Décryptage

Jodel : l'appli qui va vous faire adorer (ou rater) votre année universitaire

Logo officiel de l'application Jodel.
Logo officiel de l'application Jodel. © Jodel App
Par Marc Bonomelli, publié le 26 octobre 2017
6 min

Créée en 2014 en Allemagne, l'application Jodel conquiert les universités françaises. Ce réseau social qui met l'accent sur l'anonymat et la proximité, en vous permettant de commenter ce qui se passe autour de vous, est en plein essor. Addictif ?

Pour Nathan et Mathilde, étudiants à Strasbourg et à Tours, tout a commencé par des flyers distribués à l’université. Une publicité pour une énième application. Son nom ? Jodel, à prononcer "Yodel", en référence au chant des Alpes. Mais Jodel ne sert pas à faire de la musique, c’est un réseau social. Par curiosité, ils ont testé. Maintenant, ils ont du mal à s’en passer. Mais qu’est qui a bien pu les rendre accros ?

L’application a été créée en 2014 par Alessio Avellan Borgmeyer, alors étudiant en Allemagne. Jodel a été rapidement adopté à travers son pays d'origine, l’Autriche, la Suisse ainsi que dans les pays nordiques. En 2015, après moins d'un an d'existence, elle a dépassé le million d'utilisateurs. "Jodel est une application axée sur la communauté locale", explique son fondateur. Autrement dit, un réseau social sans inscription ni profil, où s’affichent les publications anonymes des utilisateurs dans un rayon de dix kilomètres. Du pain béni pour les étudiants en université, qui constituent en France 90 % des utilisateurs.

"On peut voir les posts de personnes proches de nous sur le campus, explique Nathan, en licence de biologie à l’université de Strasbourg, et échanger des infos utiles." Et Mathilde, en licence d’anglais à Tours, de renchérir : "Cela nous permet d'apprendre plein de choses sur la fac, sur la ville, les bons restos, les soirées et aussi les cours !"

Risqué, l'anonymat ?

Mais surtout, le contenu sur Jodel est tissé de pensées, d’humeurs du jour, de blagues et de photos. "Sur Jodel, indique Alessio Avellan Borgmeyer, c’est la communauté qui a le pouvoir de décider de ce qui est discuté en votant sur les messages." Une fonction qui permet de compenser les risques inhérents à l’anonymat sur le réseau social. Car c’est la porte ouverte à "un nombre incalculable de blagues racistes, misogynes, homophobes et à beaucoup de moqueries", déplore Lisa, en licence 3 d’anglais à Strasbourg.

Pour contrer ces dérives, l’appli offre aux utilisateurs la possibilité de voter contre les messages nauséabonds, ce qui entraîne automatiquement leur suppression à partir d’un certain nombre de votes. En outre, insiste le fondateur, "ne pas avoir de profil ne veut pas dire que les utilisateurs sont complètement anonymes. En effet, en cas de violation des règles de la communauté Jodel, chaque publication peut être assignée à un utilisateur individuel."

La foire aux vannes

Parmi les sujets de discussion favoris des utilisateurs, les blagues sur les profs ! "Dans l'amphi, raconte Nathan, un prof enseignant-chercheur ne savait pas utiliser son micro, ça a buzzé sur l'appli." À charge de revanche, il arrive que certains profs jouent le jeu. Nathan se souvient : "L'un d'entre eux a posté : "Quel plaisir d'être sur Jodel quand mes étudiants sont concentrés sur leur contrôle !""

Un espace de rencontres

Au-delà des dérapages et des discussions légères, l’anonymat sur le réseau social a bien des atouts. "Enfin un lieu où l'on peut poster sans se faire harceler par les garçons", se réjouit Mathilde en licence d’anglais à Tours. "Sur les réseaux où tu mets une photo de profil, détaille-t-elle, les gars envoient souvent des messages en mode "Salut toi, t’es mignonne", ce qui n’est pas le cas sur Jodel !" Ou du moins pas directement, comme en témoigne cette image :

Capture d'écran d'un post partagé lors d'un cours en amphi sur Jodel
Capture d'écran d'un post partagé lors d'un cours en amphi sur Jodel © Prune

Pour autant, l’anonymat n’empêche pas les étudiants de sociabiliser sur Jodel. "J’y vais souvent quand je suis en cours, admet Anna, en licence de biologie à Strasbourg. Il y a des hashtags avec les noms des amphis, et on s’amuse à essayer de retrouver ceux qui postent des messages dans nos salles." Si la plupart du temps, ces interactions se limitent à des sourires ou des blagues échangées en cours, elles peuvent aboutir à de vraies rencontres.

Par exemple, relate Prune, en licence d’histoire à La Rochelle, certains membres proposent aux jodeleurs de se retrouver dans un lieu donné. "Tout un groupe s'est réuni. Les gens ont fait une soirée ensemble alors qu'ils ne se connaissaient pas." Une opportunité pour les timides. "Je n’ose pas aller vers les gens, et là, c’est plus facile. Sur Facebook, si un inconnu m’envoie un message, je vais trouver cela bizarre, alors qu’avec Jodel, on est là pour ça !"

Parfois, cela peut même aboutir à des initiatives stimulantes. "On a voulu monter un projet pour toutes les facs, raconte Prune. On a créé un pull floqué au nom de l'université. Quelqu'un a lancé l'idée sur Jodel et on a débattu sur le sujet. On a tous participé à ce projet, alors qu’on ne se connaissait même pas !"

Une distraction addictive

Attention, toutefois, à ne pas trop se laisser distraire, à plus forte raison lors des cours magistraux. "Je m'en suis rendu compte en chimie, admet Nathan. Je suis resté sur Jodel une demi-heure pour savoir ce qui se passait dans mon amphi. C'est assez addictif si on ne fait pas attention." Quand on lui évoque ce problème, Prune relativise : "Tout peut nuire aux cours."

L’engouement pour Jodel ne fait aucun doute, mais sera-t-il durable ? "En ce moment, c'est en plein essor, analyse Prune, mais dès qu'il va y avoir trop de jodels (c’est à dire des posts sur l’appli), il va y en avoir trop pour que ce soit intéressant. À La Rochelle, on est une petite communauté, donc c'est cool." Anna, en licence de biologie à Strasbourg, pense "que cela passera de mode très vite". Ce que conteste le fondateur : "Nos utilisateurs allemands font du jodeling depuis presque trois ans et ne s'ennuient jamais. La communication est toujours intéressante et les gens ne manquent jamais de choses à raconter, surtout à chaque fois qu'il se passe quelque chose à proximité." Affaire à suivre.

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