Déserts médicaux : le gouvernement n'imposera pas de contrainte à l'installation pour les futurs médecins

Les futurs médecins resteront libres de s'installer où ils le souhaitent, annonce François Bayrou. En revanche, pour tous les médecins, quelques jours par an devront être dédiés à des consultations dans les zones où l'accès aux soins est très dégradé. La formation des médecins sera aussi revue.
Pour lutter contre les déserts médicaux, le Premier ministre veut reprendre la main, avec une série d'annonces concernant les étudiants en médecine, les médecins, mais aussi les pharmaciens et les infirmiers, présentées à Puycapel (Cantal), ce vendredi 25 avril. François Bayrou y est accompagné de plusieurs ministres dont Philippe Baptiste, ministre chargé de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, et Yannick Neuder, ministre chargé de la Santé et de l'Accès aux soins.
Alors que plusieurs projets de loi sont en cours d'examen sur la question de l'accès aux soins, le gouvernement, qui veut agir vite et s'appuyer sur ces projets de loi, prend position avec un "plan global".
Deux jours par mois de consultations en zone sous-dense pour tous les médecins
Victoire pour les étudiants en médecine : il n'est pas envisagé de mettre fin à la liberté d'installation des médecins. Selon une source gouvernementale, le Premier ministre a entendu les arguments des étudiants et des jeunes médecins, fortement opposés à cette mesure. "C'est une piste qu'on ne souhaite pas poursuivre", en raison des "effets non désirables" et car elle "ne règlerait pas tous les problèmes".
En revanche, chaque médecin - généraliste ou spécialiste et quelque soit son lieu d'exercice - devra consacrer "quelques jours par an" et "jusqu'à deux jours" par mois à des consultations dans les zones les plus en tension sur l'accès aux soins. Ces "zones rouges" doivent être identifiées, d'ici fin mai, département par département, par les ARS , les préfets et les élus locaux.
Ces acteurs définiront les besoins en compétences, ainsi que les modalités (téléconsultation). Des "compensations financières" seront proposées aux médecins qui répondront à cette obligation. "A contrario, ceux qui refusent se verront pénalisés", précise une source gouvernementale. Le gouvernement souhaite, au total, dégager 30 millions de consultations par an pour ces territoires. Un encadrement législatif est prévu prochainement.
Cette proposition, présentée comme étant construite en concertation avec les parties prenantes, pourrait calmer la grogne des internes et des jeunes médecins qui prévoient une grève illimitée, à compter du 28 avril, avec des manifestations prévues le mardi 29 avril.
Former davantage de professionnels de santé
Pour augmenter à plus long terme le nombre de médecins dans les déserts médicaux, le gouvernement veut former davantage de médecins, dès 2026 en priorisant les besoins de santé des territoires dans la définition du nombre de place minimal à ouvrir en 1ère année d'études de santé.
L'objectif est d'accueillir 20% d’étudiants en santé en plus sur tout le territoire d’ici 2030. Une conférence nationale de Santé, prévue en 2025, permettra de définir les objectifs de formation à horizon 2026-2030 sur la base des besoins de santé des territoires.
Accès aux études de santé : simplifier le modèle et le déployer sur tout le territoire
Le gouvernement souhaite également diversifier l'origine géographique des étudiants en ouvrant, en 2026, une première année d'études de santé dans tous les départements (contre 75% aujourd'hui) pour recruter plus d'étudiants dans les zones éloignées des grands centres urbains. Puisque les médecins s'installent bien souvent près des lieux où ils ont grandi ou étudié, cela apporterait un élément de solution pour les zones rurales et les QPV , même si certains observateurs s'inquiètent des moyens nécessaires pour déployer cette mesure.
Le gouvernement propose de choisir le format en fonction des moyens et des besoins de ces 24 départements non couverts : antenne universitaire, parcours adapté au sein d'une formation existante… Le tout, en s'appuyant sur des campus connectés, des Cordées de la réussite et sur un élargissement, dès 2026, des options santé expérimentés dans certains lycées.
Par ailleurs, le gouvernement confirme la nécessite de simplifier et d'harmoniser "à court terme" les modalités d'accès aux études de santé : le système PASS/LAS, créé en 2021, étant trop complexe, illisible et hétérogène d'une université à l'autre. L'objectif serait de tendre à un modèle national d'accès unique aux études de santé, avec la possibilité de candidater aux études de santé chaque année du cycle de licence.
Études de médecine : d'autres mesures pour lutter contre les déserts médicaux
Selon le gouvernement, d'autres leviers, durant les études de médecine, pourraient permettre de répondre rapidement aux problématiques des déserts médicaux. Il reprend en partie des propositions émises par les organisations professionnelles et les syndicats d'étudiants.
La première est de développer massivement les stages en territoire sous-dense, à partir de 2025, afin de lever les freins à exercer hors des centres urbains. L'objectif est donc que l'ensemble des étudiants en médecine réalisent un stage hors CHU et un stage en zone sous-dense, durant leur 2e et 3e cycle. Pour cela, le gouvernement souhaite renforcer les capacités d’encadrement universitaire dans les territoires, mais aussi développer les internats ruraux pour les campus santé délocalisés et les aides à la mobilité.
Parmi les autres pistes figurent :
la création de la 4e année d'internat de médecine générale, qui doit permettre de déployer 3.700 docteurs juniors dès novembre 2026, particulièrement dans les territoires prioritaires, contre une valorisation "à hauteur de leur engagement", indique Yannick Neuder.
le fait de faciliter l'intégration des étudiants français partis étudier en Europe, via un "parcours d’atterrissage", précise le ministre et après une vérification de leurs compétences.
réformer l'intégration des Padhue , en simplifiant les épreuves de vérification des connaissances, dès 2025.
favoriser les passerelles, pour intégrer des diplômés d'autres formations en 2e cycle des études médicales.
Les autres professionnels de santé sont aussi concernés par ces annonces : sages-femmes, pharmaciens, orthophonistes, audioprothésistes, pédicures-podologues, masseurs-kinésithérapeutes pourraient se voir confier des délégations d'actes médicaux.
Côté infirmiers, les compétences des IPA en termes de primo-prescription et de renouvellement d'ordonnance seront définis prochainement par un arrêté. Plus généralement, le métier d'infirmier doit faire l'objet d'un nouveau référentiel, qui fait lui -même l'objet d'un projet de loi.
Un nouveau statut de "praticien territorial de médecine ambulatoire"
Le gouvernement propose de créer un statut de "praticien territorial de médecine ambulatoire" pour les jeunes médecins en début de carrière souhaitant s’installer en zone rouge. Il s’agira d’un engagement d’exercice de deux ans minimum, dans ces territoires, avec une garantie de revenu et une exonération de jours de solidarité territoriale. Ce statut n’a pas vocation à permettre l’accès au secteur 2, précise le gouvernement.
Par ailleurs, pour rendre les territoires plus attractifs, des aides seront proposées pour faciliter l'installation, en matière de logement et de grade d’enfants.
Cette annonce reprend certains éléments de la proposition de créer un assistanat territorial, avancé par la Conférence des doyens de médecine et les organisations des étudiants de médecine