Phoenix CMS Accéder au BO
Actu

Violences sexistes et sexuelles : une femme médecin sur deux est victime, le plus souvent durant ses études

48% des femmes médecins sont victimes de VSS pendant leurs études d'après l'enquête de l'Ordre des médecins.
48% des femmes médecins sont victimes de VSS pendant leurs études d'après l'enquête de l'Ordre des médecins. © amnaj / Adobe Stock
Par Agnès Millet, publié le 09 janvier 2025
5 min

Plus d'une femme médecin sur deux a été victime de violences sexistes et sexuelles au sein du monde médical. Un chiffre édifiant révélé par une enquête de l'Ordre des médecins, qui rappelle que les faits se déroulent souvent lors du parcours d'études.

"Le monde médical apparait comme un lieu où les violences sexistes et sexuelles sont nombreuses et en majorité dans le parcours étudiant" : voilà la conclusion sans fard de l'enquête sur les violences sexistes et sexuelles (VSS) au sein du corps médical, menée pour le compte de l'Ordre national des médecins et publiée en novembre 2024.

En effet, 65% des médecins ont eu connaissance de violences sexistes et sexuelles au sein du monde médical. Surtout, 54% des femmes médecins (contre 5% des hommes) en ont été victimes, en majorité lors de leur parcours étudiant.

48% des femmes médecins victimes de VSS pendant leurs études

Dans le détail, les médecins interrogés sont 53% à avoir eu connaissance de VSS durant leur parcours étudiant, contre 44% dans le monde professionnel. Près de 44% ont eu connaissance d'outrage sexiste et sexuel durant leurs études, 28% de harcèlement sexuel, 16% d'agression sexuelle et 9% de viol.

Ainsi, plus d'un quart des répondants ont été victimes de VSS durant leurs études, contre 14% à en avoir subi dans le milieu professionnel. Un phénomène qui touche surtout les femmes : elles sont 48% à avoir été victimes de VSS durant leurs études, contre 25% de victimes dans le milieu professionnel.

"Les enseignants sont les principaux auteurs d’outrage, de harcèlement et d'agression sexuelle", révèle l'enquête. Durant les études, l'auteur de l'outrage sexiste et sexuel ou du harcèlement sexuel est un médecin dans près de 9 cas sur 10. Pour les situations les plus graves, l'agresseur est un médecin dans 62% des cas d'agression sexuelle et dans 29% des cas de viol.

Devant ces résultats "très inquiétants", "l'Ordre des médecins souhaite exprimer sa solidarité et son soutien aux victimes, et rappeler la politique de tolérance zéro qui l’anime".

Une prise en charge problématique

Au-delà de l'ampleur du phénomène, la prise en charge est également problématique, entrainant une sous-déclaration des faits.

Ainsi, 92% des médecins interrogés estiment qu'une victime de VSS "rencontre des difficultés à se faire reconnaitre (écoute, prise en charge et poursuites)", en raison du "manque de soutien pour la victime (66%) et de la culture des VSS banalisées dans le monde médical (39%)".

Ils sont 40% à estimer que les victimes s'exposent à des obstacles dans l'avancement de la carrière ou vis-à-vis de leur stage (non-obtention de poste, pas de promotion, non validation du stage, mauvaise note au rapport de stage).

Les étudiants de médecine mobilisés pour lutter contre les VSS

Devant ces risques, l'Ordre constate que les faits sont "souvent passés sous silence". Et la pression pèse davantage lorsque les victimes sont en cours de formation.

C'est ce que dénonçait Audrey Bramly, interne en anesthésie réanimation et cofondatrice du Clash-AR , lors de la conférence de concertation sur les risques psycho-sociaux et les VSS, organisé le 8 octobre 2024. Selon elle, "la balance bénéfiques/risques n'est pas en faveur des victimes. Aujourd'hui, elle est en faveur de l'agresseur".

"La libération de la parole ne se fera qu'avec la confiance qui y sera associée. Beaucoup d'internes ont envie de parler, mais pour que cela fasse vraiment changer les choses", appuie Killian L’Helgouarc’h, président de l'ISNI.

VSS dans le monde médical : comment améliorer la prise en charge ?

La crainte de répercussions négatives en cas de déclaration se double d'une grande complexité de prise en charge : les interlocuteurs ne sont pas toujours identifiés et les processus de signalement et d'enquête ne sont pas toujours fonctionnels.

"Le temps des constats est passé, il faut voir comment on agit. Le système de sanctions aujourd'hui est complexe et pas assez efficient", jugeait, le 8 octobre, Julien Besch-Carrière, vice-président de l'ANEMF , association ayant déjà enquêté le sujet et qui a publié, en avril 2024, sa deuxième édition du guide de lutte contre les VSS au sein des études de médecine.

D'autres associations d'étudiants en médecine ont porté des propositions. C'est le cas de l'ISNAR-IMG , qui a publié une contribution sur le sujet, en novembre 2021. Elle préconise des formations obligatoires pour les maitres de stage universitaires. Elle propose également une sensibilisation pour les étudiants de 2e et 3e année et la création d'une cellule dédiée aux VSS dans tous les CHU.

Méthodologie de l'enquête menée par l'Ordre des médecins

L’enquête a été réalisée via l’envoi d’emails par le Conseil national de l’Ordre des médecins, appuyée par l'institut de sondage Viavoice, et présentée par Marie-Pierre Glaviano-Ceccaldi, vice-présidente de l'Ordre et Jean-Marcel Mourgues, vice-président de l'Ordre.

Les médecins ont été interrogés en ligne du 23 septembre au 14 octobre 2024. Ils sont 19.104 docteurs juniors et médecins en activité (en activité régulière, remplaçants ou retraités en activité) à avoir répondu.

Vous aimerez aussi

Contenus supplémentaires

Partagez sur les réseaux sociaux !