Violences sexistes et sexuelles : l'Ordre des médecins veut interdire l'exercice de la médecine aux étudiants condamnés
L'Ordre des médecins recommande de ne pas inscrire un jeune diplômé de médecine condamné durant ses études pour des faits de violences sexistes et sexuelles. Une demande qui constitue de fait une interdiction d'exercer pour ces profils.
Ne plus inscrire à l'Ordre les jeunes médecins ayant été condamnés durant leurs études pour des faits de violences sexistes et sexuelles (VSS). C'est la proposition formulée par Francois Arnault, président du CNOM (Conseil national de l'Ordre des médecins), le 8 octobre à l'occasion de la 4e conférence dédiée aux VSS et aux risques psycho-sociaux (RPS) en formation de santé.
"Nous demandons aux conseils départementaux d'analyser, d'évaluer et de prononcer une non-inscription aux étudiants qui auraient été coupables de VSS pendant leurs études", insiste François Arnault, précisant que le casier judiciaire demandé lors de cette démarche devra aller plus dans le détail qu'aujourd'hui.
"L'Ordre ne veut plus laisser passer cela", affirme-t-il. Cette tolérance zéro – qui s'appliquera à d'autres crimes - constituerait de fait, une interdiction d'exercer. Objectif : en finir avec l'image de "laisser-faire" et de "protection" [des agresseurs] qu'a pu avoir l'Ordre par le passé. Cette politique concernera également les médecins en exercice.
L'Ordre souhaite d'ailleurs que ces recommandations s'appliquent également aux crimes commis dans la sphère privée, ce qui peut être aujourd'hui contesté en Conseil d'État.
Selon Francois Arnault, il faut donc prévenir les étudiants au début de leur cursus. "On peut faire des études de médecine, les terminer, réussir ses examens, mais si on a été condamné pour des faits graves de VSS, l’Ordre se réserve le droit de ne pas autoriser l’exercice du métier de médecin."
Impossible d'empêcher un étudiant condamné de terminer son cursus
En effet, les doyens de faculté de médecine indiquent qu'il leur est impossible de refuser à un étudiant condamné pour des faits de VSS de poursuivre ses études.
"Sauf s'il a été condamné par la section disciplinaire à une interdiction de toute inscription dans toute université française, on n'a aucun moyen de faire sortir un étudiant qu'on estimerait comme totalement incompétent pour exercer la médecine. Il n'y a pas de solution", souligne Bruno Riou, vice-président de la Conférence des doyens de médecine.
Un étudiant en médecine sur trois victime de harcèlement sexiste ou sexuel
La recommandation de l'Ordre intervient alors que le #metoo hôpital a été lancé au printemps 2024. La problématique des VSS dans le milieu de la santé, bien plus ancienne, est particulièrement sensible sur la période des études.
Le cas d'un étudiant en médecine, condamné en mars 2024 pour des agressions sexuelles en 2020, à Tours, continue de bouleverser l'écosystème. L'étudiant fait cette année sa rentrée d'internat à la faculté de santé de Toulouse, tandis que le parquet a fait appel de sa décision et que les personnels du CHU se mobilisent contre sa venue.
Au-delà de ce cas individuel, une enquête de l'Anmef (l'Association nationale des étudiants en médecine de France), révélait, en 2021, que 32% des étudiants en médecine avaient été victimes de harcèlement sexiste ou sexuel et que 15% d'entre eux avaient déjà subi une agression sexuelle à l'université ou à l'hôpital.
Prise en charge des victimes : des procédures dissuasives
Le 8 octobre, Benoît Veber, président de la Conférence des doyens de médecine, a aussi rapporté que les doyens de 32 facultés (sur 34) avaient été informés de 80 situations de VSS en 2023-2024, "dont certaines très graves". Dans huit cas, le procureur a été alerté. Et de préciser qu'il "y a très probablement une sous-déclaration importante". Il promet qu'il y aura "une réponse à chaque fois qu'une situation est avérée".
Au-delà du constat de l'ampleur du phénomène, la lutte contre les VSS dans les études de santé semble difficile. La complexité du système de prise en charge – depuis le signalement jusqu'à la sanction (qu'elle soit celle de la justice, celle de l'université ou celle de l'Ordre) - est un frein aux signalements.
Et si les doyens déplorent un manque de remontées, les étudiants constatent, quant à eux, des procédures dissuasives car très longues, peu protectrices et menant rarement à des sanctions. Les victimes craignent également de compromettre leurs futures carrières.