Face à la baisse des postes d’internat, la colère des futurs médecins gronde
Dans un contexte de réforme du second cycle, le nombre de candidats à l’internat de médecine a baissé et avec lui, le nombre de postes. Le gouvernement n’a ouvert que 7.974 places, contre près de 9.500 l’an dernier (-16%). Les étudiants, qui attendent les dernières affectations pour le 10 septembre, dénoncent "une profonde injustice".
Lorsqu’elle a découvert le nombre de postes pour les internes de médecine, Julie a pris un coup. "C'était mi-juillet, j’ai passé l’été à faire des simulations, à peser le pour et le contre. Actuellement, toutes mes pensées vont vers mon choix de spécialités", explique la jeune femme, en 6e année de médecine à Lille (59).
Elle fait partie de la promotion des futurs internes en médecine et intégrera son poste en novembre prochain. Une promotion qui est la première à connaître la réforme du second cycle avec les EDN puis les ECOS .
Mais la promotion de Julie connaît aussi une diminution importante des postes d’internes ouverts, avec plus de 1.500 postes en moins. Alors que l’année dernière, on comptait 9.484 internes, ils ne seront que 7.974 à prendre leurs fonctions en novembre prochain.
Moins de postes en internat de médecine pour moins de lauréats
C’est justement cette réforme qui aurait découragé un certain nombre d’étudiants en médecine. Environ 1.000 d'entre eux ont souhaité redoubler leur 4e ou 5e année afin d’éviter d’inaugurer ces épreuves dont on ne savait que peu de choses à l’époque.
Ce taux de redoublement serait de 7% contre 3% habituellement, selon la conférence des doyens de médecine. "La réforme n’a cessé d’évoluer tout au long du cursus, souligne Lucas Poittevin, président de l’ANEMF . Parfois avec des ajustements et changements à quelques jours des épreuves." Quelque 400 étudiants, soit 2% des candidats, ont échoué à obtenir la note minimale de 14/20.
Cette situation explique un plus faible nombre de lauréats et donc, une diminution des postes d’internes de médecine, fait valoir le gouvernement démissionnaire.
"Non, le gouvernement n'a pas supprimé de postes, expliquait Frédéric Valletoux, ministre délégué démissionnaire chargé de la Santé et de la Prévention, le 16 août dernier sur X. Les gouvernements ont toujours ajusté le nombre de postes d'internes au nombre d'étudiants qui passent et réussissent leurs examens."
❌ Réforme d’entrée à l’internat de médecine : non le gouvernement n'a pas supprimé de postes.
— Frédéric Valletoux (@fredvalletoux) August 16, 2024
Cette année, 7817 étudiants ont été reçus aux épreuves nationales. Soit 1500 de moins qu'en 2023.
Comme chaque année, le gvt ajuste les postes en fonction du nombre de lauréats. #CQFD pic.twitter.com/CVqdeO88j7
Une pétition pour dénoncer une "profonde injustice"
Mais l’exaspération et la colère grondent sur les bancs des facultés de médecine. Une pétition, publiée le 8 août par une étudiante, atteint près de 60.000 signatures 20 jours plus tard. "Les rangs limites pour accéder à la plupart des spécialités ont bondi de 1.000 places au moins lors de nos premières simulations de choix. Par exemple, un étudiant qui souhaite faire un internat de chirurgie digestive à Paris doit être aujourd’hui classé parmi les premiers 23% de sa promotion, contre 35% l’année passée. Cette différence est inacceptable", souligne le texte en déplorant une "profonde injustice".
Julie, signataire de cette pétition, songe à d’autres spécialités. "Une sorte de plan B mais au fond, ce ne sont pas des carrières qui me tentent", soupire la future médecin qui regrette désormais son rang, qu’elle ne trouvait pourtant "pas si mal initialement". Comme ses camarades, elle attend son affectation finale, le 10 septembre prochain.
Inquiétude dans les services des hôpitaux
Pour l’ANEMF, si la colère et l’exaspération des étudiants sont compréhensibles, "il est normal d’adapter le nombre de postes aux candidats et lauréats du concours, explique Lucas Poittevin. Car sinon, certaines spécialités, notamment celles qui attirent le moins, risquent de se retrouver sans internes."
Toutefois, l’association a demandé au gouvernement de rouvrir des postes dans les spécialités où la proportionnelle n’avait pas été adoptée, comme la chirurgie plastique et la médecine générale. "Mais, des réponses que nous avons eues, le gouvernement souhaite respecter les arbitrages pris."
Le président de l'ANMEF soulève aussi une autre inquiétude quant à la diminution des postes d’internat : celle des conditions de travail des futurs internes. "C’est un point de vigilance que nous avons, tout comme les syndicats d’internes. Il ne faut pas que cette diminution des postes ait une conséquence sur le respect des règles et du droit, comme les jours de repos ou le temps de travail hebdomadaire des internes."
Il faut dire que cette diminution des postes n’inquiète pas seulement les étudiants : comment vont fonctionner les hôpitaux publics alors que, selon plusieurs syndicats, les internes représentent 40% des effectifs médicaux ? Dans le contexte de crise de l'hôpital, le sujet est bien sensible.