Témoignage

Bien après la PACES, elles ont arrêté leurs études de médecine

8,6 % des étudiants se disent victimes de harcèlement.
8,6 % des étudiants se disent victimes de harcèlement. © plainpicture/Westend61/Sigrid Gombert
Par Camille Jourdan, publié le 28 avril 2017
5 min

Après plusieurs années passées sur les bancs de la fac de médecine, certains étudiants "démissionnent". Une décision difficile à prendre, mais qui peut permettre de rebondir, comme l'ont fait Marjorie, Loïs ou Julie.

Après la PACES (première année commune des études de santé), et l'obtention du tant convoité ticket pour la deuxième année, l'idée d'arrêter les études de médecine est taboue. Les doutes de Marjorie, présents dès la première année, grandissent en troisième année : "J'étais dans un état psychologique vraiment bas, confie la jeune fille : on subit une pression permanente, on doit toujours être à fond". Devoir se consacrer entièrement à ses études, c'est ce qui a poussé Loïs, 27 ans, à se retirer : "Je n'arrivais pas à concilier ma vie personnelle et mes études", rapporte-t-elle.

À cela s'ajoutent des désillusions sur un métier qu'elles avaient idéalisé : "Plus on avançait, moins on passait de temps avec les patients", remarque Loïs, qui avait pourtant choisi cette voie pour la relation avec eux. Une relation que Marjorie, ou encore Julie*, voient comme "déshumanisée", et donc loin de leurs idéaux.

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Incompréhension et culpabilisation

Marjorie, 24 ans, décide d'arrêter médecine en décembre de sa quatrième année. À peu près à cette même période, Loïs cesse de se rendre en stage, avant de prendre une "disponibilité". Julie, elle, a sollicité cette césure avant d'entamer sa quatrième année : "Je savais que je ne voulais pas reprendre, mais cela permettait de mieux faire passer ma décision autour de moi". La jeune femme entend en effet toutes sortes de remarques : "Tu gâches ta vie", "Tu fais une grosse erreur"... "On m'a aussi fait comprendre que j'avais 'pris la place de quelqu'un', se remémore Loïs, qui reconnaît avoir culpabilisé. Mais cela ne doit pas nous empêcher d'arrêter !", assure-t-elle.

En parler

"Avant de prendre la décision, il faut en parler", conseille Nathalie Tedesco, responsable du service de la scolarité à la faculté de médecine de Nice. "À l'interne de référence, à son chef de service, à un responsable pédagogique, ou à la scolarité", énumère-t-elle. Pierre Dubus, doyen de la faculté de Bordeaux, reçoit ainsi les étudiants qui pensent à se réorienter. "Souvent, ils ont déjà rencontré leur coordonnateur d'année", rapporte-t-il. Pour Loïs, "toutes ces personnes sont plus à même de nous aider à prendre du recul, car elles connaissent les difficultés de ces études".

"Nous conseillons aux étudiants qui baissent les bras de prendre un semestre de disponibilité", indique également Nathalie Tedesco. 

Mettre à profit sa césure et ne pas se précipiter

Les mois de disponibilité doivent être mis à profit pour mieux reprendre ou mieux se réorienter, tout en laissant une "porte ouverte". Partie aux États-Unis en tant que fille au pair, Julie a suivi des cours et a ainsi découvert sa nouvelle vocation : le journalisme. Loïs en a profité pour créer son auto-entreprise de création de bijoux. Marjorie a attendu d'être certaine de sa réorientation pour confirmer sa démission. Elle s'est finalement tournée vers la pâtisserie, sa passion, qui deviendra son métier après son année d'apprentissage. "Je n'ai pas pris ma décision sur un coup de tête : je me suis renseignée sur ce métier, en discutant avec des pâtissiers, j'ai fait deux stages... Il ne faut pas se précipiter", conseille-t-elle.
Une fois la décision arrêtée, les étudiants en quatrième année ou plus devront officialiser leur démission par une lettre recommandée. N'étant pas salariés hospitaliers les années précédentes, ils seront considérés comme absents, et pourront éventuellement redoubler.

Autres solutions : le droit au remords et les équivalences

Des réorientations au sein même des études de médecine existent, grâce aux passerelles et au droit au remords (se tourner vers dentaire, pharmacie ou sage-femme même si l'on avait choisi médecine à l'origine, ou changer de spécialité une fois l'internat commencé). Les places sont toutefois extrêmement limitées et les conditions très strictes.

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Après six mois de césure, Tiphaine, 24 ans, est convaincue de vouloir arrêter la médecine. "Mais mes parents voudraient que je fasse ma sixième année, pour obtenir une équivalence". À l'issue de la troisième année, les étudiants valident en effet une licence, et un master après six ans. Des équivalences qui permettent de passer vers un autre cursus sans nécessairement reprendre depuis la première année. "Mais les réorientations en dehors de la santé sont limitées, prévient Pierre Dubus. Toutefois, il est parfois possible d'entrer en deuxième année de fac de psychologie ou de mathématiques, par exemple. On indique aussi aux étudiants les filières médicales ou paramédicales qui ne sont pas nécessairement 'médecine' : psychomotricité, biologie médicale...".

Sans regret

Loïs, Marjorie, Julie : aucune d'elles ne regrette sa décision. Loïs fait grandir sa petite entreprise depuis quatre ans, Julie a déjà signé deux CDI (contrats à durée indéterminée), cinq ans à peine après avoir été diplômée d'une école de journalisme, et Marjorie a passé les fêtes de Noël aux fourneaux. "On a le droit de se tromper, conclut la jeune pâtissière, il n'y a pas d'erreur mais uniquement des expériences."

 

* Le prénom a été modifié à la demande du témoin.

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