une mobilité est possible ou non.
Des destinations choisies en fonction des demandes
Tout commence par le choix des pays. "Il y a plusieurs facteurs à conjuguer : d'abord, aller sur le terrain pour comprendre les besoins des étudiants et ceux des UFR. Mais il y a aussi la stratégie politique de l'établissement, la politique nationale, européenne et internationale", détaille Irina Nicoleta Simion, directrice des relations internationales à l'université de Strasbourg.
En ce moment, les universités misent davantage sur des partenariats avec les pays anglophones "parce qu'il y a une forte demande", comme le Royaume-Uni, les Etats-Unis et le Canada. Depuis le Brexit, les universités ont aussi noté un regain d'intérêt pour les pays scandinaves et notamment la Suède.
Au total, Aix-Marseille Université compte 590 partenaires dans 62 pays. À Strasbourg, c'est 735 partenaires dans 73 pays et plus de la moitié sont des échanges Erasmus+.
En plus du pays, les relations internationales mettent aussi l'accent sur les contenus pédagogiques des établissements d'accueil. "Quand on recherche des partenaires, on regarde les équivalences des cours : ce qu'ils proposent est-il cohérent avec ce qu'on fait à Saclay ? Parce que l'intérêt est de valider un équivalent français et de faire en sorte que les étudiants ne perdent pas de temps", explique Yoann Buidin-Ferrer, chargé des mobilités sortantes à l'université Paris-Saclay.
L'occasion de suivre des cours que vous auriez pu avoir aussi en France ou des cours complémentaires. "Certaines UFR cherchent à développer des compétences transversales de leurs étudiants. Par exemple, les étudiants de la faculté de sport sont très motivés pour partir aux Etats-Unis car le pays offre des opportunités de formations liées à des sports non présents dans d'autres pays comme le football américain. Le Canada est attractif pour les étudiants de l'INSPE, psychologie ou kinésiologie car les formations en sciences de l'éducation offrent une approche innovante", précise Irina Nicoleta Simion.
Or, certaines formations sont parfois très spécifiques, ce qui rend plus difficile les mobilités. C'est le cas pour les étudiants en médecine. À Saclay, il n'y a pas de partenariats avec le Québec car "beaucoup d'établissements n'offrent pas de programmes de médecine mais on trouve toujours un échange à proposer aux étudiants", confirme Yoann Buidin-Ferrer.
Combien d'étudiants peuvent partir avec leur université ?
Tout se corse ensuite avec la règle de réciprocité qui n'est pas toujours connue des étudiants. Ce n'est pas parce que les étudiants en droit ont laissé des places vacantes pour partir en Irlande que les étudiants en histoire pourront prendre ces places. "Il y a une réciprocité sur le nombre de places, c'est très rare que ce soit illimité, confirme le responsable de l'université Paris-Saclay. Par exemple, avec un partenaire à Madrid, nous avons des accords dans 22 disciplines, avec six places en droit, quatre en physique, deux en biologie, deux en maths."
À Aix-Marseille Université, un tiers des mobilités sont réservées aux étudiants de la faculté de lettres. "Il arrive que sur certaines destinations il y ait très peu de places, notamment pour les pays en dehors de l'Europe comme la Corée du Sud par exemple", souligne Christine Logier, directrice des relations internationales. "Dans les faits, on peut parfois déroger à la règle de réciprocité. On fait des exceptions", tempère Irina Nicoleta Simion.
La responsable de l'université de Strasbourg l'affirme d'ailleurs : il y a souvent plus de partenariats que de mobilités vraiment réalisées. "Il y a une sélection : nous prenons en compte les résultats académiques mais aussi la préparation linguistique et culturelle, la motivation. Ensuite, le partenaire fait aussi sa sélection. Ce qui explique pourquoi tous les étudiants ne partent pas."
La directrice des relations internationales d'Aix-Marseille Université met aussi en garde sur la faisabilité des projets. "Une mobilité, il faut pouvoir l'assumer financièrement. On ne peut pas mettre un étudiant en difficulté sur le plan scolaire ou financier. Ils sont donc accompagnés par un référent mobilité au sein de leur UFR pour les conseiller dans leur choix, les bourses, les démarches…"
Places restreintes, partenariats très encadrés, cohérence pédagogique… Vous l'aurez compris, si tous les étudiants ont l'occasion de partir étudier à l'étranger pendant leur cursus, les possibilités peuvent être réduites ou contraintes : autant s'y prendre très en avance pour mettre toutes les chances de votre côté.