Enquête

La triche, nouvelle stratégie pour gonfler son dossier Parcoursup

La fraude au bac est passible de sanctions disciplinaires allant du blâme à l’interdiction de passer un examen.
La fraude au bac est passible de sanctions disciplinaires allant du blâme à l’interdiction de passer un examen. © Adobe Stock/Soupstock
Par Paul-Adrien Montacié, publié le 13 février 2023
4 min

Pour obtenir la formation de leur choix sur Parcoursup, certains lycéens n'hésitent pas à tricher pour présenter un meilleur dossier. Sous l'œil impuissant de certains enseignants, qui laissent faire pour ne pas pénaliser l'avenir de leurs élèves.

"Seul le résultat compte, pas la manière. Ce n’est pas la faute des élèves si tout se joue sur les résultats." Lucas*, en terminale et tout juste majeur, avoue tricher et n’hésite pas à accabler le système Parcoursup.

Une vision biaisée de l'algorithme de Parcoursup

Pourtant excellent élève, le lycéen est persuadé qu’il lui en faut plus pour obtenir les CPGE les plus prestigieuses. "On sait bien que les lettres de motivation, c’est secondaire. L’algorithme classe juste les meilleures notes et les meilleurs lycées." Une vision biaisée de l’algorithme de Parcoursup, qui semble pourtant partagée par d’autres candidats.

Elisa*,16 ans et en première, regorge d’ingéniosité pour décrocher de meilleures notes. Antisèches, téléphone, coups d’œil sur le côté, tout est permis pour gonfler son dossier : "Ma sœur m’a toujours dit que l’important était d’être admise, et qu’en études supérieures, ça irait tout seul", explique la jeune fille, qui souhaite intégrer un bachelor d’école de commerce après le lycée.

"Cette façon d’envisager le lycée comme un jeu est inquiétante", estime Laura*, professeure de mathématiques. "Les élèves ne se rendent pas compte que les seules notes ne les feront pas tenir dans le supérieur. Ils visent à court terme, mais c’est normal à leur âge", assène-t-elle. Une analyse que Lucas confirme à sa façon : "Soyons sérieux, beaucoup de choses que l’on apprend ne servent pas à grand-chose. C’est tout de suite rattrapé en études supérieures".

Des profs de plus en plus indulgents

Pour autant, si l’enseignante met en garde les élèves, elle remet aussi en cause le système de sanctions : "Nous faisons de plus en plus preuve de laxisme depuis que Parcoursup représente un enjeu qui nous dépasse tous".

"En 2018, nous avions relevé une vingtaine de copies qui présentaient des similitudes à un bac blanc de première, raconte-t-elle. Après concertations, nous avions décidé en interne de ne pas attribuer de notes pour éviter un scandale, et un dossier ruiné pour toute une classe."

Ce témoignage n’est pas sans rappeler une histoire de tricherie similaire dans un lycée d’Île-de-France dans le cadre d’un bac blanc de physique-chimie. En 2019, les professeurs avaient dénoncé des pressions de parents d’élèves pour faire enlever le zéro reçu.

"L’avenir de son enfant autorise beaucoup de choses, philosophe Laura. Mais il faut aussi comprendre pourquoi, parfois, nous n’avons pas envie de nous battre. Même si on fait deux sujets, qu’on change l’ordre des QCM, certains se débrouillent toujours et c’est tout de même nous qui passons pour les méchants."

De son côté, Lucas fanfaronne : "Plein de profs nous voient faire et ferment les yeux. Comme ça, tout le monde est tranquille".

De lourdes sanctions à la clé

Cependant, la tricherie n’a rien d’un jeu. "Ils oublient que si des cas de triches sont mentionnés dans leur dossier, aucune formation sélective ne s’intéressera à eux", complète Laura.

De plus, la fraude au bac est passible de sanctions disciplinaires allant du blâme à l’interdiction de passer un examen pour une durée maximale de cinq ans. Au bac, on recensait en 2018 environ un cas de triche sur mille élèves, et plus de la moitié des fraudes avérées ont conduit à une sanction.

*Les prénoms ont été modifiés.

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