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Témoignage

Les étudiants en kiné face aux inégalités de frais de scolarité

Les étudiants en kiné ne sont pas tous égaux face aux frais de scolarité.
Les étudiants en kiné ne sont pas tous égaux face aux frais de scolarité. © YURII MASLAK / Adobe Stock
Par Léa Fournier, publié le 07 mai 2025
1 min

Plus d'un étudiant kiné sur trois sort diplômé avec un prêt à rembourser, selon la Fédération nationale des étudiants en kinésithérapie. Car, si certains établissements sont quasi gratuits, d'autres facturent 15.000 euros par an : des inégalités qui suscitent un sentiment d'injustice. Témoignages.

40.000 euros : c'est le montant du prêt étudiant qu'Elise, 21 ans, a dû contracter pour payer son école de kinésithérapeute. Aujourd'hui étudiante en troisième année dans le seul IFMK privé de sa région, elle doit faire face à des frais de scolarité annuels de 7.200 euros.

"Je ne pensais pas du tout que ces études seraient payantes, je l'ai su en faisant mon inscription", précise-t-elle. La jeune femme a été affectée à cet institut après une année en STAPS à l'université, où les frais de scolarité se situent autour de 200 euros.

Raison de plus d'être surprise : certains instituts de kiné sont presque gratuits. En revanche, d'autres instituts avoisinent les 15.000 euros par an.

Un sentiment d'injustice pour les étudiants dans le privé

Lorsqu'elle a appris que les études étaient gratuites dans le seul autre IMFK - public - de la région, elle était "hyper étonnée ! Et ça m'a vraiment donné un sentiment d'injustice", souffle Elise. Sur plus de 12.000 étudiants en kiné, 7.000 se retrouvent dans le privé – dans des écoles à but non-lucratif ou lucratif.

"On a le même enseignement et le même diplôme que dans le public. Pourtant, on aura déboursé des milliers d'euros… On ne commence pas notre vie professionnelle à égalité : l'objectif pour nous, ce sera surtout de rembourser nos prêts."

Un sentiment d'injustice amplifié par le fait que les étudiants ne sont pas toujours en mesure de choisir leur institut de formation. "Les étudiants sont répartis un peu aléatoirement dans les écoles, après le concours de première année commune aux études de santé. Ils n'ont donc pas d'autre choix que de payer le prix qu'on leur impose", explique Louise Lenglin, présidente de la FNEK .

En effet, leur intégration dépend des éventuelles conventions entre leur formation d'origine et l'institut de kiné, mais également des résultats obtenus : les meilleurs étudiants ont davantage de chances de voir accepter leur premier vœu. Or, les formations plus demandées sont justement celles des instituts publics.

"Aujourd'hui, on est à plus d'un étudiant sur trois qui a un prêt à rembourser à la sortie du diplôme. Des prêts qui s'élèvent à environ 25.000 euros en moyenne. Certains dépassent les 60.000 euros", précise Louise Lenglin.

Une harmonisation toujours en attente

La situation devient de plus en plus inacceptable pour ces étudiants. Depuis mars 2023, un arrêté indique que les établissements doivent pratiquer les droits d'inscription universitaires (170 euros en 1re et 2e puis 243 euros en 3e et 4e année), et qu'"aucun frais de scolarité supplémentaire ne peut être demandé aux étudiants des instituts (...) publics". Or, sans soutien financier des régions, certains instituts se voient contraints d'ajouter des frais de scolarité supplémentaires.

En juillet 2023, un engagement du ministère de la Santé prévoyait de travailler la question de l'inégalité des coûts d'accès aux études. Depuis, "aucune action concrète n'a été mise en œuvre", soulignait fin décembre le Conseil national de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes. Dans un communiqué de presse de décembre 2024, l'instance jugeait cette situation "inacceptable, tant pour les étudiants que pour l'avenir de [la] profession et l'accès aux soins sur l'ensemble du territoire".

Soutenus par les professionnels de santé, les étudiants se sont mobilisés en décembre 2024 pour demander des solutions avant janvier 2025. "On a été reçus par le ministère de la Santé, et un groupe de travail a été programmé deux semaines plus tard. Mais il n'y a pas eu de solution trouvée depuis", précise Louise Lenglin.

À l'approche de la fin d'année universitaire, le temps presse : "On a des étudiants qui attendent… Ils nous disent que quand ils sont rentrés en kiné, on leur a promis que ce serait financé et qu'ils n'auront, du coup, pas de quoi payer à la rentrée", explique Louise Lenglin.

Une pression supplémentaire pour les étudiants

Elise, elle, s'est résignée, avec le sentiment d'être "délaissée et pas assez écoutée". "On a une pression énorme. Par exemple, on sait que si on redouble, ce n'est pas prévu dans les calculs du prêt, donc c'est inimaginable…"

Au quotidien, les inquiétudes ne quittent pas la jeune femme : "On se demande sans cesse comment on va finir nos fins de mois, comment on va faire pour payer l'année prochaine si ça augmente encore…"

Un stress auquel s'ajoute celui de son job étudiant. "Je fais de l'intérim pendant les vacances d'été et j'ai un travail un week-end sur deux, raconte l'étudiante. Je peux moins me consacrer à mes études, ça dégrade forcément ma formation…"

Des étudiants qui se réorientent et des places vacantes

Léna* qui souhaite témoigner sous un prénom d'emprunt, vit les mêmes difficultés. Étudiante en Normandie, elle paie 5.000 euros de frais de scolarité chaque année, en plus des frais d'inscription à la fac.

Si ses parents l'aident à payer l'école et son loyer, ils ne peuvent pas faire plus. "Je dois payer la nourriture, l'essence et l'électricité", précise-t-elle. Elle a donc pris un emploi étudiant dans un fast food pour 400 euros par mois.

"Il arrive les dimanches que je finisse à 22h30 et que j'aie des partiels le lendemain à 8h, déplore la future kiné. J'aimerais bien pouvoir réviser plus…" Léna l'affirme : sa situation précaire la pousse à manger moins sainement, voire à sauter des repas

"Le plus déroutant, c'est que les autres filières médicales et paramédicales ne doivent pas payer des frais" souligne-t-elle. "On a beaucoup d'étudiants qui changent d'orientation en découvrant les frais de scolarité ou ne peuvent pas continuer leurs études à cause de ça", ajoute Louise Lenglin.

D'autres choisissent de faire leurs études à l'étranger, en Belgique ou en Espagne par exemple. "On commence à voir apparaître des places vacantes dans certaines écoles", précise la présidente de la FNEK. Comme tous les étudiants, Louise, Elise et Léna attendent ainsi des mesures pour garantir l'égalité des étudiants.

*Le prénom a été modifié.

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