Décryptage

Grève des internes en médecine : ce qu’il faut savoir sur la réforme du 3e cycle

Des internes de medecine au sein de l'hopital Henri Mondor a Creteil.
Des internes en médecine à l'hôpital Henri-Mondor, à Créteil (94). © Anthony MICALLEF/HAYTHAM-REA
Par Aurore Abdoul-Maninroudine, publié le 25 avril 2017
1 min

En grève depuis lundi 18 avril 2017, les internes de médecine ont lancé une pétition dénonçant la réforme du 3e cycle, prévue pour la rentrée 2017. L'occasion de revenir en détail sur ce qui devrait changer.

Les internes en médecine sont en grève. Près de 18 % d'entre eux (médecine générale incluse) et 40 % des internes de spécialité ont répondu présent, selon l'ISNI (Inter-syndicat national des internes), à son appel à la mobilisation lancé le 18 avril 2017. Depuis, le mouvement se poursuit et le syndicat lance une pétition dénonçant la réforme du 3e cycle de médecine. Mise en ligne le 20 avril 2017, celle-ci compte plus de 3.300 signataires à ce jour.

Une réforme pour la rentrée

Les premiers textes d'application de la réforme ont pourtant déjà été publiés au “Journal officiel”, et celle-ci doit être mise en œuvre à la rentrée 2017. Elle concernera les étudiants de médecine passant cette année les ECN (épreuves classantes nationales). Environ 30.000 internes exercent aujourd'hui dans les hôpitaux français.

Dans le texte introduisant la pétition, l'ISNI décrit la réforme comme étant “d'inspiration comptable et amputant la formation des médecins”.

Pourtant, la Conférence des doyens de médecine et l'ANEMF (Association des étudiants en médecine de France) rejettent l'idée d'un report de la réforme. “Cela fera bientôt dix ans que l'on travaille sur ce dossier, rappelle Jean-Luc Dubois-Randé, le président de la Conférence. La réforme apporte des améliorations réelles et nombreuses à la formation des médecins, même s'il y a des choses à améliorer.” De même, pour l'ANEMF, tout report serait “plus dévastateur que salvateur”, en raison “des conséquences sur la procédure d'affectation des néo-internes”.

Lire aussi : Médecine : ils racontent leur premier jour d'internes

44 diplômes d'études spécialisées

L'objectif de la réforme est d'avoir une formation plus centrée sur les compétences, avec une professionnalisation “plus précoce et plus complète”. Dans cette perspective, le DES (diplôme d'études spécialisées) sera désormais le diplôme nécessaire et suffisant à l'exercice de la spécialité, les diplômes d'études spécialisées complémentaires étant supprimés.

Au total, il y aura 44 DES et la réforme se caractérise par la création de cinq nouveaux diplômes (allergologie, médecine d'urgence, gériatrie, médecine légale…) et de trois nouveaux co-DES.

La durée des DES variera de 3 à 6 ans :

  • 3 ans pour la médecine générale, car ce DES ne comporte pas de phase de consolidation.
  • 4 ans pour les spécialités médicales (certaines spécialités seront en 5 ans).
  • 6 ans pour les spécialités chirurgicales.

Les internes auront également la possibilité de choisir des options propres à chaque DES ou des FST (formations spécialisées transversales) communes à plusieurs DES.

Lire aussi : Le classement des villes et des spécialités préférées des internes

Les trois phases du DES

Surtout, le DES sera divisé en trois phases :

  • une phase socle (1 an), devant permettre à l'interne de travailler tout de suite dans sa spécialité grâce à un stage de 6 mois ;
  • une phase d'approfondissement (de 2 à 3 ans), à l'issue de laquelle la thèse devra être soutenue ;
  • une phase dite de consolidation (de 1 à 2 ans), au cours de laquelle l'étudiant sera en “autonomie supervisée”. Il devra effectuer un stage de 1 an au sein d'un même service ou, par dérogation, deux stages de 6 mois. L'étudiant devra également rendre un mémoire de DES.

Quel statut pour les internes en phase de consolidation ?

C'est cette phase 3 qui inquiète l'ISNI. Ayant soutenu sa thèse, l'étudiant pourra s'inscrire sur une liste spécifique à l'Ordre des médecins, mais ne sera véritablement docteur qu'à la fin de son DES. Plus simples internes, mais pas encore médecins, les étudiants en phase 3 seront dans un entre-deux juridique… Le syndicat craint que l'étudiant ne soit considéré comme responsable des actes médicaux réalisés.

Le ministère des Affaires sociales et de la Santé assure que le principe de cette “autonomie supervisée” est de permettre à l'étudiant deréaliser seul des actes, mais sous la responsabilité de son maître de stage et le régime de supervision”. Un décret en Conseil d'État, en cours d'élaboration, doit définir ce statut. Celui-ci devrait être similaire à celui des assistants spécialistes, qui désigne actuellement les jeunes médecins diplômés qui décident d'enchaîner sur un assistanat à l'hôpital.

Sur ce point, l'ISNI dénonce “la confusion ambiante” : “Nous aimerions avoir l'assurance que les assistanats tels qu'ils existent aujourd'hui, après l'internat, ne seront pas supprimés”, détaille Abdellah Hedjoudje, vice-président chargé de l'enseignement supérieur du syndicat. Près de 95 % des internes spécialistes suivent en effet, après leur internat, deux années d'assistanat. Des inquiétudes que ne comprend pas Jean-Luc Dubois-Randé, qui estime que l'ISNI est à l'origine d'“une campagne de désinformation sans précédent”.

La durée de certains DES fait débat

Autre objet de récrimination, dans certaines spécialités (cardiologie, hépato-gastro-entérologie, néphrologie…), les internes souhaiteraient que leurs maquettes de formation passent de 4 à 5 ans. “Au moment où la médecine se complexifie, c'est la santé des Français qui est en jeu”, insiste Abdellah Hedjoudje.

De son côté, Jean-Luc Dubois-Randé estime que la durée des DES n'est pas figée : “Il n'est plus possible de modifier les maquettes pour la rentrée 2017, mais elles seront ensuite révisées chaque année. À cette occasion, la durée du DES pourra être discutée.” Le président de la Conférence des doyens met également en avant le fait que la réforme a pour objectif de “placer les praticiens auprès des patients : la formation ne doit pas être pensée que pour les médecins exerçant à l'hôpital”. Une philosophie qui n'est pas du goût de l'ISNI, pour qui la formation des médecins doit être la même pour tous, quel que soit le type d'exercice choisi.

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