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Interview

Journée des droits des femmes : "L'intelligence n'a pas de genre", dit le président de l'ENS Lyon sur le manque de femmes en filières scientifiques

La sous-représentation des femmes en sciences
Emmanuel Trizac, président de l'ENS de Lyon explique quelles mesures seront mises en place en septembre pour répondre aux enjeux de la sous-représentation des femmes en sciences. © V. Moncorgé
Par Clément Rocher, publié le 07 mars 2025
4 min

A la rentrée, l'ENS Lyon va mettre en place des dispositifs pour lutter contre la sous représentation des femmes au sein des filières scientifiques. L'Etudiant, a posé trois questions à son président, Emmanuel Trizac à l'occasion de la Journée internationale des droits des femmes.

Le sujet est connu de longue date, la place des femmes dans les carrières scientifiques reste encore trop marginale. Consciente de ces défis, l’ENS de Lyon intensifie ses actions pour lever les freins qui limitent l’accès des étudiantes aux disciplines comme les mathématiques et l’informatique.

À l'occasion de la Journée internationale des droits des femmes qui a lieu ce 8 mars, Emmanuel Trizac, président de l'École normale supérieure de Lyon explique à l'Etudiant quelles mesures seront mises en place dès la rentrée de septembre 2025 pour répondre aux enjeux de la sous-représentation des femmes dans les filières scientifiques.

L'ENS Lyon va mettre en place de nouvelles actions à la rentrée 2025 pour attirer les femmes à se lancer dans des études scientifiques. Pouvez-vous les détailler ?

On veut envoyer un signal fort à toute une génération de lycéennes. À partir de la rentrée prochaine, nous allons lancer les bourses Cécile DeWitt-Morette pour toutes les étudiantes nouvellement inscrites au diplôme de l’ENS de Lyon, en mathématiques et en informatique. Cela signifie un soutien financier de 12.000 euros par an, soit 48.000 euros par étudiante sur les quatre années du diplôme.

Autre nouveauté : nous allons proposer du mentorat pour les doctorantes avec l’association Femmes et sciences. L’idée est de permettre un accompagnement individuel pour chaque doctorante afin qu’elle puisse construire son projet professionnel. Il y a un vrai partage d’expériences qui se noue afin de rentrer dans le monde académique de façon concrète et d’en ressortir avec une motivation renforcée.

Même si cela se joue ici à petite échelle, agir répond à un enjeu d’égalité entre hommes et femmes, car quand on détourne les filles de ces carrières, cela se traduit par un écart de rémunération dès la sortie des études. De plus, c’est complètement absurde de se priver de la moitié des cerveaux, l’intelligence n’a pas de genre pour affronter les défis de la science moderne.

Quelle est aujourd'hui la place des femmes dans les filières scientifiques dans votre école ?

A l’ENS de Lyon, un certain nombre de femmes occupent des places importantes en tant que cheffe d’équipe. Elles travaillent dans le domaine mathématiques fondamentales, de la physique quantique, de la géophysique… Elles brillent par leurs compétences et leur réussite, mais elles sont trop peu nombreuses, autour de 20% au total dans ces disciplines.

En revanche, concernant les étudiantes qui nous rejoignent en maths et informatique, les ratios sont inférieurs dans ces disciplines, on est au-dessous de 10%, et les chiffres ont encore chuté lors de cette dernière rentrée.

Pour quelles raisons les femmes sont-elles si peu nombreuses ?

Pour commencer, nous sommes porteurs de biais inconscients, de stéréotypes, qui s’enracinent au plus profond de notre éducation, ce sont des processus qui consistent à davantage valoriser les garçons dans des activités autour de la performance, de la compétition alors que les filles vont être davantage orientées vers l’attention à l’autre.

Ces processus courent jusqu’à l’âge adulte et influencent le regard qu’on porte sur les femmes, les compétences qu’on leur prête, en particulier leurs capacités à mener des directions d'équipes. De plus, avoir peu de femmes dans les formations n’incite pas les autres à les rejoindre. Donc les filles hésitent à poursuivre dans des voies considérées comme trop masculines.

Enfin, la réforme du lycée menée en 2020 avec la suppression des maths dans le tronc commun a annulé plus de 50 ans d’effort de progression envers la mixité. Certaines spécialités comme la NSI ne sont pas loin d’être désertées par les lycéennes.

L’ENS Rennes agit aussi pour l’inclusion des femmes en science

De son côté, l’ENS Rennes met également en place des allocations de 51.000 euros sur quatre ans pour encourager les jeunes femmes à s’engager dans les formations scientifiques menant au doctorat, en particulier en informatique.

Financé sur fonds propres, ce soutien financier vise à améliorer la diversité en garantissant des ressources aux étudiantes boursières admises sur dossier.

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