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Vingt ans après son interdiction, lutter contre le bizutage reste d'actualité

Le bizutage : jusqu'où ça peut aller ?
Le bizutage est interdit par la loi depuis 1998. © iStockphoto
Par Laura Makary, publié le 19 janvier 2018
5 min

Interdits par la loi et considérés comme un délit depuis 1998, les cas de bizutage continuent à faire régulièrement la une des journaux, même si le phénomène est globalement en recul. Face à ces pratiques, établissements et associations réagissent.

Il y a vingt ans, en 1998, la loi contre le bizutage était votée. Elle est sans équivoque : "Le fait pour une personne d'amener autrui contre son gré ou non à subir ou à commettre des actes humiliants ou dégradants lors de manifestations ou de réunions liées aux milieux scolaire et socio-éducatif" est puni "de six mois d'emprisonnement et de 50.000 francs d'amende" (7.500 € aujourd'hui).

Malgré ces deux décennies d'interdiction, des cas, parfois violents, reviennent régulièrement prendre place dans l'actualité. Un blessé grave à l'EDHEC, école de commerce lilloise, en 2013, lors d'une soirée d'intégration. Un bizutage brutal à l'université Paris-Dauphine, lors duquel un étudiant aurait été scarifié en 2011. Des soupçons de viols lors de week-ends d'intégration dans les écoles de commerce de Grenoble et de Nancy en 2010. Des humiliations à la faculté de médecine de l'université d'Amiens, en 2008. Et, plus récemment, 16 étudiants brûlés aux bras, à la cuillère, durant une soirée sur le campus d'Angers de l'école d'ingénieurs Arts et Métiers. Autant de cas médiatiques, qui en cachent sans doute d'autres, plus confidentiels, mettant en danger les victimes, qui n'osent pas toujours témoigner.

Des périodes d'intégration de plus en plus encadrées

Face à ce phénomène, les établissements ne restent pas sans rien faire. "Le WEI (week-end d'intégration) a beau être organisé par les élèves, il fait l'objet d'un certain encadrement de la part de l'école. Chaque année, nous faisons signer aux étudiants une charte de comportement, nous rappelons également les règles et la philosophie de ce rendez-vous. Je passe moi-même une partie de l'après-midi en leur compagnie sur le terrain", expliquait Frank Bournois, directeur général d'ESCP Europe, en novembre 2017, au moment où l'école de commerce a pris la décision d'interdire les WEI à la suite de débordements.

Du côté d'Arts et Métiers, la direction a également pris la décision de mettre fin à la traditionnelle "période de transmission des valeurs". Et sanctionné les responsables, jusqu'à six mois d'exclusion.

Des actions de prévention

Certains lycées et écoles font également appel à une aide extérieure, afin de sensibiliser leurs élèves sur les dangers du bizutage. Marie-France Henry, présidente du Conseil national contre le bizutage, vient ainsi à la rencontre d'étudiants, à la demande de leur établissement. "Nous venons faire de la prévention, souvent après des cas de bizutage, justement. Le but est de leur faire prendre conscience des raisons qui font que c'est interdit. Je recommande aussi aux chefs d'établissements de demander des comptes au BDE et de faire signer une charte de bonne conduite aux étudiants", explique-t-elle.

Son association recueille également des témoignages de victimes de bizutage. Dans ce cas, elle se veut rassurante. "Nous sommes là avant tout pour écouter. Il faut dire au jeune qu'il a eu raison de briser la loi du silence, que c'est courageux. Nous l'encourageons également à en parler avec le chef d'établissement, ou, s'il ne le souhaite pas, à nous donner des détails pour que nous puissions le faire à sa place, en respectant son anonymat", souligne Marie-France Henry.

Une évolution progressive des mentalités

Malgré ces actualités régulières, la présidente du Conseil national contre le bizutage estime néanmoins que le bizutage est en recul. "Nous observons une évolution des mentalités. Il y a 20 ans, beaucoup estimaient que c'était une bonne chose, que c'était 'éducatif'. Aujourd'hui, la majorité des parents s'y oppose", déclare la présidente du CNCB.

Pour l'étayer, elle met en avant une enquête réalisée auprès de deux fédérations de parents, en 2012 et 2013. Les parents interrogés sont 78 % à estimer que le bizutage est "une épreuve humiliante". Et 91 % à juger qu'il ne s'agit pas "d'une étape nécessaire dans l'intégration d'une école". "C'est la preuve d'une avancée dans le bon sens", se réjouit Marie-France Henry. Qui, elle l'espère, se poursuivra sur les années à venir.

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