Décryptage

Grève des internes : "La quatrième année de médecine générale est une année d'exploitation"

Grève des internes de médecine générale quatrième année
Les syndicats étudiants réclament "le retrait de cette mesure", "contreproductive", assurent-ils. © Nicolas Tavernier/REA
Par Pauline Bluteau, publié le 13 octobre 2022
6 min

Ce vendredi 14 octobre 2022, étudiants, externes et internes en médecine sortent dans la rue pour dénoncer la mise en place d'une quatrième année d'internat en médecine générale. Une année supplémentaire d'études qui se déroulerait en stage ambulatoire, en priorité dans les déserts médicaux, afin de "parfaire" les compétences des futurs généralistes.

"C'est une goutte d'eau qui a fait déborder un vase déjà bien rempli", constate Raphaël Presneau, président de l'Intersyndicale nationale autonome représentative des internes de médecine générale (ISNAR-IMG). Fin septembre 2022, le gouvernement a confirmé sa volonté d'ajouter une quatrième année d'internat en médecine générale.

Il y a une semaine, les représentants des internes en médecine générale, accompagnés de l'Intersyndicale nationale des internes (ISNI) et de l'Association nationale des étudiants en médecine de France (ANEMF), ont lancé un appel à la grève à partir du vendredi 14 octobre 2022. "On demande le retrait de cette mesure. On veut montrer qu'on est concerné et que c'est trop !", soutient le président de l'ISNAR-IMG, également interne à Nantes (44).

La quatrième année de médecine générale refait surface

Annoncée sans être vraiment officialisée en avril 2017 avec la mise en place de la réforme du troisième cycle des études de médecine, la quatrième année de médecine générale était un peu restée sous le tapis. "La loi mentionne trois phases en internat de médecine : une phase socle, une phase d'approfondissement et une phase de consolidation. En médecine générale, nous n'avons pas de phase de consolidation, donc cette quatrième année était implicite. Mais cela n'a jamais été une demande des internes, on ne nous a pas laissé le choix", explique Raphaël Presneau.

L'annonce est donc arrivée comme un cheveu sur la soupe le 25 septembre dernier lorsque la ministre de l'Enseignement supérieur, Sylvie Retailleau, et son homologue à la Santé, François Braun, ont annoncé la mise en route de la réforme pour les nouveaux internes en médecine générale à la rentrée 2023. Une quatrième année censée "parfaire une formation polyvalente et exigeante et pas pour envoyer au front des jeunes recrues", a rappelé le ministre de la Santé lors d'un colloque le 29 septembre.

Les internes en médecine craignent un nouveau fiasco

Les deux ministères ont également annoncé le lancement d'une mission pour "préciser les modalités de mise en œuvre" de la réforme. Pour l'instant, il s'agirait d'une dernière année d'études professionnalisante où les internes réaliseraient leur stage en ambulatoire, en priorité dans les déserts médicaux, sous la supervision de maîtres de stage, déjà trop peu nombreux. "Le développement en zone sous-dense sera encouragé. C'est une incitation et pas une coercition", martelait François Braun le 29 septembre, soutenu par la Conférence des doyens de médecine.

Mais du côté des représentants étudiants, le manque de dialogue ne passe pas. L'ISNI dénonce "la méthode du gouvernement qui a voulu imposer de force ce projet de loi. […] Les considérations pédagogiques étant reléguées au second plan voire inexistantes."

Pour Raphaël Presneau, le projet manque aussi de cohérence avec la réalité du métier. Imposer des stages aux futurs médecins généralistes alors que tous n'exerceront pas en cabinet n'a pas de sens. "Il faut que cette quatrième année respecte le projet professionnel des internes. Là, c'est une année d'exploitation. La réforme n'a pas arrêté d'être repoussée parce qu'il n'y a pas de contenu pédagogique clair."

Après le "fiasco" de la réforme du premier cycle des études de santé avec l'instauration des PASS et L.AS puis la réforme du deuxième cycle avec la suppression des ECN, les inquiétudes sont bien présentes. "Les étudiants sont dans le flou, il n'y a pas de cadrage et on refait la même chose. Ça ne peut qu'être délétère", estime le président de l'ISNAR-IMG.

Moins de médecins généralistes en perspective ?

Pour l'ANEMF, représentant les étudiants du premier cycle et les externes, la réforme s'annonce problématique sur le long terme. Selon l'association, le gouvernement "priorise des annonces politiques à la construction d'un avenir pérenne". "On n'a pas assez de médecins, on a un problème d'effectif plus que de répartition, confirme Raphaël Presneau. Les internes le disent déjà, dans ces conditions, ils vont se tourner vers d'autres modes d'exercice, il y aura encore moins de médecins traitants. C'est contreproductif."
Il l'affirme, les étudiants ne pourront pas, à eux seuls, résoudre la problématique des déserts médicaux. "Les solutions, on les a apportées mais on n'a pas été écouté", se désespère le président de l'ISNAR-IMG. La grève semble donc être le seul moyen de pression des internes.

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