Reportage

Dans les coulisses d’un oral blanc de L.AS : "Il y a des questions que je n'ai pas anticipées"

Cléane, 20 ans, est en deuxième année de L.AS sciences de la vie.
Cléane, 20 ans, est en deuxième année de L.AS sciences de la vie. © Valentine Daléas
Par Valentine Daléas, publié le 17 mai 2023
8 min

À la faculté de médecine de Sorbonne Université, à Paris, le tutorat organise, pendant deux semaines, des oraux blancs pour préparer les étudiants en L.AS à intégrer les études de santé. L'Etudiant a suivi Cléane qui espère entrer en médecine à la rentrée prochaine.

Ce vendredi après-midi, au 91 boulevard de l'hôpital, à Paris (75) la tension monte. Plusieurs étudiants patientent dans les longs couloirs de la faculté de médecine de la Sorbonne, située juste à côté de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière. Parmi eux, Cléane, 20 ans, en deuxième année de L.AS (licence avec option accès santé) sciences de la vie. Un bandana sur la tête et ses fiches dans la main, l'étudiante attend son tour pour passer devant le jury.
À quelques semaines de l'examen final, comme plus de 130 étudiants en L.AS, Cléane passe un oral blanc. Contrairement aux étudiants en PASS (parcours spécifique accès santé), ceux en L.AS peuvent choisir, ou non, de postuler aux études de santé. Ils ont deux essais pour parvenir à intégrer l'une des cinq filières – la médecine, la maïeutique, l'odontologie, la pharmacie ou la kinésithérapie-, en fin de L.AS 1, 2 ou 3.
Le tutorat de la faculté les aide donc à s'y préparer. D'ailleurs, même s'il s’agit d’un oral blanc, la pression se faire sentir pour la jeune femme, juste avant de passer devant le jury. "Je n’étais pas stressée de toute la journée, mais là ça vient d’un coup en attendant", confie-t-elle, avec un sourire crispé.

La "peur de ne pas savoir"

À Sorbonne Université, l'entretien des étudiants en L.AS se déroule en deux temps : cinq minutes de présentation et quinze minutes de questions-réponses. Un échange basé en partie sur la lettre de motivation que chaque candidat a dû fournir en amont au jury.
C’est cette deuxième partie qui rend Cléane particulièrement nerveuse : "J’ai peur de ne pas savoir quoi répondre, j’ai toujours peur de ne pas savoir". L’étudiante a déjà passé l’oral l’année dernière, alors qu'elle était en PASS, mais sans succès. "Je n’ai pas eu une bonne note alors que je pensais avoir fait du bon travail, admet-elle. Je suis plus préparée cette année."

Défendre son projet d'orientation en médecine

Un peu après 15 heures, c’est le moment pour elle d’entrer dans la salle. L'étudiante s’installe à une table, un peu intimidée, face aux huit membres du jury. Tous sont en deuxième année de médecine et membres du tutorat. Malgré l'esprit bon enfant, le vouvoiement est de rigueur et l'instant parait presque solennel.
Cléane débute son oral en se présentant. "Plus jeune, j’ai toujours eu un intérêt pour la biologie et les sciences." Elle évoque ses raisons pour devenir médecin, sa "fascination pour la complexité du corps humain" et fait réagir le jury lorsqu’elle annonce vouloir courir le prochain semi-marathon.
L’étudiante présente deux spécialités pour cet oral : médecine générale pour être "au centre de la prise en charge du patient", et neurologie. "Ce qui est sûr, c’est que je veux faire partie du corps médical", conclut-elle, après avoir légèrement dépassé le temps imparti.

Un ping-pong verbal de 15 minutes

À peine Cléane a-t-elle le temps de poser ses lunettes sur la table que les questions fusent. Des classiques, d’abord. "Pourquoi êtes-vous passionnée par la médecine ?", "Pourquoi avoir évoqué la neurochirurgie dans votre lettre de motivation ?" L’étudiante s’en sort plutôt bien. Mais se retrouve en difficulté quand les membres du jury pointent la contradiction entre la polyvalence de la médecine générale et la spécialisation en neurochirurgie. Son projet professionnel est passé au crible. Le jury insiste sur les autres métiers qui pourraient l'intéresser. Cléane présente la maïeutique : "C'est ce qui se rapproche le plus de médecin. Je ne me vois pas être kiné ou dentiste, ça ne m'intéresse pas." Une réponse qui laisse les étudiants en deuxième année de médecine un peu erberlués.
Ils s’intéressent ensuite à son cursus en licence, à sa connaissance et sa vision de la médecine générale, à son intérêt pour la recherche. D’autres questions surprennent Cléane : "Pourquoi l’empathie est-elle une qualité indispensable pour un médecin ?", "Quelle est la différence avec la sympathie ?". Si elle parvient à répondre à la première, la jeune femme admet ne plus se souvenir de la différence entre les deux termes.
L’un des membres du jury l’interroge sur ses défauts. Voyant que la candidate a du mal à répondre, il ne s’embarrasse pas de filtres : "Y a-t-il une raison pour laquelle vous n’avez pas réussi votre PASS ?" L’étudiante en L.AS rebondit et admet avoir eu "du mal à se remettre dans le deuxième semestre" et assure s'être corrigée depuis. Après quinze minutes de ping-pong verbal, il est temps pour l'étudiante de quitter la salle.

Un entrainement difficile à vivre

"C’était horrible. Il y avait des questions que je n’avais pas anticipées." L'étudiante tente néanmoins de garder un esprit positif : "Au niveau du temps, pour la présentation, j’étais pas mal." Et se projette déjà vers la suite : "Je vais bosser toutes les questions, je vais m’inspirer de ce qu’ils viennent de dire et relire ma lettre de motivation".
Selon elle, la charge de travail est parfois un peu trop lourde à porter, surtout en fin d'année. Car en plus de postuler aux études de santé, il faut aussi gérer les partiels pour valider son année de licence. "Je ne leur ai pas dit à l’oral mais, psychologiquement, cette année a été très dure pour moi. Bosser 15 heures par jour pour quelque chose que je ne veux pas faire [une licence de sciences de la vie, NDLR], c’est dur."
D'autant que c’est la dernière fois qu'elle peut tenter d’entrer en médecine : "Je joue tout là, c’est tout ou rien".

"Dans un oral, on se souvient de la fille de la poissonnerie, pas de celle qui veut faire neurochirurgie"

Pendant ce temps, de l'autre côté de la porte, le jury débriefe. S’il regrette un "oral impersonnel", avec "beaucoup de banalités", il note aussi que Cléane "fait des trucs intéressants" mais qu'elle ne développe pas comme la gymnastique rythmique qu'elle pratique à haut niveau, son travail saisonnier dans une poissonnerie, sa pratique de la peinture… "Dans un oral, on se souvient de la fille de la poissonnerie, pas de celle qui veut faire neurochirurgie. Il faut qu'elle s'en serve, ça lui a apporté plein de compétences", souligne l’une des membres du jury.
C’est d’ailleurs le premier conseil que le jury donne à Cléane à son retour dans la salle. "Le jury voit une dizaine de candidats par jour, il faut le marquer." Et lui recommande de mettre en avant "des choses qui ne sont qu’à toi".
Globalement, le ton est encourageant : "Renseigne-toi davantage sur les filières : dans le jury, tu peux avoir un dentiste, un pharmacien, un kiné… Il faut que tu sois moins radical dans tes réponses", explique un étudiant. "On a l'impression que pour toi, il n'y a pas mieux que médecine et que la L.AS ne t'a servi à rien, mais tu ne peux pas garder cette vision-là, il faut trouver le juste équilibre", poursuit une autre avant de conclure. "Il n’y a pas de raison, tu as de quoi faire un très bon oral." Encore quelques semaines d'entraînement pour faire de son mieux le jour J !

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