Enquête

Que deviennent les jeunes des quartiers prioritaires de la ville après le bac ?

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"L'effet quartier" reste très marqué sur l'orientation et l'insertion professionnelle des jeunes. © fizkes/Adobe Stock
Par Eva Talma, publié le 15 juillet 2020
5 min

INFOGRAPHIE. Le Céreq (Centre d’études et de recherches sur les qualifications) a réalisé une étude, parue en juin 2020, pour évaluer "l’effet quartier" sur les parcours scolaires et sur l’intégration des jeunes dans le monde du travail. Les problèmes d’orientation, d’insertion professionnelle et les difficultés scolaires seraient plus marqués dans les quartiers prioritaires qu’ailleurs.

Résider en Quartier Prioritaire de la politique de la Ville (QPV), comme le quartier de la Chapelle, à Paris, ou les quartiers nord de Marseille, a une forte influence sur les trajectoires professionnelles des jeunes

. D’avril à juillet 2016, le Céreq a interrogé 19.500 jeunes représentatifs des 693.000 jeunes titulaires du baccalauréat et résidant dans une unité urbaine comprenant au moins un QPV. Ces jeunes ont quitté pour la première fois le système éducatif durant l’année scolaire 2012-2013.

L'effet quartier en action

  • des conditions de vie défavorables aux études ;

  • une ségrégation sociale qui nuit aux apprentissages ;

  • un manque d'informations en termes d'orientation et d'opportunités ;

  • des préjugés dans les phases d'orientation comme plus tard, sur le marché du travail.

Les appartenances sociales des jeunes résidants en QPV au moment de leurs années lycée jouent, d’après l’étude du Céreq, sur leur orientation scolaire et sur leur devenir professionnel.
L'orientation contrariée des jeunes des quartiers prioritaires

Des jeunes dirigés vers des filières professionnelles dès le lycée

L’enquête révèle que les jeunes des QPV ont souvent des parcours scolaires plus chaotiques que les jeunes des quartiers voisins. Près de 38% des jeunes habitant en QPV intègrent la filière professionnelle au lycée, contre 23% pour les quartiers voisins. Cette "orientation contrariée" résulte, d’après l’enquête, des préjugés et stéréotypes sur les qualités des jeunes au lycée. Les jeunes tentent alors de "rattraper" leur orientation dans le supérieur.

Une poursuite d’études pour "recadrer" leur orientation contrariée

S’ils sont plus nombreux à poursuivre leurs études dans le supérieur après le lycée pro que leurs voisins également dans ces séries, les jeunes bacheliers professionnels issus de QPV sont 40% à intégrer une formation pour laquelle ils n’ont pas été préparés, contre 20% pour les autres jeunes. Le résultat, peut-être, d’une insatisfaction concernant leur orientation dans le secondaire, suggère l’étude.
En effet, les jeunes de QPV sont souvent orientés dans des filières professionnelles au lycée et ce, même s'ils se destinent à un métier qui requiert un cursus général. Ils sont alors plus nombreux à chercher à rectifier leur parcours en continuant leurs études dans le supérieur. Or, ils entrent souvent dans des cursus universitaires auxquels ils ne sont pas préparés. Parmi ceux qui entrent dans l’enseignement supérieur, 38% en ressortent sans diplôme (contre 20% pour les jeunes résidant hors QPV).
Le fait de résider en QPV au moment du bac réduit les chances d’atteindre un niveau de diplôme supérieur à bac+2. De plus, les études sont stoppées souvent par contraintes : frein financier, absence de la formation souhaitée à proximité... L’appétit des jeunes de QPV pour l’enseignement supérieur est contrarié par "une affectation massive dans des filières où ils échouent", explique le Céreq. Ce qui conduit à des difficultés d’insertion dans le monde du travail.

Des trajectoires professionnelles moins linéaires et des emplois moins qualifiés

L’effet quartier ne s’arrête pas à la sortie des études. Les jeunes issus de QPV ont plus de mal à s’insérer sur le marché de l’emploi. Ainsi, 37% des jeunes issus de QPV sont sans emploi trois ans après leur sortie de formation initiale, contre 22% pour leur voisins des autres quartiers.
Les postes de ceux qui occupent un CDI, soit 59% des ex-jeunes de QPV en 2016, sont globalement moins qualifiés que ceux de leurs anciens voisins. Trois ans après le bac, 53% occupent une place de cadre, contre 63%. À l’inverse, ils sont plus nombreux à être employés comme ouvrier (45% contre 35%).

Malgré plusieurs décennies d’éducation prioritaire visant les jeunes de milieux sociaux défavorisés, le bilan dressé par le Céreq reste donc mitigé, faisant état "d'inégalités scolaires massives qui subsistent". En cette année record pour le bac (le taux de réussite est de 95,7% pour l'ensemble des séries et de 90,7% pour les bac pros), les choix d'orientation et l'avenir professionnel des jeunes issus de quartiers prioritaires restent plus que jamais en question.

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