Reportage

Service sanitaire : les étudiants en santé sensibilisent les lycéens

L'expérimentation clermontoise du service sanitaire
L'expérimentation clermontoise du service sanitaire © Martin Rhodes
Par Martin Rhodes, publié le 31 mai 2018
6 min

Obligatoire à partir de la rentrée 2018, le service sanitaire prend la forme d’une mission concrète de santé publique. Dans ce cadre, des étudiants en santé de l’université Clermont-Auvergne - qui expérimente le dispositif - viennent parler "addictions et fête" à des lycéens. Les premiers se forment à la communication, les seconds en apprennent davantage sur les pratiques à risques.

"On y est. Pas mal, hein ?", s'enthousiasme Alexis en ouvrant en grand les portes du "Foyer", la salle de détente du lycée professionnel Amédée-Gasquet de Clermont-Ferrand. Alexis est externe en odontologie (chirurgie dentaire). Il est accompagné par Hélène, en quatrième année de pharmacie, et Laurie, en médecine après une PACES (première année commune aux études de santé). Étudiants à l'université Clermont-Auvergne, ils ont entre 20 et 22 ans, et ils comptent parmi les 28 étudiants clermontois volontaires pour expérimenter le service sanitaire. Cette action de prévention et de promotion de la santé sera inscrite au programme de la filière santé à partir de la rentrée 2018. Le thème de leur intervention tient en trois mots : "Addictions et fête". Trois mots qui englobent aussi bien toutes les drogues que les pratiques sexuelles à risque.

Il est à peine 8 heures, et la salle de détente est encore calme. Dans quelques instants, une quinzaine d'élèves en seconde bac pro vente prendront place sur les chaises disposées en rond, au milieu d'un baby-foot, d'un billard et d'un espace cafétéria ou l'on sert encas et boissons fraîches. "Avec l'établissement, nous avons opté pour un lieu et un format informels", explique Alexis, avant d'ajouter : "Nous ne sommes pas là pour réprimander, mais bien pour inviter les lycéens à s'interroger, à débattre et à poser des questions dans une ambiance conviviale et détendue". Les adultes sont interdits d'accès.

Un jeu de cartes pédagogique sur les drogues

Le premier groupe de la journée prend place, visiblement sans trop savoir à quoi s'attendre. Alexis embraye, rappelant le thème du débat. Chacun est ensuite invité à se présenter brièvement. On commence par Medhi, un jeune homme souriant habillé comme un footballeur professionnel. Les élèves, qui ont entre 15 et 17 ans, semblent disponibles et partants. Laurie, qui se verrait bien pédiatre, prend le relais. Pour cette séance, elle propose de "définir un cadre de confiance", basé sur la confidentialité et le respect de la parole d'autrui : "Bonne ambiance et bienveillance, pas de jugement et pas d'obligation de prendre la parole. Vous pensez à d'autres règles ?"
Comme pour une dissertation, tout commence par la définition des termes : qu'est-ce qu'une addiction, et quels sont les différents types de dépendances ? Une fois les bases posées, les étudiants en santé décident de lancer une partie de Kancéton, un jeu de cartes pédagogique sur les drogues qu'ils ont découvert dans le cadre de la formation théorique du service sanitaire. La règle est simple : chacun pioche tour à tour une carte et lit tout haut la proposition qui y figure, avant de trancher si celle-ci est vraie ou fausse. La partie commence, avec cette carte tirée par Medhi : "Tout employeur peut soumettre ses salariés à un test de dépendance ?" Les cartes circulent. L'assemblée passe ainsi en revue les produits, les modes de consommation, les effets et les lois. Afin de compléter leurs connaissances, Hélène, Laurie et Alexis jettent parfois un œil sur le livret pédagogique du jeu. Les mains se lèvent, rares sont ceux qui n'interviennent pas. Le deuxième tour est lancé dans l'enthousiasme général.

Plus facile de se confier à des jeunes

Pas évident, de débattre d'un thème aussi personnel que les addictions, qui plus est tôt le matin ! Pourtant, après 1 h 30 d'intervention, les futurs professionnels de santé semblent avoir unanimement convaincu. Jilliane, 16 ans, a "appris plein de trucs" : "Les drogues, je savais que c’était dangereux, mais j’ignorais les risques précis. Maintenant, je sais notamment que l’alcool est la drogue la plus meurtrière". Fatih, 17 ans, est quant à lui catégorique : il ne se serait pas senti aussi à l'aise devant des adultes, de peur que ses propos soient répétés à ses professeurs ou à ses parents. "Le sujet est sensible, mais je n'ai eu aucun mal à me confier et à m'identifier à des jeunes qui ne cherchent pas à sermonner. Les adultes sont trop souvent donneurs de leçons", constate-t-il.

Un plus pour la formation en santé

Le service sanitaire est un dispositif original, dans lequel les intervenants acquièrent eux aussi des connaissances et des compétences. Hélène, qui est en pharmacie, s’exerce ainsi à la prise de parole en public. "Dans mon futur métier, je serai amenée à faire de la prévention et à conseiller des malades, et pourtant aucun cours ne me forme à la communication en santé", déplore-t-elle. Et d’ajouter : "Cette mission est un vrai plus pour la formation des professionnels de santé". Alexis, pour sa part, apprend beaucoup de ses compères qui ne visent pas le même métier que lui. "On se complète dans les interventions. Le service sanitaire nous sort de notre petite sphère médicale, et je suis convaincu que cela peut changer, en bien, notre pratique future", assure-t-il en comptabilisant des petits bouts de papier. En effet, à l’issue de chaque intervention, les étudiants distribuent à chacun une petite bande de papier sur laquelle figure quatre smileys plus ou moins contents. En deux jours, seuls deux élèves n’ont pas rendu le motif le plus satisfait.

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