Reportage

Dans les coulisses des oraux du CAPES de lettres modernes

Plus de 1.500 candidats se sont présentés aux oraux d'admission du CAPES de lettres modernes 2017.
Plus de 1.500 candidats se sont présentés aux oraux d'admission du CAPES de lettres modernes 2017. © erwin canard
Par Erwin Canard, publié le 04 juillet 2017
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Deux épreuves d'une heure précédées chacune de trois heures de préparation, le tout sur deux jours : voilà ce qui attend les candidats aux oraux d'admission du CAPES de lettres modernes. Quelles difficultés, quelles impressions à la sortie ? Reportage à Tours, au sein du lycée où se déroulaient ces épreuves, fin juin 2017.

Maude* craque et fond en larmes. Il est 10 h 30, mardi 27 juin 2017 au lycée Paul-Louis Courier de Tours (37), et elle sort tout juste de son premier oral d'admission au CAPES (Certificat d'aptitude au professorat de l'enseignement du second degré) externe de lettres modernes. "C'est dur… J'ai l'impression qu'il n'y a rien qui allait, et se retrouver seule face à trois membres du jury, c'est déstabilisant", explique-t-elle. Le stress du concours et la fatigue expliquent l'émotion de la candidate. Elle est en effet sur le pont depuis près de cinq heures déjà : elle était convoquée à 6 h au lycée pour commencer la préparation de son épreuve à 6 h 30.

1.514 admissibles pour 1.288 postes

Les candidats admissibles au CAPES de lettres modernes – c'est-à-dire qui ont réussi les écrits préalables – passent deux oraux : la mise en situation professionnelle et l'analyse d'une situation professionnelle. À chaque fois, trois heures de préparation pour une heure de passage devant un jury composé, respectivement, de trois et deux membres. Cette année, 1.288 postes ont été ouverts au CAPES externe de lettres modernes, 3.800 candidats se sont inscrits et 1.514 (selon le syndicat SNES) étaient admissibles aux oraux. Les résultats sont tombés le 4 juillet et seuls 1.137 candidats ont été admis.

Entre le 10 juin et le 2 juillet 2017, chaque admissible vient passer trois jours à Tours. Après une première journée où il assiste à une réunion d'information, la deuxième est consacrée à la mise en situation professionnelle et la dernière à l'analyse d'une situation professionnelle. Maude en est ainsi, en ce mardi, à son deuxième jour. Le soleil n'était pas encore levé qu'elle entrait dans la "salle de préparation", où tous les candidats qui passaient leur oral à 9 h 30 planchaient sur le sujet qui leur avait été donné. Chaque candidat avait été auparavant affecté à une "commission" correspondant à un jury.

Les sujets sont spécifiques à chaque commission puisque chaque membre du jury – généralement composé d'enseignants de l'enseignement supérieur (en université ou en prépa), d'inspecteurs académiques et de professeurs agrégés de lycée – prépare plus d'une dizaine de sujets différents, qui seront les sujets que traiteront les candidats de ladite commission.

Dans cette salle de préparation, les consignes sont strictes : pas de téléphone, présentation de la convocation et d'une pièce d'identité, interdiction d'aller aux toilettes durant les dix premières et dix dernières minutes. Les candidats ont uniquement droit aux dictionnaires des noms communs, des noms propres et au "Littré", dictionnaire de la langue française.

Une fois les trois heures de préparation achevées, un "appariteur" – membre de l'organisation du concours – emmène les candidats devant leur salle d'oral. "On est pris en main du début à la fin, on peut se focaliser sur notre épreuve, c'est très appréciable", souligne Stéphanie*, pantalon et veste noirs, chassures à talon "façon" prof. Quelques instants après, un membre du jury fait entrer le candidat, qui se retrouve alors seul à une table face à des "figures de l'autorité notamment sur le plan du savoir", décrit Maude. Le stress est à son paroxysme. Le chronomètre est enclenché, les mains et la voix tremblent, cependant qu'il faut s'engager dans les 40 minutes d'explication de texte. Tombée sur une œuvre qu'elle n'apprécie pas, Maude souffle en sortant : "Flaubert, je l'ai évité tout au long de ma scolarité... Il y a un gros facteur chance et ce n'est pas représentatif du travail qu'on a fourni durant l'année", explique l'étudiante en M1 MEEF (Métiers de l'enseignement, de l'éducation et de la formation) à l'université Sorbonne Nouvelle - Paris 3.

Bien gérer son temps

Laetitia*, qui passait elle à 10 h 30, regrette surtout sa "gestion du temps", car elle n'a pu terminer son exposé, le jury l'arrêtant au bout des 40 minutes. "Trois heures de préparation, c'est suffisant pour commenter le texte. Seulement, je suis tombée sur une œuvre que je n'avais jamais lue et comme on n'a pas de dictionnaire des œuvres avec nous, j'ai dû lire rapidement le livre…", poursuit-elle à la sortie de l'oral, à l'ombre de la cathédrale Saint-Gatien qui domine le lycée. Elle espére s'être "rattrapée" durant l'entretien.

Lorsque les candidats arrivent au bout de leur explication de texte, en mise en situation professionnelle, ils sortent de la salle quelques minutes. Pendant ce temps, le jury établit une "note plancher". Chaque membre donne un avis global sur la prestation du candidat et le jury détermine ainsi une note qui ne pourra plus être abaissée. Le candidat entre ensuite de nouveau dans la salle pour un entretien d'une vingtaine de minutes pendant lequel le jury revient sur les points qui ont pu poser problème lors de la première partie. L'entretien peut donc uniquement faire augmenter la note du candidat.

Le principe est le même pour l'analyse d'une situation professionnelle, sauf que la première partie, au cours de laquelle le candidat s'exprime sans être interrompu par le jury, dure 30 minutes maximum et qu'il s'agit cette fois de proposer une séquence d'enseignement à partir d'un corpus de document. La partie "entretien" de cette deuxième épreuve peut durer jusqu'à 30 minutes. "J'y suis allé en mode freestyle !", s'exclame Guillaume*, en sortant de l'épreuve. Le jeune homme au blazer bleu est agrégatif mais se présente tout de même au CAPES en cas d'échec. "Or, si la mise en situation se rapproche de ce qu'on apprend en préparant l'agrégation, l'analyse nécessite une méthodologie que nous n'avons pas. C'est stressant car il a fallu improviser…"

Laëtitia, qui prépare elle aussi l'agrégation à l'ENS de Lyon, explique avoir "beaucoup potassé les rapports des jurys" pour connaître les attentes et les critères d'évaluation. Stéphanie a elle aussi "trouvé l'épreuve difficile", malgré le fait que les cours qu'elle a suivis en master MEEF à Lyon l'aient "bien préparée, notamment en termes de méthode". "Mais trois heures pour préparer une séquence qu'on ferait en plusieurs semaines, ce n'est pas suffisant !", regrette-t-elle. La grande majorité des candidats remarque en revanche la bienveillance des jurys. "Ils essaient, lorsqu'on sèche à l'entretien, de nous tirer les vers du nez", admet Stéphanie. "Le jury n'est pas méchant", complète Maude.

D'autres candidats sont toutefois dans le ressentiment en sortant des épreuves. "On nous prend pour des débiles, proteste Laura*. J'avais entendu dire qu'ils avaient besoin de profs donc qu'ils embauchaient plein de monde. Je croyais que c'était un mythe mais je m'en suis rendu compte ! Il y a des candidats qui confondent imparfait et passé simple ici…" Laura préparait également l'agrégation cette année. "Il y a un gouffre entre l'agrèg et le CAPES. Il faut arrêter de prendre autant de gens au CAPES !", s'emballe-t-elle.

Lors de la session 2016, 76 % des candidats présents aux écrits (coefficient 1 pour la note totale) ont été admissibles et 73 % des admissibles ont été admis après les oraux (coefficient 2). Le sentiment de Laura semble partagé par de nombreux "agrégatifs" présents au CAPES ce jour-là, à l'instar de Guillaume : "Les questions étaient vraiment simples pour des gens qui ont fait six ans d'études. Mais, après tout, c'est sûrement représentatif de ce que les élèves peuvent demander." Dès la rentrée, les heureux admis deviendront enseignant stagiaire : ils donneront des cours de français et, en parallèle, continueront leur formation à l'ESPE (École supérieure du professorat et de l'éducation).

*Tous les prénoms ont été modifiés

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