Premières EDN pour les étudiants en médecine : "Un grand soulagement après deux ans de travail acharné"

Pendant trois jours, les quelque 9.000 étudiants en sixième année de médecine ont passé les toutes premières épreuves dématérialisées nationales (ex-ECN). Une étape importante puisque déterminante pour accéder à l'internat l'année prochaine. Alors une fois le concours terminé, place au soulagement, teinté d'un peu de déception pour les candidats.
C'est un mélange de sentiments que décrivent Valentine, Maxime, Léo, Valentin et Quentin. Seulement quelques heures après la fin de ces trois journées d'épreuves, l'adrénaline n'est pas encore redescendue. "C'est la machine à laver ces épreuves, se lamente Maxime, étudiant à l'université Paris Cité. On est bringuebalé sur tout le programme de médecine, ça tire dans tous les recoins du programme, même les plus inattendus."
Des questions inattendues pour les candidats
La surprise, certains candidats s'y attendaient. Depuis cette année, les EDN remplacent les ECN (épreuves classantes nationales). Sur le papier, le principe est quasiment le même : les étudiants répondent à des centaines de questions sur des tablettes, beaucoup de QCM et désormais aussi, des questions à réponse ouverte et courte (QROC).
Mais avec la réforme, les modalités du concours ont été revues, et certaines spécialités, souvent délaissées aux ECN, ont refait leur apparition. Des questions en santé publique, en médecine légale, en psychiatrie ont marqué cette première session et à l'inverse, tous les candidats ont remarqué l'absence de questions en cardiologie, une spécialité phare.
"J'ai été surpris par la teneur des questions. Il y en avait beaucoup en lien avec la néphrologie, l'hématologie, la pédopsychiatrie et la pédiatrie. On a aussi dû répondre plusieurs fois la même chose car les situations décrites étaient assez similaires, c'était étonnant…", décrit Quentin, 23 ans, étudiant à Sorbonne Université à Paris.
Quelle juridiction est la plus compétente pour un patient en cas de préjudice, quelle quantité de lait et à quelle fréquence nourrir un bébé de deux mois et demi, pourquoi l'appareil mesurant la glycémie sur un patient ne fonctionne plus… Autant de situations parfois déroutantes pour les étudiants.
"Globalement, c'était plus compliqué que ce à quoi on pouvait s'attendre. On était confiant par rapport au concours blanc mais là, certaines questions étaient subjectives : qualifier une lombalgie aiguë, mais on entend quoi par 'qualifier' ? L'énoncé n'était pas clair, on ne savait pas où ils voulaient nous emmener", complète Léo, 24 ans, à l'université de Strasbourg. Une déception partagée par Valentin, 23 ans, étudiant à Angers : "On travaille, on veut montrer de quoi on est capable mais avec le stress on va trop vite et on peut faire des erreurs..."
Des EDN validées sans incident, ou presque
De son côté, Valentine, 24 ans, étudiante à l'université de Toulouse 3 se dit plutôt soulagée "après deux ans de travail acharné". "On a eu des milliers de pages à apprendre et on se dit 'tout ça, pour ça'… On sait qu'il y a toujours des questions sans intérêt", rappelle-t-elle.
Pour l'étudiante, ce qui a été le plus difficile pendant ces épreuves, c'est le manque de sommeil. "C'était pas fameux… J'ai dû beaucoup travailler sur la gestion de mon stress ces dernières années pour éviter que mon cerveau se bloque pendant les épreuves", raconte la jeune femme.
Après ces trois jours sous tension, Quentin est lui aussi soulagé : "On s'est donné beaucoup de mal, c'est le bout d'un long chemin de préparation." Lorsque la fin des épreuves a sonné mercredi midi, l'étudiant parisien était surtout content qu'il n'y ait pas eu plus de bugs.
Pourtant, la veille, en fin de matinée, les épreuves ont été interrompues 30 minutes. "Pendant 7-8 minutes, les mains se sont levées dans la salle parce qu'on ne pouvait plus répondre aux questions. On nous a demandé d'éteindre nos tablettes et de nous lever. On est resté 20 minutes à attendre sans comprendre ce qu'il se passait vraiment", raconte Léo.
Le problème technique s'est étendu au niveau national mais les épreuves ont finalement été validées et ont pu reprendre normalement. Si certains ont légèrement perdu leurs moyens, la plupart sont restés concentrés. "Moi, ça m'a carrément reboostée", assure Valentine qui se dit fière d'être "allé jusqu'au bout" de ces épreuves.
Les résultats, décisifs dans le choix de sa spécialité de médecine
Les étudiants recevront les premiers résultats début novembre. En plus de leur note générale aux EDN, ils recevront individuellement leur rang dans chacun des 13 groupes de spécialité. De quoi leur donner une idée de l'affectation qu'ils pourront choisir d'ici l'été prochain.
Maxime vise la spécialité anesthésie-réanimation mais estime qu'il ne l'aura pas. "C'est un mélange de déception et de dégoût, peut-être que je n'ai jamais été taillé pour être une bête à concours. J'ai l'impression qu'on a braqué ma spécialité", explique l'externe qui avait entamé une reconversion professionnelle en médecine.
Léo qui vise aussi l'anesthésie-réanimation est moins intransigeant : "Ce qui est fait est fait, j'essaie de ne pas trop y penser." Moins de pression aussi pour Valentine qui souhaiterait poursuivre en médecine interne à Paris, Valentin qui privilégie la médecine générale près d'Angers et Quentin qui préfère la néphrologie à Paris mais se laisse d'autres options comme l'hématologie ou la pneumologie.
"Je ne me mets pas de limite, je pense que c'est aussi un moyen de me protéger parce qu'il faut aussi attendre le classement et peut-être que le stage va me permettre d'affiner", concède l'étudiant parisien.
Le dernier stage d'externat avant les ECOS
Car contrairement aux étudiants qui passaient auparavant les ECN, l'année est loin d'être terminée pour les étudiants en sixième année. Après les EDN, les cours vont reprendre mais c'est surtout le dernier stage d'externat à temps plein qui risque d'occuper les esprits des futurs internes. Avec en ligne de mire, les ECOS (examens cliniques objectifs et structurés). Une nouvelle épreuve orale que passeront les candidats en mai 2024.
"Je stresse moins pour cette épreuve parce qu'on apprend beaucoup en stage et qu'on pourra davantage montrer ce qu'on sait faire à l'oral", explique Valentine qui se dit bien préparée à l'université de Toulouse 3. Alors que pour Léo, ses derniers ECOS blancs ont été un "fiasco" à Strasbourg. Sans entrainement, l'étudiant se demande encore comment ces épreuves vont pouvoir se dérouler correctement.
Profiter des vacances...sans culpabiliser
Au contraire, Quentin et Valentin n'envisagent même pas les semaines à venir. "Je ne me projette même pas, je vais juste dormir plusieurs jours, partir à Copenhague puis Dublin histoire de changer d'air", assure Quentin.
À la fois content que ce soit terminé, déçu de lui-même et encore dans l'incompréhension de certaines questions, Valentin souhaite désormais profiter de sa "liberté" : "C'est drôle de dire ça mais c'est vrai que sans révision, sans contrainte… ça fait bizarre. La coupure va faire du bien et même si les ECOS restent dans un coin de nos têtes, on ne va pas reprendre le même rythme que ces derniers mois."
Quant à Valentine, elle s'inquiète de ne plus savoir quoi faire sans révisions à mener. "J'ai tellement envie de sortir sans culpabiliser !" "Ça fait deux ans et demi qu'on n'a pas eu de vacances donc là, je remettrai le nez dans les bouquins mais pas avant janvier ou février", s'amuse Léo qui pense déjà à préparer sa valise, direction la Turquie. "Je vais rentrer et… il faudra déjà reprendre le chemin de l'hôpital." Mais chaque chose en son temps !